Égoïsme altruiste
Lorsque j'ai commencé à m'émanciper de ma relation de couple, certes en touchant au domaine "sacré" de l'intimité, immédiatement je me suis vu qualifier d'égoïste. Parce que je pensais à mon équilibre, que je suivais des aspirations personnelles vitales (au sens psychique du terme), j'étais affublé de ce qui se voulait être insulte suprême et maxi-culpabilisante. Sous-entendant que penser à mon équilibre signifiait que je ne pensais "que" à moi. C'est à ce moment là que j'ai compris que l'égoïsme n'était pas un horrible défaut, mais une nécessité si l'on veut s'épanouir. Être égoïste, c'est penser à son égo. Lui faire du bien. Ce n'est pas que dans le sens péjoratif de la définition du dictionnaire...
Cependant je ne me suis jamais défait d'un souci constant des répercussions de mes actes sur le bien-être d'autrui. Jusqu'où pouvais-je faire passer mon égo avant celui de l'autre, en cas d'incompatibilité ? Qui des deux devais-je le plus respecter ? A partir de quel point le souci altruiste devenait-il sacrificiel ? Mon journal fait état de ce laborieux et douloureux chemin de réflexion. Je pense désormais être proche de mon équilibre, qui combine une éthique personnelle du respect d'autrui et un égoïsme sain. Un égoïsme avec le souci de l'autre, en relation avec lui. Un égoïsme assumé qui fait que je ne me sens pas mal à l'aise en observant ses répercussions (même si je les déplore...).
Ceci dit, cet égoïsme altruiste demande un travail conséquent puisqu'il implique un va-et-vient constant entre les aspirations de l'autre et les miennes. Cela s'assimile à une négociation diplomatique et nécessite beaucoup de dialogue ouvert (= réceptif), dans le respect de l'autre, de ses différences, de son mode de pensée, de son expression, de ses sensibilités. C'est même plus que de l'ouverture: c'est aller vers l'autre. C'est savoir se dépouiller de soi et faire l'effort d'entendre l'autre jusque dans ses non-dits. Sans interprétation, ni transposition de soi. Autrement dit: quelque chose qui s'apprend (du moins pour moi, chez qui ce n'est pas inné...).
Pour aller vers l'autre de cette façon, c'est à dire en sachant "s'oublier" temporairement... je crois qu'il faut avoir suffisamment confiance en soi. Parce que l'autre (y compris moi...) peut exprimer sa réalité subjective de façon brutale, culpabilisante, ou déformée. La franchise ne suffit pas pour dire la vérité, qui sait se dissimuler sous bien des masques trompeurs. Être sincère, si l'on omet tout ce que dissimule l'inconscient, est un mensonge paré de vertu. Il m'a fallu longtemps pour le comprendre.
Je sais ne pas avoir acquis encore suffisamment d'assurance pour ne plus prendre en pleine sensibilité les manifestations du mal-être d'autrui. Que ce soit dans la rue, dans les relations professionnelles ou familiales, et à fortiori lorsque des sentiments d'attachement réciproque existent. Trop souvent ça me blesse. Et lorsque la fragilité de ma foi en moi se réveille je deviens égocentriste: je ramène les choses à moi, interprétées selon mon mode de perception, largement incapable de prendre le recul suffisant face à ce que l'autre m'envoie. La culpabilisation à outrance vient de là, avec comme racine la peur de n'être pas assez aimé (ou de perdre l'amour). C'est en pressentant la permanence de ce malaise potentiel que j'ai eu besoin d'en sortir. C'est cela qui était "vital".
Titanesque travail que de reprendre possession de soi lorsqu'on s'est aliéné en vue de correspondre à d'imaginaires attentes. Je l'ai fait du mieux que j'ai pu, avec de belles victoires, mais aussi pas mal de maladresses, d'erreurs... et de reproductions. J'ai appris par l'expérience. S'il y a eu quelques dégats notables autour, les mouvements d'un éléphant manquant de précision et de souplesse, rien n'est à jamais irréparable.
Grosso modo, je crois que je m'en sors plutôt bien. J'ai fait un sérieux dégrossissage et maintenant j'affine. C'est à dire continuer cette prise d'autonomie "égoïste", en vue de quitter l'égocentrisme pour aller vers un altruisme croissant. Voila pourquoi je m'interroge actuellement sur les choix à faire, en prenant contact avec les limites de l'émancipation auxquelles je me trouve confronté.
Je sais que tout passera toujours par la communication. Un dialogue soutenu, indispensable à tout ajustement. Un partage d'impressions d'ego à la fois sincère et respectueux, déterminé et humble. Nuances à trouver entre des pôles dissemblables qui ne peuvent être atteints dans l'absolu. C'est pour cela que je m'intéresse tout particulièrement à la Communication non-violente, à la Psychologie relationnelle, ou à la Programmation neuro-linguistique (PNL). Chacune de ces méthodes est un apprentissage des modes de communication (ou de relation) qui vont au delà des simples échanges de paroles. Elles impliquent à la fois les sens et l'expression des ressentis émotionnels, mais surtout le respect de l'autre. Car la façon d'exprimer compte davantage que le contenu. C'est à cause d'une méconnaissance réciproque (ou inapplication) de ces règles, que les deux couples de ma vie ont été fortement perturbés par la conjonction des différences qui, pourtant, les enrichissent...
Il m'a fallu en passer par là pour le comprendre...