Tout le monde s'en fout
Lu ça chez Alainx, qui lui-même l'avait lu chez Tuna
Un blog c'est mauvais pour la santé
Ca vous bousille votre ego, ça le surdimensionne. Ca vous permet de geindre sans qu'en face, quelqu'un ne jette - mais ta gueule à la fin, écrase quoi. Ca vous prend votre temps chez vous, votre temps au boulot et vous fait perdre du temps de vie réelle, et donc plus rien à raconter à part les tréfonds de votre âme dont tout le monde se fout et dont vous feriez bien de moins vous soucier, vous aussi. Ca vous fait croire que vous être drôle, attendrissant, écouté alors que vous vous êtes simplement ridiculisé, à raconter des trucs qui sont absolument inintéressants.
A première vue elle a pas tort, Tuna...
Ce genre de réflexions autocritiques plus ou moins acerbes viennent à pas mal de ceux qui écrivent, il me semble (générant d'ailleurs des états d'âme supplémentaires...).
C'est pas faux tout ça... mais pas spécifique aux blogs. Quand on pense au temps passé devant la télé (3h24 par jour en moyenne, en France), ça relativise la notion de « temps de vie réelle » perdue (faudrait aussi définir ce qu'est la "vie réelle").
Le fait qu'on raconte des choses dont tout le monde se fout, ça ne me semble pas bien différent de nombre de conversations devant la machine à café du bureau, des bla-blas insipides sur téléphone portable, et pas forcément pire que de ne rien se dire dans la promiscuité muette des transports en commun. Mais soit, inutile de faire des comparaisons avec d'autres activités assez peu épanouissantes.
On pourrait pousser un peu plus loin et comparer aux gens qui décident un jour d'écrire un roman, ou un récit quelconque. Ne retrouverait-on pas, à peu de choses près, toutes les caractéristiques du blog ? Pourrait-on dire alors qu'écrire c'est mauvais pour la santé ? Ah oui... mais dans un roman on étale pas son égo. Ou avec moins d'évidence. A mon avis là dedans c'est l'ego qui dérange...
Ce qui a retenu mon attention dans ce texte, c'est cette idée de « trucs qui sont absolument inintéressants », renforçant le « dont tout le monde se fout ». Je renverse le point de vue et je me demande alors: c'est quoi quelque chose d'intéressant ? Intéressant pour qui ? Selon quels critères objectifs ? Le nombre de personnes intéressées? La portée universelle ? Y'en a bien qui trouvent le foot intéressant... ou bien les enluminures des manuscrits moyennâgeux, ou encore les variations de la bourse. Ce qui est intéressant n'a rien de généralisable et si on se référait à l'opinion consensuelle d'un hypothétique « qui intéresse tout le monde », je me demande à quoi on aboutirait. A part les grandes priorités humaines dont, avouons-le, on se fout un peu tant que ça reste loin de nous.
Ce qui me titille, en fait, c'est l'association « états d'âme » et «dont tout le monde se fout ». D'abord parce que si c'était le cas un tel blog n'aurait pas de lecteurs, ensuite parce que j'ai toujours été méfiant vis à vis de ce qui tend à nier les états d'âme. Ou les minimiser. Les états d'âme, les émotions, c'est bien ce qui fait que la vie est "réelle". Vécue, ressentie. Chacun a ses états d'âme et certains sont certes plus altruistes que d'autres. D'aucuns s'enflamment pour le tiers-monde, d'autres pour les sans-abris... ou pour la mort d'un poisson rouge. Tout est question de culture, de références, de construction de la personnalité, de prise de conscience. Et c'est la rencontre de d'états d'âme, écrits puis lus en résonnance, qui crée l'intérêt. En soi, globalement, ça n'intéresse que peu de gens. C'est vrai. Mais il n'y a pas besoin d'être beaucoup pour partager quelque chose.