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Alter et ego (Carnet)
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28 novembre 2005

Évolution ou achèvement ?

Tant que je suis lancé dans une réflexion autour des relations affectives, et puisque il en est question dans le secteur de la blogosphère que je fréquente, je poursuis...

Alainx (que je sais lu par nombre de blogs-amis...) a écrit récemment quelques textes qui m'ont bien intéressé. Il y a eu celui sur l'amour durable, suivi d'un billet sur ce qu'on appellait autrefois pudiquement les "liaisons". Son dernier, "La tentation de l'ex", est particulièrement évocateur pour moi puisque je suis en plein dans une "exification": évolution vers le statut d'ex.

Alain dit: «Les "ex" ! Une manière de chosifier, de classifier avec une sorte de froid dessèchement ce qui fut une relation chaude, vibrante, passionnée, pleine de feu.». Je le perçois de façon similaire et, d'aussi longtemps que je me souvienne, je n'ai jamais aimé le terme "ex". Surtout lorsqu'il est énoncé avec un détachement qu'aucune précision ne complète. Car lorsque l'évocation de l'ex est suivie d'un «mais nous sommes toujours amis», ou encore associée à un statut précis (ex-mari, ex-compagne, etc.), je ne ressens pas le coté "coupure" de la sécheresse du mot. Bref et claquant, crucifié sur son x. Renvoyant l'ex-relation à son statut d'insignifiance au présent. Exit.

Je ne sais pas d'où me vient ce malaise vis à vis du mot "ex". Etymologiquement il signifie "sortir", mais peut aussi avoir le sens de "absence", "privation", "passage d'un état à un autre", ou "achèvement". Il est donc tout employé à bon escient et chacun peut en nuancer le sens. C'est celui d'achèvement qui me déplaît. Je n'aime pas ce qui coupe définitivement...



En ce moment, celle qui fût mon épouse et compagne de vie devient progressivement "mon ex-femme", donc "mon ex". Je n'emploie jamais ce terme, surtout pas en raccourci, et je ne crois pas que je le ferai davantage lorsque le divorce sera prononcé. J'ai beau essayer de dire "future ex-épouse", je ne m'y fais pas. Le terme "ex" est trop coupant, non représentatif d'une évolution de la relation. Même s'il y a "passage d'un état à un autre", je sens le terme trop connoté dans l'esprit des gens: l'ex, c'est quand c'est fini. Certes, quelque chose est fini: nous nous séparons, nous dissocions nos parcours. Mais nous restons amis. Amis proches, confidents. Le lien de confiance perdure, voire se renforce. Notre statut d'ex-conjoints-amis est particulier et n'est définissable par aucun mot que je connaisse. Le terme "amis" me semble réducteur, vu l'ancienneté du lien et le rôle de co-parentalité. Quant au terme "ex", s'il traduit la fin d'un certain mode de relation, il me convient. Mais s'il signifie la fin d'un lien... je ne l'aime pas. Il m'indispose profondément. Viscéralement. Syndrôme de l'abandon... Alors dans le doute, je ne l'emploie pas.

Il faudra pourtant bien que j'en trouve un qui convient, lorsque je ne peux pas employer simplement son prénom...



De par ma vie sentimentale, très longtemps monogame et exclusive, je n'ai pas vraiment d'ex. Tout juste quelques simili-ex. Et encore, il s'agit davantage d'ex-amitiés que d'ex-amours. Enfin... disons que les relations avaient les deux composantes, mais c'est la fin de l'amitié, du lien de confiance, qui m'a bouleversé bien davantage que la fin de l'état "amoureux" (dont j'accepte le côté aléatoire).
Il y a d'abord eu une expérience traumatisante dans mon adolescence, lorsque celle que je considérais comme ma première amie fille (et accessoirement premier amour-amoureux passionné) m'a "oublié" en quelques semaines. Elle a très vite cessé de répondre à mes courriers, malgré nos promesses. J'ai maintenu activement le contact pendant un an mais, sans initiatives de sa part, j'ai fini par renoncer. Lorsque cinq ans plus tard je me suis marié, pas rancunier, je l'ai invitée. Elle m'a répondu que, heureuse d'avoir de mes nouvelles, elle essaierait de venir. Elle n'est pas venue, sans autre explication. Encore quinze ans plus tard, j'ai de nouveau manifesté mon désir de la rencontrer. Il devenait important pour moi de dépasser cette blessure du non-dit. Important de "comprendre", de "donner du sens". Comme l'exprime Alainx, je ressentais «toujours en moi cette tentation de reprendre contact avec elle. C'(était) récurrent, cela (revenait) à intervalles réguliers.». Mon courrier, pourtant très amical et correct, resta sans réponse. J'ai attendu trois mois. Bien décidé à aller jusqu'au bout et savoir enfin ce qui, sans cela, resterait un doute jusque sur mon lit de mort, je lui ai finalement téléphoné. Je vous laisse imaginer le rythme de pes pulsations cardiaques en composant le numéro... Au bout du fil était une vérité, que je redoutais sans doute de connaître. Le premier accueil, un peu méfiant (« mais qu'est-ce que tu me veux ? Tu es marié... ») s'adoucit rapidement. Je retrouvais mon ancienne amie avec un immense plaisir. Très agréable conversation de retrouvailles, une heure durant. Toutefois, ça ne m'avait pas suffit et les questions se réactivaient plus nombreuses encore à l'issue de ce premier contact. Et puis... j'avais envie de la rencontrer. La voir en vrai. Croiser son regard. La voir mûrie, autre. J'en avais besoin pour fermer le livre en paix. Ou bien pour retrouver une amitié féminine, vieux rêve encore inaccessible... Bref, sortir de ce que décrit Alain: «un manque intérieur vis-à-vis d'elle. Quelque chose qui ne s'est pas achevé. Il manque l'épilogue à l'histoire que nous avons écrite ensemble.»

Alors j'ai re-téléphoné quelques temps plus tard. Mais mon ex-amie, ex-amour platonique, ne l'entendait pas de cette façon. Sans signes précurseurs, je me suis fait proprement jeter. Quelle claque ! Le lien de confiance, aussi distendu soit-il au bout de vingt ans, venait d'être tranché. J'ai tenté, de toutes les manières possibles, d'expliquer mes intentions tout à fait respectueuses et honnêtes, mon "besoin de comprendre" et son importance cruciale dans mon parcours de vie... Rien n'y a fait. Elle ne voulait plus rien me donner. La belle est entrée dans le silence et n'en est jamais sortie. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles et elle a déménagé sans laisser d'adresse. C'était il y a dix ans.

Cette amie est donc bien devenue une "ex": je ne ressens plus "rien" à son égard et je suis en paix. Le rejet et le silence ont vallu explication. Douloureuse, certes... Il m'a falllu quatre années, des mois de thérapie, des centaines de page d'écriture (oui, ça vient de là...), et une autobiographie-éxutoire pour digérer ce refus de dialogue. Donner un sens à cette "trahison" de l'amitié lointaine. Sans compter les vingt années précédentes... Pourtant, si un jour elle se manifestait, je ne refuserais pas le dialogue. Ma fidélité relationnelle n'est pas prescriptible, même si je n'oublie jamais mes cicatrices.



J'ai eu une autre "ex", ou assimilable. Ma première "amie" (du moins le croyais-je) rencontrée sur internet et avec qui une relation de confidences, séduction, puis forte attirance sur fond plus ou moins sentimentalo-désirant s'était développée. Quelque chose d'assez intense, quoique sans réel investissement. Cette femme, aussi intellectuellement brillante que portée sur le sexe, a élargi mes horizons en la matière. Mais, collectionneuse d'hommes de passage, elle était complètement envahie par des névroses auto-destructrices qui finalement m'entraînaient avec elle dans un mal-être sournois. Peu à peu sa dureté est devenue inversement proportionnelle à sa fragilité et à la douceur dont elle avait pu faire preuve auparavant. En quelques semaines, alors qu'elle s'était dite "amoureuse" (?) de moi, elle a méticuleusement saboté notre relation d'amitié naissante. Connaissant ses souffrances intimes par ses confidences, j'ai tenté de l'aider comme je l'ai pu. J'ai vraiment essayé de lui apporter toute ma compréhension. Mais plus je lui tendais la main, plus elle me griffait... puis s'effondrait ensuite de me faire tant de mal. A la fois petite fille fragile et femme très piquante. Limite sadique. Avec elle, j'ai pas mal pleuré... Elle se savait ainsi, ne pouvait pas s'en empêcher, et "tuait" toutes ses relations sentimentales au prix d'une grande détresse intérieure. Elle le faisait d'autant plus qu'on s'attachait à elle et qu'elle s'attachait. Plus on l'aimait/aidait et plus elle blessait pour confirmer la malédiction qu'elle s'était choisie: personne ne pouvait vraiment l'aimer. Je l'ai prévenue que je sentais ne pas pouvoir supporter très longtemps, malgré tout ce que j'avais envie de lui apporter comme soutien en tant qu'ami-confident. Mais elle a poursuivi son programme d'auto-destruction jusqu'au bout...
J'ai mis fin à la relation après seulement trois mois, tout en lui en expliquant les raisons. Quelques temps plus tard je lui ai fait signe amicalement à l'occasion des voeux de fin d'année. Elle m'a répondu très brièvement, précisant qu'elle avait mis un moment à se souvenir de qui j'étais. Ultime perfidie dont je n'ai pas été dupe... Manifestement elle m'avait déjà sorti de sa vie, oubliant tout de ce qui nous avait liés. Elle avait tiré un trait et me le manifestait sans ambiguité. Après tout, je n'étais qu'un homme parmi la centaine qu'elle avait déjà eu dans sa vie. Et même pas un amant...
Elle aussi est donc devenue une ex, et jamais plus je ne chercherai à la recontacter. C'était il y a cinq ans.

Ces deux histoires sont achevées. Les livres sont refermés. Aller jusqu'au terme a pu être pénible, long, mais efficace. Deux amitiés rayées de mon existence, mais sans plus aucune trace de douleur. Je ne voulais pas garder cette amertume dont parle Alainx: «Alors c'est un peu comme si elle n'avait pas encore pris vraiment sa place au fond de mon coeur. Elle est encore comme un corps flottant un peu à la dérive dans mon paysage intérieur ».

Dans une autre relation d'amitié désirante-amoureuse, l'évolution par le dialogue, sans rupture, a permis de maintenir un lien de confiance. Rien n'a été coupé et la confiance demeure, solide. La relation est saine et apaisée des deux côtés. Je ne considère pas cette femme comme une ex, mais comme une amie. Le livre reste ouvert, même si un chapitre est terminé.

Toutefois, dans les deux premiers cas il ne s'agissait que de relations restées assez lointaines dans le domaine de l'investissement affectif, et sans rapport physique.
Qu'en est-il du passage au statut d'ex lorsque le lien de confiance et d'intimité, émotionnelle et physique, amitié et amour, a été très durable, ou très fortement investi ? Peut-être qu'entrent en jeu des problématiques bien plus complexes ?
Je ne pourrai en parler que dans quelques années...

neige_et_montagne2

La neige à recouvert les montagnes... et me donne le temps d'écrire.


Commentaires
I
Coumarine, je sais bien ce que sont ces limites de ce qu'on ne peut dire publiquement... Il est important de se mettre les limites protectrices qui nous conviennent et de s'y tenir.<br /> <br /> Gourmande, lorsque c'est l'autre qui ferme la porte avec détermination, je me dois d'en tenir compte. Si je dis "ex-ami" c'est une façon de désinvestir la relation pour ne pas en souffrir. Je devrais peut-être trouver un autre mot, indiquant que l'ami en question est parti, mais que moi je suis toujours "là"...<br /> Bon, bref, j'ai toujours autant de mal avec ce mot ;o)
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G
Pour moi le mot ex, quand je parle de mon ex mari, ne me gène pas outre mesure, Il n'est plus mon mari "légitime", il est donc mon ex-mari, mais toujours mon ami. Souvent pourtant je dis mon premier mari. Je ne dirai jamais un ex-ami pour qui que ce soit. je dis plutôt un ancien ami. Quele que fut la relation avec une personne je ne ferme jamais la porte. J'estime que c'est une partie de vie, et ça fait parti de mon histoire. Ce serait renier ce que j'ai vécu.
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C
Je t'ai lu avec énormément d'attention, l'Idéaliste...bien des choses que tu racontes font résonance en moi...mais je ne peux ou ne veux en parler ici<br /> Je continue d'ailleurs à réfléchir à cette entrée qui comme toujours touche à plein de choses, va profond dans l'analyse<br /> Merci à toi
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