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Alter et ego (Carnet)
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16 décembre 2005

La chance de la souffrance

Samantdi a écrit un intéressant billet sur l'autorité. Elle y évoque le mal-être de jeunes qui peuvent être tentés par des formes d'expression qui passent par la violence. Expression de souffrance qu'on pourrait davantage voir comme une contrainte (seul mode d'expression efficace) que comme un choix.
Au détour d'une des phrases qu'elle cite j'ai trouvé ceci: « Ce n'est pas cette souffrance qu'il faut mettre en avant mais la richesse que la souffrance peut donner. »

J'en profite pour faire une digression sur ce seul aspect: les aspects bénéfiques que l'on peut tirer de la souffrance psychique. On a trop tendance, il me semble, à n'en voir que les aspects négatifs. Or, s'ils sont bien réels, et donc à éviter de préférence, je crois que l'on peut fort bien "positiver" la souffrance. Je veux dire: en tirer parti. Non pas la rechercher mais, lorsqu'elle est là, s'en servir plutôt que de tenter de l'occulter.
Ce qui n'empêche pas de chercher à la réduire, car elle exprime une révolte face à quelque chose de perçu comme inacceptable. Elle est avant tout indicatrice de mal-être.

Il ne faudrait cependant pas s'en arrêter à cette seule fonction d'alarme. On peut s'en servir aussi pour guérir, en certaines circonstances, les causes qui l'ont déclenchée... lorsqu'on dispose d'un pouvoir sur elles (ce qui n'est pas toujours le cas). De la souffrance psychique on peut apprendre beaucoup. Apprendre ce qui fait mal, et pourquoi ça fait mal. Par quel mécanisme on souffre, et qu'est-ce qui se réveille à ce moment-là. J'y vois une source de connaissance sur soi, et au delà sur l'humain, tout à fait intéressante.

Pour cela il est indispensable de garder un recul suffisant pour "donner du sens" à la souffrance ressentie. Sinon ce n'est qu'une masse informe qui dévore la pensée et lamine la personnalité. Il est important de garder la capacité de l'écoute de soi, malgré la difficulté de capter le message lorsque ça hurle en dedans. On ne nous apprend pas à écouter ce langage émotionnel. La souffrance fait peur et généralement tout est fait pour la faire taire au plus vite. Couper l'alarme sans chercher à comprendre ce qu'elle signalait. Et ainsi rien n'est réparé... jusqu'à la prochaine fois.

J'ai eu la grande chance de beaucoup souffrir. Oui, c'était vraiment une chance ! J'ai laissé cette souffrance s'exprimer en mots, je l'ai "écoutée", et très progressivement j'ai fini par comprendre ce qu'elle exprimait. D'abord que la souffrance psychique est des plus subjectives: elle correspond en quelque sorte à un "choix" personnel. C'est bien moi qui ai perçu la souffrance, parce que je me suis trouvé en situation de déséquilibre insupportable. Déséquilibre lié à ce que j'estimais être mon état d'harmonie. Durant ce temps de souffrance, j'ai progressé dans ma connaissance personnelle au moins autant, si ce n'est davantage, que dans les moments les plus heureux (tout aussi révélateurs). Je ne regrette absolument pas cette souffrance qui pourtant me torturait. J'ai pu lui donner un sens et je me suis guéri. Je sais que je ne vivrai plus ces souffrances, c'est une certitude. En les comprenant j'en ai désamorcé les mécanismes enclencheurs.

Entendons-nous bien: je parle de la souffrance sur laquelle je peux agir. Pas celle qui existe sous un régime autoritaire ou dictatorial. Je parle des moments où j'ai objectivement le choix de souffrir ou pas. En l'occurence de la souffrance relationnelle à quelque degré que ce soit: professionnel, familial, amoureux... Dans toute relation égalitaire (sans lien de subordination), chaque partenaire est responsable de sa moitié de parcours. La relation n'existe que lorsque les deux moitiés se rejoignent. Je suis donc responsable du maintien de ma part, de ma main tendue vers l'autre. Si je suis en souffrance, je peux la retirer... Et si je ne le fais pas, c'est que je choisis de souffrir. C'est que je préfère, inconsciemment, la souffrance. Peut-être parce que j'en crains une autre que j'estime pire. La peur de la souffrance fait accepter bien des souffrances...

Là où ça devient intéressant c'est dans la motivation insconsciente de ce choix. Et c'est là qu'il y a à creuser... pour l'amener à la conscience.


Tout ceci est assez éloigné des propos de Samantdi, parce que la souffrance ressentie face à "la société" est d'une toute autre ampleur. Ceci dit... avec les mêmes bagages, ou presque, certains s'en sortent tandis que d'autres "attendent" une solution venue du ciel. Il y a quand même une part de choix, même s'il y a aussi beaucoup de contraintes. Et je me demande si beaucoup d'entre nous n'ont pas tendance à se plaindre sans forcément agir concrètement pour changer les choses.

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