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Alter et ego (Carnet)
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17 décembre 2005

Couples au long cours

Suite à une très récente et importante évolution dans mon parcours je craignais de tomber en panne sèche avec mes réflexions sur l'amour, l'amitié, le couple, et autres variations sentimentales. Mais il me suffit de lire mes collègues blogueurs pour trouver matière à réflexion. D'un côté il y a Valclair qui approfondit sa réflexion autour de l'amitié amoureuse, de l'autre Alainx qui évoque les couples au long cours.

C'est ce sujet que je vais retenir, parce qu'il a un petit quelque chose de légèrement provocant en fonction de mon récent parcours de vie. Alainx écrit d'abord sur les "dégats" occasionnés par une séparation sur les enfants. Préoccupation tout à fait justifiée, mais qu'il assortit d'un regard que j'ai trouvé un peu superficiel sur les raisons qui peuvent mener à une séparation.

Je crois que lorsqu'on parle de séparation il est important de bien dissocier le couple et la famille. Les parents et le couple, même s'il s'agit des mêmes personnes, ne se situent pas du tout dans la même logique. Je partage très largement le point de vue d'Alainx en ce qui concerne les enfants, et tout particulièrement lorsqu'ils sont jeunes. Je le partage beaucoup moins dans la présentation qu'il fait des couples qui se séparent. Notamment dans son regard sur un temps d'avant supposé mieux que celui de maintenant...


Vivre en couple est un choix. Vivre en couple longtemps, voire "pour la vie" en est un autre, plus exigeant encore. Il est tout à fait respectable, parce que parfois (souvent ?) cela demande des efforts non négligeables d'adaptation de l'un à l'autre (pour le meilleur et pour le pire). Il faut de l'amour, un véritable amour de l'autre, pour accepter et choisir de partager son quotidien durant des décennies, jusqu'au moment où ce partage deviendra soutien dans la vieillesse. Alain parle d'abnégation. Oui, c'est difficile... et aussi très beau de pouvoir compter l'un sur l'autre dans une forme de solidarité confiante. Le partage du couple en harmonie et dans toutes les dimensions (communication, sexualité, projets...) a un coté merveilleux dans la confiance que l'on se fait

Ceci dit... on n'est pas toujours une situation aussi douce. La vie à deux peut aussi se transformer en enfer, codépendance sado-masochiste, liens de domination-soumission, dont les enfants ne sortent pas indemnes. Je connais de près la situation et je sais les dégats énormes que cela peut occasionner sur leur construction mentale. Lorsque le couple vit ainsi... on peut se demander s'il n'aurait pas mieux fait de se séparer.

Mais hors de ces cas, si le couple vit dans une relative harmonie et un bonheur suffisant, avec toute la sécurité affective que peut apporter cette présence sur laquelle on peut compter... il n'y a rien à redire. Est-ce une raison pour se satisfaire de ce "confort" s'il devient trop ronronnant ? Certes la vie en charentaises a des avantages indéniables. Pourquoi pas... au choix de chacun.

Alain écrit: «
Certains (certaines) disent qu'ils veulent "reprendre leur liberté" en quittant l'autre alors que le "réparable" demeure. Je me demande de quoi ils parlent. Ils sont complètement dominés par leurs impulsions et leurs aliénations sensibles ou sexuelles, ils sont à la merci de leur dépendances, leurs besoins de rester jeune, d'être encore capable de plaire, etc. etc.»

Il parle de "réparable". On répare ce qui est cassé, ou en voie de l'être. Parfois une réparation peut-être tout à fait satisfaisante. D'autres fois elles reste une réparation: visible, fragile, bricolée. C'est à chaque couple de savoir si la réparation vaut la peine d'être tentée, mais je ne crois pas qu'elle doivent être choisie systématiquement.

Quant a la suite, tous ces motifs de "reprise de liberté" dont je crois deviner quelle estime Alainx leur porte... je crois encore que c'est très réducteur. Certes, ça existe parfois sous une forme d'aliénation. Il se peut aussi que ça existe sous forme éminemment vivante. Pulsion de mort, pulsion de vie... qui peut savoir la différence en l'observant de l'extérieur ? Qui peut savoir ce qui anime vraiment quelqu'un qui décide de quitter son couple ? Personne d'autre que lui.

Je crois qu'il faut bien se garder de juger un comportement dont on ne sait rien dans l'intimité. Le risque est grand de transposer sa propre vision des choses.


Si je réponds sur ce point c'est que je me sens concerné par les propos d'Alainx: j'ai vécu en couple durant un quart de siècle, en m'engageant "pour la vie" avec ma compagne. Nous avons fait des concessions, nous sommes soutenus, avons été solidaires. Nous avons eu des enfants, nous sommes beaucoup aimés... et nous aimons encore. Pour notre entourage nous étions une sorte de couple modèle.

Mais cette vie là ne nous convenait pas vraiment, aussi agréable qu'elle puisse être la plupart du temps. D'une certaine façon nous nous éteignions dans ce petit confort de couple... fait de tant d'adaptations dont nous n'avions même plus conscience. Nous étions bien ensemble... mais seulement "bien". Au fond de nous il manquait une flamme, il manquait de la vie et de la réalisation de soi.
Là, c'est au choix de chacun de vivre sa vie comme il l'entend. Pour ma part cette vie ne devait pas me convenir tant que ça puisque mes "pulsions" m'ont amené à trouver un équilibre hors du couple. De plus en plus hors du couple. Tout simplement parce que, sans en être conscient, je ne m'y épanouissait plus. Si nous nous étions soutenus durant deux décennies, co-construits, mutuellement nourris... il semble que nous étions au bout de ce que nous pouvions partager pour vraiment vivre selon nos aspirations.

Notre séparation est un processus extrêmement réfléchi puisqu'elle est en cours depuis plus de deux ans. Si au début cela s'est passé sous une certaine pression ce n'est plus le cas depuis des mois. C'est en toute sérénité, et en pleine accord, que nous décidons de reprendre un chemin individuel. Sans chercher à réparer ce qui est obsolète. Nous avons longuement réfléchi, individuellement et en couple, en thérapie individuelle et en thérapie de couple, aux divers choix qui se présentaient à nous. Le seul qui nous convenait conjointement était la séparation. Parce que nous nous sommes découverts différents, et surtout avec des aspirations devenues incompatibles. Et parce que nous nous aimons, et nous respectons, nous avons décidé d'une séparation le plus en douceur possible (ça reste un acte déstabilisant et inquiétant). Solidaires dans la séparation. Nous nous séparons ensemble. Et pas pour quelqu'un d'autre...

Nous aurions pu décider de continuer, pour des tas de raisons. Pour les enfants, parce que c'est moins compliqué, parce qu'on a pas besoin de divorcer, pas besoin de partager nos biens... Parce que ça arrange la famille et les amis. Ou même pour le défi de poursuivre. Pas de bonnes raisons ! De la frousse, du confort, de l'immobilisme. Or nous avons tous les deux envie de vivre selon nos désirs. Selon nos rythmes de vie particuliers. Selons nos affinités amicales. Selon nos besoins de communication.

L'image du couple qui dure, dont je m'ennorgueillissais, n'était plus tenable si elle ne devenait qu'une façade pour faire joli et répondre à des convenances. Faire plier mes convictions à des convenances aurait été vraiment absurde.

Je continue à trouver qu'un couple qui vit en harmonie et épanoui est une belle chose. Je dirais que ceux-là ont eu cette chance... parce que trouver un partenaire de vie avec qui on peut évoluer conjointement durant quarante ou cinquante ans c'est une chance. Pas seulement un choix. Par contre, je n'envie pas ces couples qui durent pour durer. Qui ont préféré la facilité de la non-remise en question.


Voila pourquoi je ne crois pas qu'on puisse catégoriser les couples selon qu'ils ont tenu bon ou qu'ils se sont séparés. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise attitude généralisable. Uniquement des cas particuliers, choisis par des gens qui l'ont fait selon leur intuition du moment. Selon ce qu'ils ont cru le mieux de faire. Peut-être menés par des pulsions, peut-être suivant une logique très cohérente. Peut-être dans la précipitation, peut-être dans la réflexion. Peut-être par facilité, peut-être par courage. Peut-être par immaturité, peut-être au contraire par maturité. Eux seuls peuvent le savoir.

Pour ma part je n'assemble que peu à peu le puzzle des motivations inconscientes qui m'ont attiré hors du couple. Ce n'est que progressivement que je les découvre, toujours cachées plus loin que ce que je croyais. Je sais qu'il s'agit d'un ensemble de motivations, dont la conjuguaison a été assez forte pour oser m'émanciper d'un couple auquel je tenais et que je voulais faire durer. Je n'ai rien d'une tête brûlée qui agit sans réfléchir [ceux qui me lisent depuis des années opinent du chef...], et pourtant j'ai choisi de me séparer d'une femme qu'indéniablement j'aime. Et elle aussi a choisi de se séparer de moi, bien que m'aimant. C'est précisément parce qu'on s'aime qu'on se sépare, afin que chacun vive une vie plus en accord avec lui-même. Nous ne sommes plus amoureux, parce que nous ne regardons plus assez dans la même direction. Nos deux directions sont tout autant respectables l'une que l'autre. Nous sommes bien plus que des amis, nous restons les parents de nos enfants, et anciens partenaires d'épanouissement durant plus de deux décénnies.

Je suis convaincu que faire évoluer un couple de cette façon est tout aussi beau que de le faire durer cinquante ans. C'est un autre type de défi.

Voila, il me semblait important de le dire. En tous cas... j'en avais envie.

Commentaires
I
Tristana, je crois aussi que c'est ce qui compte le plus au yeux des enfants. Ils ont une étonnante capacité à "comprendre" les difficultés des adultes.
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T
"C'est précisément parce qu'on s'aime qu'on se sépare, afin que chacun vive une vie plus en accord avec lui-même." C'est à peu de choses près le message que nous avons voulu faire passer à nos fils, ce soir, lorsque nous leur avons annoncé notre séparation. Ce à quoi l'aîné à répondu : "je préfère avoir des parents qui se séparent mais qui s'aiment..."
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P
Belle analyse de ton parcours, et très sincère. <br /> Amitiés.
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G
Je partage entièrement ton point de vue. Il faut une grande maturité pour pouvoir réussir une séparation. Les remises en questions de chacun doivent être abordées au sein du couple pour éviter, ou plutôt adoucir, les douleurs mutuelles. On à trop souvent tendance à penser que celui qui prend la décision de vivre autre chose, d'une autre manière, s'en tire mieux. <br /> Or, il n'en est rien, la souffrance est tout aussi grande surtout que bien souvent il s'y greffe en plus le sentiment de culpabilité. Une séparation réussie vaut bien plus qu'un couple qui ne vit plus, dans lequel un des deux, ou chacun des deux se renie au nom de celui-ci.<br /> On ne doit pas sacrifier sa vie au nom de ses enfants, ceux-ci perçoivent ce mal-être caché, et en souffre tout autant. Ils peuvent se sentir coupable du "sacrifice" de leurs parents.<br /> C'est justement au moment de telles remises en question que l'on s'apercevra si le partenaire aime l'autre pour ce qu'il lui apporte, ou pour ce qu'il est. Je pense que c'est l'égocentrisme de chacun qui envenime trop souvent les choses. Ce séparer en douceur, c'est prendre le temps de regarder l'autre dans ses aspirations, dans sa souffrance et l'épauler, le soutenir. C'est aussi avoir de la compassion, de l'empathie, de la sagesse.
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