La tentation de l'isolement
Je vois qu'on s'inquiète un peu de mon silence, assez inhabituel. Je suis toujours touché par ces marques d'amitié et de sollicitude qui me sont faites.
Il est vrai que suis un peu éloigné du cybermonde en ce moment. Je lis peu, ne commente presque plus, n'écris plus. Pourtant rien de grave: je ne suis pas au fond du trou, ni dans quelque phase dépressive [quoique...]. Mais je me rends bien compte que je m'isole... Je me replie sur moi et ce n'est pas toujours une bonne chose, même si ce silence me permet de me "retrouver".
En fait il y a une conjonction de facteurs. D'abord la reprise d'une activité professionnelle qui occupe largement mes journées [ça, c'est la raison officielle, et réelle].
Ensuite... il y a comme un besoin de prendre du recul avec le monde virtuel, que je désinvestis [provisoirement ?]. Sans doute le contrecoup d'une grande amitié sentimentale qui s'était développée dans ce monde et m'a mis face à d'importantes désillusions : les pièges de ce mode de communication à distance semblent incontournables, même en les connaissant. Il semble que je n'ai pas su tous les éviter avec ma partenaire, conjuguant nos craintes inconscientes au lieu de les apaiser. Chacun est parti dans des projections, contribuant à réaliser ce qui était redouté de part et d'autre. Je considère cela comme un grave échec communicationnel, particulièrement troublant pour moi vu mon investissement dans ce domaine et les espoirs que je fondais sur l'authenticité que cela semblait permettre. Sans doute suis-je allé trop loin dans le désir de transparence, et j'y ai davantage perdu que gagné. Du moins à court terme. Il me faut maintenant réétalonner mes références. Me réajuster. Être plus prudent.
Par ailleurs, je suis dans une période troublée et préoccupante: ma séparation conjugale entre dans sa phase pratique. Tout se passe au mieux puisque préparé et réfléchi de longue date, accepté, confirmé, validé, mais ça reste quelque chose d'inquiétant.
Simultanément, et ce n'est certainement pas un hasard si je l'ai choisie à ce moment de mon existence, la formation que je suis, centrée maintenant sur la psychologie de l'adolescent, aborde beaucoup les notions de "perte", de "séparation", et des nécessaires conflits qui les accompagnent. Moi qui ai toujours voulu éviter les conflits, j'apprends beaucoup... Il est aussi question de changements, de deuils, de communication difficile, de limites personnelles, de mise en mots... Beaucoup de résonnance, donc, tant avec mon adolescence incomplète, celle de mes enfants, et... la crise d'adolescence tardive que je vis actuellement, avec toutes ses conséquences. Tout cela me remue en profondeur, et m'épuise littéralement (je dors beaucoup). Il y a un énorme travail de fond qui se fait, préparé et éclairé par le long et profond travail de thérapie que j'effectue depuis des années.
Et puis bon... des deuils deviennent flagrants simultanément: le rôle parental s'achève, la cellule familiale se disloque avec des enfants qui s'émancipent toujours plus. C'est toute une "mission" qui se termine. Des projets lointains, aussi, qui meurent avec la séparation conjugale. Le renoncement à certains biens matériels à connotation affective (la vieille maison où je vis).
Inutile de cacher, bien sûr, que l'éloignement très significatif qu'a choisi mon amie de coeur, avec tous les bouleversements que cela peut induire dans le rapport que j'entretenais avec elle, me préoccupe largement. C'est même cette problématique qui me perturbe le plus dans tout ce que je vis actuellement...
Bref, l'ensemble de ces préoccupations fait que ça brasse, ça cogite, ça remue. Et ça ne peut pas s'écrire. C'est un travail personnel, assez peu partageable au présent. Je crois que je pose là de solides bases pour mon avenir, et notamment au niveau professionnel qui, résolument, s'ancre dans la relation d'aide. Je sais que c'est parce que je m'occupe de mon vécu personnel maintenant que je pourrai être ouvert à celui des autres ultérieurement. C'est un travail nécessaire pour avoir la capacité d'écouter sans projeter ses représentations. J'apprends à prendre de la distance, et ça ne peut que m'être bénéfique.