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Alter et ego (Carnet)
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19 octobre 2006

Se séparer avec le sourire, mais pas sans peine

C'est curieux, mais au moment où je pourrais beaucoup écrire je ne le fais pas. Je n'ai pas le talent de Samantdi pour raconter avec humour un déménagement hétéroclite et à épisodes. Ou alors... c'est parce que le mien, de déménagement, n'est qu'accessoire. Simple conséquence de quelque chose de nettement plus impliquant.

Je n'écris guère... et pourtant ce que je vis actuellement, quoique banal statistiquement parlant, est pour moi résolument inédit (hum... ou presque...). La perte d'un conjoint, ai-je entendu dire, est un des évènements de la vie les plus déstabilisants qui soient. Que ce soit de façon accidentelle ou à l'issue d'un processus longuement préparé ne change rien au fond: on se retrouve seul, sans ce partenaire avec qui, par qui, et pour qui on avançait conjointement dans la vie. Certes, lorsque la séparation est anticipée on se préserve de la brutalité d'un arrachement violent, et c'est déjà énorme. Mais ça ne supprime pas totalement le sentiment de vide, et la tristesse qui accompagne cette fin d'un parcours commun.

Stop ! ne sortez pas vos mouchoirs ! Bien que cet aspect "triste" soit indéniable, il y a simultanément un côté attirant et joyeux du fait de l'inconnu de la situation et de ce qui en découle. Changements en perspective ! Avec tout ce que ça peut avoir de fascinant, inquiétant et attirant. Nous avons acquis la sérénité nécessaire pour le vivre ainsi. Tout un travail qui offre là ses résultats, et de quoi en retirer un sentiment de satisfaction.

C'est en plein accord mutuel que future-ex (qui est "ex" de fait, si ce n'est légalement) quitte le nid familial amputé tandis que j'en réintègre pleinement le cadre évidé. On se croise. Tous les deux, ainsi que les enfants, nous attendions depuis longtemps ce moment de dénouement qui sera en quelque sorte une délivrance après trois ans de mûrissement et de préparation. Il y a donc une certaine excitation devant le changement en cours. « Enfin, ça bouge ! » Mais ça n'empêche pas un sentiment de peine de nous étreindre. Entamé depuis longtemps, le deuil devient actuellement plus prégnant. Palpable. C'est là. C'est maintenant.

Glups...

Heureux de cette avancée, mais attristés par la perte inévitable de ce qu'on quitte pour de bon. Ambivalence. Sourire et enthousiasme... inquiétude dans le regard, et parfois étoiles dans les yeux. Moments forts. L'amour n'est évidemment pas mort... même s'il a changé.

En me relisant, je vois l'analogie avec un grand départ, lorsque le voilier quitte le port. « Levez l'ancre, hissez la grand voile ! Cap vers le large ! », avec agitation des mouchoirs... (snif snif...)

Il m'est difficile d'écrire à ce sujet. Non par pudeur, mais parce qu'il n'y a pas grand chose à en dire. C'est là, je le vis. Avec elle. Nous sommes tous les deux dans cette peine parallèle, avec la satisfaction de faire la bonne chose au bon moment, mais aussi dans la convivialité du partage. Ne serait-ce qu'au sens pratique des choses: qui prend quoi ? comment se répartit-on les objets communs ? les meubles, les cadeaux de mariage ? Négociations pacifiques, bouffées de passé encore tellement présent qui nous reviennent en plein coeur, dont on rit, parce que c'est mieux de le prendre ainsi. « Tiens ça je le le laisse, hyek hyek hyek » dit-on avec un grand sourire mielleux en tendant le cadeau de la tante Hortense. Finalement on rigole bien avec tout ça. Façon d'éviter d'aller trop en profondeur. Entièrement absorbés par cette transition, nous restons dans le côté matériel des choses: l'organisation de son déménagement, le mien qui s'achève, les multiples démarches à faire chacun de son côté. On s'entraide, en évitant de s'apesantir sur ce qu'on ressent intérieurement. On le sait, se comprennant a demi-mot. Quelques allusions suffisent pour qu'on vive encore ce moment dans la complicité. Discrètement. Les émotions seraient rapidement au bord des yeux si on s'y laissait aller. Mais à quoi ça servirait ? Dans quelques jours nous serons sortis de ce bain aigre-doux.

Je suis heureux de pouvoir vivre ce moment avec elle en paix. Heureux que nous nous fassions confiance, heureux qu'elle accepte mon aide pour son déménagement... et qu'elle en soit touchée. Il était primordial pour moi, depuis toujours, que nous nous séparions en amis. Il semble, jusque là, que nous y réussissions. De quoi avoir le sourire, malgré cet éloignement qui opère. Oui, c'est une belle séparation. Comme je voulais qu'elle se passe.

C'est probablement cette ambivalence qui fait que je ne ressens pas le besoin d'en parler autour de moi. Pour dire quoi ? Que je suis triste et heureux à la fois ? Je sais que ceux qui sont passés par ce genre de situation peuvent le comprendre. Ça me semble suffisant...

J'avais cependant envie d'en faire part sur ce blog, que je sais visité par beaucoup de gens qui se posent des questions sur le couple, l'amour, la rupture (les mots-clés sont significatifs de cette préoccupation). Il me semble important de témoigner qu'une séparation n'est pas toujours un drame, même si c'est loin d'être anodin. Ce qui me semble primordial, c'est l'idée qu'il faut, autant que possible, prendre le temps. Prendre le temps qu'il faut pour détisser ce qui doit l'être sans tout déchirer.

Ceci dit, cet évènement est tout de même suffisamment absorbant pour que je n'aie pas la tête à écrire. Ni vraiment le temps. Alors on va considérer que je suis encore absent pour quelques jours...

Mais qu'on ne s'y trompe pas: j'ai un bon moral et une belle énergie :o)

Commentaires
C
Oui, c'est touchant et troublant de lire les pensées secrètes d'une jeune fille, de la voir élaborer sa perception du monde et de la place qu'elle (n')y trouve (pas) et induire ainsi une existence en devenir dont je connais déjà la fin.<br /> <br /> <br /> <br /> En fait j'accède au début d'une histoire dont je connais la plupart des éléments, mais sous une forme "brute" et non pas arrangée dans une légende personnelle de façade. Je pense que j'écrirai à ce sujet, parce que l'expérience est intéressante... pour celui qui a aussi écrit ses pensées et se trouve être le fils de la précédente.<br /> <br /> <br /> <br /> Et pour "l'après" dont je parle, il est vrai qu'il peut être interprété de plusieurs façons. En l'occurrence, je pensais aux temps à venir pour notre société hyperdépendante de conditions d'existence dont rien ne laisse croire, si ce n'est une absurde utopie illimitiste, qu'elle perdureront encore longtemps.<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée
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J
Quel "l'après" à préparer, Pierre ?*<br /> <br /> Cela doit être touchant et bouleversent à la fois de lire le journal intime de ta maman, malgré ce que tu connais (sans doute) d'eux deux.<br /> <br /> Sachant que le temps est précieux, merci Pierre d'avoir donné du tiens pour cette longue réponse ;)<br /> <br /> Bonne journée.<br /> <br /> *Il n'y a pas d'urgence ni obligation de répondre.
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J
"Tu pourrais peut-être nous parler de ton rapport au temps, un jour, si tu le souhaites..."<br /> <br /> Bonne idée de Forestine :)<br /> <br /> Bonsoir Pierre :D
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P
C'est une remarque intéressante que tu fais, Forestine, qui me fait prendre conscience que tout le monde n'a sans doute pas le même rapport avec le temps. Ce qui pourrait expliquer, dans mes relations avec autrui, quelques décalages de perception importants. D'une certaine façon le temps a pour moi moins d'importance que l'objectif. Pour atteindre ce que je désire je ne mesure pas le temps. Il n'est pas un obstacle, ni une limite.<br /> Oui... ce que tu soulignes m'intéresse beaucoup !
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F
"Prendre le temps qu'il faut pour détisser ce qui doit l'être sans tout déchirer."<br /> Je suis très sensible à la délicatesse que tu exprimes.<br /> <br /> Tu montres aussi ton travail à maîtriser le temps, ce qui me paraît bien difficile. <br /> Ton attitude indique une piste: que le temps constitue une dimension de nous-mêmes, et pas seulement une entité extérieure qui nous domine. Combien de fois est-on tenté de céder au chantage implicite ("après, il sera trop tard", "il faut saisir cette occasion maintenant", "le temps passe, on vieillit, et ensuite ce ne sera plus possible")...<br /> Plus positivement, le temps nous met aussi à l'épreuve dans nos résolutions et nos convictions, et nous permet de les affiner. Parfois cependant, il épuise notre énergie, par la patience et la maîtrise des nerfs qu'il requiert.<br /> Mais dans tous ces cas de figure, c'est comme si le temps était une entité extérieure.<br /> <br /> Tu sembles lui avoir résisté et l'avoir plutôt intériorisé, pour en faire ton allié et une force.<br /> Tu pourrais peut-être nous parler de ton rapport au temps, un jour, si tu le souhaites...
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P
Je lis avec attention ce que vous partagez de vos expériences, chacun avec un ressenti particulier. L'idée d'ambivalence, que certains d'entre vous qualifient de "malaise", m'interpelle, parce que c'est ce que je voudrais éviter dans la mesure du possible.<br /> Cette séparation je ne l'ai pas voulue, mais je l'ai acceptée... parce que c'était à mes yeux la seule façon d'éviter des tensions et une "déchirure". Je préfère qu'on se quitte en bons termes, en amis, plutôt que de sentir ce malaise palpable dû à une résistance à ce qui doit advenir. <br /> <br /> Mais je réécrirai certainement sur ce sujet dans les jours à venir...
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C
Je pense que la trace de l'intime laissée après une séparation est indélébile. Elle est toujours présente même des années après. Cette barrière translucide entre les ex-époux, cette distance "raisonnable" que l'on a instauré par la séparation semble apparaître comme une anomalie. C'est ce que je ressens lorsque je revois mon ex mari. Un malaise perceptible chez nous deux. On se dit salut, on ne se fait même pas la bise mais on sent bien dans le regard toutes ces images anciennes qui repassent. L'amour n'est plus mais il reste quelque chose d'impalpable.
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T
Ce n'est pas parce qu'un couple se sépare qu'il se déchire ! Une séparation peut être belle et bien réussie, même créer une fine complicité. Un peu d'intelligence, beaucoup de respect et c'est possible. Puis surtout ne pas échapper à l'humour, ni à la communication qui devant des enfants ne doit pas être taboue !
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T
Je ne pense pas qu'on puisse parler de "belle séparation". D'autant qu'à te lire on saisit bien toutes les nuances que masquent ces mots. Je dirais, pour avoir vécu aussi ce moment à ma propre initiative, séparation "du mieux que l'on peut". A moins qu'on veuille parler de la beauté de la douleur, mais je ne m'aventure pas sur ce terrain-là, et toi non plus me semble-t-il. Quand un couple se déchire, au sens de séparer en deux, il y a toujours un déchirement dans le ressenti, parce que même si les deux s'accordent pour reconnaître le bon sens de cette "évolution", ils le vivent sur le moment comme une amputation d'une plus ou moins grande partie de leur être. Et cette partie n'est pas égale selon qu'on quitte ou que l'on est quitté, malgré les apparences de la décision prise à deux. J'ai gardé de bonnes relations avec mon ancienne femme, mais surtout au téléphone. Quand on se voit, du fait de nos enfants, il y a toujours une ambiguïté dans l'air, une gêne, comme si quelque chose dans le décor n'était pas à sa place, ou plutôt comme si on vivait une incongruité, un anachronisme. C'est chaque fois le passé qui resurgit avec son cortège de fantômes mi-souriants mi-grimaçants. Nous feignons de ne pas les voir, mais leur présence est palpable. Le temps, curieusement, ne les estompe pas. Ces fantômes doivent une grande part de leur survie à une réalité incontournable : celle de nos enfants.
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A
Ambivalence oui, c'est le mot qui me semble correspondre le mieux à ce que j'ai vécu récemment... Sourire et larmes... envie de nouveau et nostalgie du cocon.. souvenirs et avenir.. Bonne installation dans ta nouvelle vie entre gris et rose.. mais, quoi qu'il en soit qu'elle soit pleine de lumière..
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