Se séparer avec le sourire, mais pas sans peine
C'est curieux, mais au moment où je pourrais beaucoup écrire je ne le fais pas. Je n'ai pas le talent de Samantdi pour raconter avec humour un déménagement hétéroclite et à épisodes. Ou alors... c'est parce que le mien, de déménagement, n'est qu'accessoire. Simple conséquence de quelque chose de nettement plus impliquant.
Je n'écris guère... et pourtant ce que je vis actuellement, quoique banal statistiquement parlant, est pour moi résolument inédit (hum... ou presque...). La perte d'un conjoint, ai-je entendu dire, est un des évènements de la vie les plus déstabilisants qui soient. Que ce soit de façon accidentelle ou à l'issue d'un processus longuement préparé ne change rien au fond: on se retrouve seul, sans ce partenaire avec qui, par qui, et pour qui on avançait conjointement dans la vie. Certes, lorsque la séparation est anticipée on se préserve de la brutalité d'un arrachement violent, et c'est déjà énorme. Mais ça ne supprime pas totalement le sentiment de vide, et la tristesse qui accompagne cette fin d'un parcours commun.
Stop ! ne sortez pas vos mouchoirs ! Bien que cet aspect "triste" soit indéniable, il y a simultanément un côté attirant et joyeux du fait de l'inconnu de la situation et de ce qui en découle. Changements en perspective ! Avec tout ce que ça peut avoir de fascinant, inquiétant et attirant. Nous avons acquis la sérénité nécessaire pour le vivre ainsi. Tout un travail qui offre là ses résultats, et de quoi en retirer un sentiment de satisfaction.
C'est en plein accord mutuel que future-ex (qui est "ex" de fait, si ce n'est légalement) quitte le nid familial amputé tandis que j'en réintègre pleinement le cadre évidé. On se croise. Tous les deux, ainsi que les enfants, nous attendions depuis longtemps ce moment de dénouement qui sera en quelque sorte une délivrance après trois ans de mûrissement et de préparation. Il y a donc une certaine excitation devant le changement en cours. « Enfin, ça bouge ! » Mais ça n'empêche pas un sentiment de peine de nous étreindre. Entamé depuis longtemps, le deuil devient actuellement plus prégnant. Palpable. C'est là. C'est maintenant.
Glups...
Heureux de cette avancée, mais attristés par la perte inévitable de ce qu'on quitte pour de bon. Ambivalence. Sourire et enthousiasme... inquiétude dans le regard, et parfois étoiles dans les yeux. Moments forts. L'amour n'est évidemment pas mort... même s'il a changé.
En me relisant, je vois l'analogie avec un grand départ, lorsque le voilier quitte le port. « Levez l'ancre, hissez la grand voile ! Cap vers le large ! », avec agitation des mouchoirs... (snif snif...)
Il m'est difficile d'écrire à ce sujet. Non par pudeur, mais parce qu'il n'y a pas grand chose à en dire. C'est là, je le vis. Avec elle. Nous sommes tous les deux dans cette peine parallèle, avec la satisfaction de faire la bonne chose au bon moment, mais aussi dans la convivialité du partage. Ne serait-ce qu'au sens pratique des choses: qui prend quoi ? comment se répartit-on les objets communs ? les meubles, les cadeaux de mariage ? Négociations pacifiques, bouffées de passé encore tellement présent qui nous reviennent en plein coeur, dont on rit, parce que c'est mieux de le prendre ainsi. « Tiens ça je le le laisse, hyek hyek hyek » dit-on avec un grand sourire mielleux en tendant le cadeau de la tante Hortense. Finalement on rigole bien avec tout ça. Façon d'éviter d'aller trop en profondeur. Entièrement absorbés par cette transition, nous restons dans le côté matériel des choses: l'organisation de son déménagement, le mien qui s'achève, les multiples démarches à faire chacun de son côté. On s'entraide, en évitant de s'apesantir sur ce qu'on ressent intérieurement. On le sait, se comprennant a demi-mot. Quelques allusions suffisent pour qu'on vive encore ce moment dans la complicité. Discrètement. Les émotions seraient rapidement au bord des yeux si on s'y laissait aller. Mais à quoi ça servirait ? Dans quelques jours nous serons sortis de ce bain aigre-doux.
Je suis heureux de pouvoir vivre ce moment avec elle en paix. Heureux que nous nous fassions confiance, heureux qu'elle accepte mon aide pour son déménagement... et qu'elle en soit touchée. Il était primordial pour moi, depuis toujours, que nous nous séparions en amis. Il semble, jusque là, que nous y réussissions. De quoi avoir le sourire, malgré cet éloignement qui opère. Oui, c'est une belle séparation. Comme je voulais qu'elle se passe.
C'est probablement cette ambivalence qui fait que je ne ressens pas le besoin d'en parler autour de moi. Pour dire quoi ? Que je suis triste et heureux à la fois ? Je sais que ceux qui sont passés par ce genre de situation peuvent le comprendre. Ça me semble suffisant...
J'avais cependant envie d'en faire part sur ce blog, que je sais visité par beaucoup de gens qui se posent des questions sur le couple, l'amour, la rupture (les mots-clés sont significatifs de cette préoccupation). Il me semble important de témoigner qu'une séparation n'est pas toujours un drame, même si c'est loin d'être anodin. Ce qui me semble primordial, c'est l'idée qu'il faut, autant que possible, prendre le temps. Prendre le temps qu'il faut pour détisser ce qui doit l'être sans tout déchirer.
Ceci dit, cet évènement est tout de même suffisamment absorbant pour que je n'aie pas la tête à écrire. Ni vraiment le temps. Alors on va considérer que je suis encore absent pour quelques jours...
Mais qu'on ne s'y trompe pas: j'ai un bon moral et une belle énergie :o)