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Alter et ego (Carnet)
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25 octobre 2006

En parler ou pas

 

Parler d'un évènement, ou l'écrire sur un blog, n'est-ce pas le faire surexister ?

C'est la question que je me pose après m'être "lâché" au moment de la séparation effective d'avec Futurex. Si poser des mots sur des faits et exprimer les émotions ressenties est utile, en pouvant contribuer à mettre à jour ce qui est refoulé ou nié, à donner une consistance, à libérer d'une charge, en revanche il existe un risque corollaire: celui du surdimentionnement. Ou surmédiatisation, pour reprendre un terme à la mode.

En délivrant un ressenti douloureux, parce qu'à ce moment précis un grain de sable est venu contrarier le processus, je lui ai donné une importance exagérée. Avec quelques jours de recul j'en prends conscience: ce n'était qu'un élément mineur.

Cette séparation se déroule globalement très bien (jusqu'à maintenant...). Encore mieux que ce que j'avais imaginé. Nulle tristesse, nul ennui. C'est presque comme s'il en avait toujours été ainsi. Elle vit de son côté, je vis du mien. Chacun ses activités. Depuis deux ans et demi que j'avais quitté la maison, même si nous vivions à proximité immédiate et avec des contacts quotidiens, chacun avait organisé sa vie conformément à ses désirs et sa façon d'être. La dissociation a été très progressive et, hormis quelques moments de crise donnant lieux à des ajustements, l'ensemble s'est déroulé de façon satisfaisante. Sans douleur excessive, compte tenu du bouleversement que ça représentait pour chacun de nous.

Ce qui a parfois donné une importance exagérée dans mes écrits, c'est l'évocation successive des changements pratiques, eux aussi de l'ordre de la séparation: quitter la vieille maison ou je vivais, vendre de vieux bâtiments auxquels nous étions attachés. Renoncer, aussi, à la vie commune et à un avenir partagé. Ce qui n'est pas pour moi tout à fait dans le même registre que la dissociation du couple au présent.

Bref, il y a eu une succession de "deuils" à faire. Difficiles, certes, mais en prenant tout le temps nécessaire pour cela. Le choc en a été infiniment moins violent, quoique plus étalé dans le temps. C'est d'ailleurs cet étalement qui a permis une acceptation progressive, tandis que la brutalité d'une décision immédiate aurait mis face à une muraille d'incompréhension.

Comprendre, accepter, renoncer, reconstruire... autant de phases qui demandent du temps.

Je ne regrette pas ce choix que j'ai fait de "prendre le temps", malgré des critiques venues de notre entourage. Ce temps d'évolution a parfois été pris comme de l'immobilisme, voire carrément un abus. Des personnes ont parfois tenté d'influencer Futurex pour qu'elle ne se laisse pas faire. Par chance elle a gardé confiance en moi, notamment en maintenant un dialogue sincère, et à su prendre ses distances avec qui transposait sur elle ses propres craintes.

Ce temps d'évolution, qu'on pourrait croire "perdu" puisqu'il bloque un temps de vie, est au contraire l'occasion de délier, de détisser, de libérer deux personnes qui avaient choisi d'unir leurs vies. Certes durant ces trois années nous avont été absorbés par ce processus, mais simultanément nous nous sommes libérés "proprement", et sans doute assez complètement. Je pense avoir préservé ce qui, a mes yeux, était l'essentiel: une confiance et un état d'harmonie relationnelle. Que nos vies soient maintenant dissociées ne m'attriste même plus vraiment...

J'y suis prêt.

Et c'est là que je comprends que le temps de deuil, récemment réactivé à l'occasion du déménagement, durant lequel ressurgissent des tas de souvenirs véhiculés par des objets, des photos, des lettres, était un passage nécessaire et particulièrement productif. Ne pas refouler, mais vivre le moment. Vivre la tristesse, sans y sombrer.


Mais revenons mon propos initial: en écrivant sur la séparation et ses conséquences j'ai laissé s'épancher ce que j'avais envie de transmettre. C'est une part de mon ressenti, variant au gré des jours et de mes sentiments. C'est à la fois entièrement vrai et, comme on peut s'en douter, largement faussé. En choisissant mes sujets, et selon l'importance que je leur donne, les mots que j'emploie et l'effet que j'ai envie de transmettre, je montre ma vie à travers les fentes d'une palissade avec, mis en évidence, des hublots grossissants focalisés sur certains points. Il y a des zones totalement occultées, et d'autres hypertrophiées. Et puis il y a toujours la tentation de "raconter" l'histoire. Sans qu'elle n'ait rien de faux, elle est transformée par le pouvoir des mots. Écriture hybride entre le journal personnel, la conversation, le récit de vie, voire le roman vécu (ou le vécu romancé). Paradoxe de l'intime extimé, qui me tiraille régulièrement depuis que j'écris en ligne...

C'est évidemment le pacte tacite qui noue écrivant et lecteur, tout particulièrement avec les blogs. Mais j'avoue que parfois ça me dérange d'être celui qui choisit les angles de vue et dispose de toute latitude pour embellir ou dramatiser une situation. Moi-même je peux me faire prendre à ce jeu, colorant selon mon humeur du jour la subjective réalité des faits. D'une certaine façon les commentaires m'aident parfois à élargir l'étroitesse de mes champs d'énonciation et à reprendre pied avec ce que vous, lecteurs, pouvez en percevoir.


Alors, afin de relater les faits dans leur froide objectivité, voici, sobrement énoncé, ce que j'ai vécu depuis hier: achevé l'évacuation de ma vielle maison, totalement vidée et nettoyée. Porte définitivement fermée. Travail effectué seul, néanmoins aidé par mon dernier fiston pour le déménagement des meubles les plus volumineux. Nouvelle maison envahie d'un fatras de cartons et meubles à installer. Ordinateur réactivé ce matin (vachement important !)
Ce matin, rendez-vous chez le notaire, où je retrouve Futurex. Vente signée, clés remises au nouveau propriétaire. En sortant, discussion avec le notaire pour qu'il commence à étudier la répartition des parts de chacun, en préparation du divorce (il nous rappelle que les premiers contacts avec lui pour le divorce ont eu lieu il y a déjà deux ans). Puis quelques minutes à papoter avec Futurex sur le trottoir, au doux soleil d'octobre. Nous avons parlé de détails pratiques. Détendus, avec le sourire, en paix. Parfait.

Revenu chez moi. Ne me sentant pas davantage seul que ce dont j'ai l'habitude et qui me convient très bien. Belle journée d'automne, beau ciel, travaillé dehors en t-shirt.

Commentaires
C
@mohamed, j'aime bien l'idée de cette création d'un personnage, ou à l'inverse, la réalité de notre personnage en dehors des perceptions extérieures, des pressions de la vie courante, des jugements de ceux qui soit-disant nous connaissent, de l'image que l'on veut donner. <br /> Sur le blog, nous sommes face à nous-mêmes. Je me sens beaucoup plus proche de la personne qui est sur mon blog que de celle que je décelle dans le regard des autres. Dans la vraie vie, il y a des kyrielles de facteurs pertubants comme les complexes (mêmes et souvent injustifiés), la gène, la timidité, l'état mental du moment, qui font que nous ne sommes pas toujours nous mêmes.
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P
Mohamed, ce que tu décris est tout à fait juste.<br /> <br /> Actuellement je ne suis pas à l'aise avec ce décalage entre ce que j'écris de moi et ce que je vis. Probablement parce que j'en occulte une trop grande partie, alors même qu'elle joue un rôle important dans mon existence.<br /> <br /> Alors l'écriture me parait imposture.
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M
"Et puis il y a toujours la tentation de "raconter" l'histoire. Sans qu'elle n'ait rien de faux, elle est transformée par le pouvoir des mots. Écriture hybride entre le journal personnel, la conversation, le récit de vie, voire le roman vécu (ou le vécu romancé). Paradoxe de l'intime extimé, qui me tiraille régulièrement depuis que j'écris en ligne..."<br /> <br /> Cette histoire transformée par le pouvoir des mots est sans nul doute un des effets pernicieux du blog. Dans mon cas, couché par écrits mes états d'âmes et mes émotions me permettent non de travestir la réalité mais souvent de la rendre plus conforme à mes attentes. C'est comme si le personnage que j'étais devenu sur le web me convenait mieux que la personne réelle que je suis. Sur le web, le récit de mes expériences de vie traduisent ma perception et non celle de mon entourage qui pourrait me renvoyer une image non désirée. Cette image non désirée qui me hante parfois et dont je n'arrive pas à me défaire malgré mes intentions. Sur le web, je ne suis pas tributaire de ces présupposés du quotidien, les gens ne connaissent de moi que ce que je veux bien laisser transparaître. Serait-ce dés lors, une rupture du pacte de confiance entre moi et mes lecteurs? je ne le pense pas, plutôt, un pacte de non agression puisque l'avantage de ces rencontres virtuelles est de permettre un échange basé sur l'envie de dialoguer et de transmettre sans les encombrements de la promiscuité du quotidien.<br /> A bientôt mohamed.
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P
Socioblogie, je crains en effet que vouloir rester dans l'objectivité ne conduise à écrire comme dans un acte de justice: les faits, rien que les faits. Avec le plaisir qu'on peut avoir à lire ce genre de prose...
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S
J'aime bien cette analyse, mais je pense que même en faisant un effort pour transmettre des faits dans une "froide objectivité" comme tu dis, c'est impossible. Il n'y a pas que la construction des phrases ou le choix de mettre telle ou telle chose en lumière qui donnent une orientation à un récit, il y a aussi le choix des mots.<br /> <br /> Les mots sont très lourdement chargés de sens. Je prends un rapide exemple : quand tu dis "ma vielle maison, totalement vidée et nettoyée. Porte définitivement fermée", le choix du "totalement" et du "définitivement" est assez révélateur d'un certain état d'esprit.<br /> <br /> C'est difficile de trouver des mots qui ne sont pas chargés d'une certaine connotation, et par conséquent, tout écrit l'est aussi.
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P
Forestine, j'aime bien ce que tu dis du "compatir". Je ressens la même difficulté que toi à exprimer ce genre de choses. Mais je ressens aussi un certain malaise à parler de sujets qui pourraient susciter cette "compassion" à mon égard... Sentir une présence est un soutien réconfortant, mais je me sens vite gêné si ce soutien s'exprime de façon un peu trop "protectrice". Alors merci pour cette "sympathy" :o)
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F
Même si je n'ai pas commenté depuis quelque temps,je lis tes billets et souvent plusieurs fois. Je n'ai rien écrit parce que j'avais peur de comprendre de travers, ou d'employer une formule malencontreuse. Et de fait, ma réponse à ton dernier comm chez moi était visiblement décalée par rapport au vécu que tu exprimes dans ce billet...<br /> Je trouve parfois difficile de compatir verbalement. <br /> "Compatir" et "compassion" sont des termes qui me mettent quelquefois mal à l'aise; ils sont parfois compris avec une connotation de mièvrerie charitable et judéo-chrétienne.<br /> Les Anglais disent "sympathy", qui (à mes oreilles françaises)sonne plus souriant et plus positif. C'est cette "sympathy" que je voudrais pouvoir exprimer.<br /> Et en tout cas, tant mieux si la vie continue.
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T
Mais rien ne t'empêche d'en refaire un, il sera certainement aussi bon, ah là là !
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P
Gourmande, c'est mon désir d'être au plus près d'une "vérité", d'une "authenticité", qui fait que parfois je suis perturbé par le récit partiel et partial que je fais de ceratins aspects de ma vie. Pas de problème pour ce que j'ai choisi de ne pas évoquer ici, bien que ça occupe beaucoup de mon temps, en revanche dès que j'évoque ma vie sentimentale je sens ce décalage entre la "réalité" et ce que j'en dis. Ceci dit les faits sèchement énoncés ont toujours eu pour moi moins d'intérêt que le ressenti émotionnel qu'ils déclenchent...<br /> <br /> Marie-Aude, bienvenue et merci pour ce commentaire. Ce recul est probablement le résultat d'une démarche vécue dans l'entente et la paix.<br /> <br /> t., l'est déjà fini le gâteau au chocolat ! ;o)
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T
Il semble que tu ais réussi le gâteau en chocolat. Bon appétit, mangez le ensemble ou entre amis.
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