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Alter et ego (Carnet)
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6 novembre 2006

Éloge du secret

Et ben alors ? Où est-ce que j'étais parti ?
Mouais, vous avez peut-être remarqué l'espacement de mes entrées... La graphomanie qui jadis me caractérisait [clin d'oeil aux plus anciens de ceux qui suivent mes tribulations internautiques] semble s'être tarie. Lassitude ? Je ne crois pas... Sentiment de vaine agitation ? Il y a un peu de ça. Décalage d'avec la réalité ? Assurément !

Je ne suis donc pas très à l'aise pour écrire en ce moment et l'abstinence s'impose d'elle-même. Disons que je suis circonspect. Hésitant. En observation. En mutation... Enfin, bref, un peu de tout ça à la fois. Je trouve qu'il y a parfois trop d'écart entre ce que je vis intérieurement et ce que je m'autorise à en dire. Du coup cette écriture publique, que j'ai toujours voulu maintenir comme retranscription fidèle de ce qui m'importe (quoique dans un échantillonnage séléctionné) ne me correspond plus. Je ne donne plus de moi "ma vérité" (à défaut de "la vérité"). Donc je me sens "faux". Ou plus exactement: en porte-à-faux

Ça ne me convient pas.

Certes, depuis que j'écris en ligne je choisis ce sont je veux parler. Je délimite donc, sans réelle conscience, l'image que je désire donner de moi, autant à mes propres yeux qu'à ceux du lecteur. En quelque sorte je construis un personnage qui, bien que se voulant "authentique", découle inévitablement d'une idéalisation (autant dans le positif que le négatif, d'ailleurs). Ce que je laisse dans l'ombre l'a longtemps été par choix, sur un critère simple: c'est "insignifiant". Je veux dire par là que ce n'est pas significatif de ce sur quoi je réfléchis pour agir. Ça n'a pas d'influence particulière susceptible de modifier le cours que je voudrais donner à mon existence. Ce qui ne veut pas dire que c'est sans importance, mais que ça ne me pose pas de problème de conscience sur mes choix.

Est-ce à dire que je n'écris que sur ce qui me pose problème ? Disons plutôt que j'écris préférentiellement sur ce qui me questionne et sur quoi je pourrais agir. Sur ce qui me fait cogiter pour éventuellement changer. Par exemple mon déménagement et mon rapport aux objets, au passé, à l'ancrage, au lien, à l'attachement, à la pérénnité. Le tout en résonnance avec mon rapport avec autrui...

Finalement mon inspiration vient des carrefours qui se présentent sur mon chemin de vie, et pour lesquels je dois faire des choix déterminants. Plus le choix entraine de conséquences prévisibles à long terme, ou des changements nécessitant un renoncement, et plus j'écris à ce sujet.

Il est des choses importantes dont je parle peu parce que je sais comment agir et le fais autant que j'en ai conscience. Il en est d'autre sur lesquelles je ne peux pas agir, ou ne sais pas comment le faire, et je n'en parle donc pas. Je pense là aux grands enjeux humains et environnementaux, qui me préoccupent notablement mais face auxquels je ne vois rien que l'écriture puisse apporter.

Par contre je n'ai pas vraiment écrit sur certains sujet de préoccupation sérieux qui sont bien de mon ressort. Je tais certaines failles que je découvre en moi. J'ai quelques hontes inavouées. Des zones de ma personnalité que je néglige. Des friches, des terrains vagues de pensées laissées à l'abandon et au désordre. Cela fait partie ce que je cache et sur lequel j'agis peu. Je n'aime pas cette démission, cette fuite devant mes responsabilités. Je m'y vois dépassé... mais c'est probablement parce que le moment n'est pas venu de m'y confronter. Je ne me sens pas suffisamment au clair avec tout ça pour l'écrire et, de toutes façons, je ne pense pas qu'il me soit utile de le faire publiquement...

Il y a encore, et c'est probablement ce qui contrarie le plus ma liberté d'écriture publique, une autocensure qui s'est immiscée dans une large part de mes sujets de prédilection. A tel point qu'il me devient parfois impossible d'écrire tant les contorsions nécessaires sont nombreuses. Ce mutisme est en contradiction directe avec le désir d'authenticité dans l'expression. Il y a interférence flagrante entre l'écriture publique et le respect de la confidentialité. Je ne suis pas le seul impliqué lorsque j'évoque certains aspects de ma vie. Conflit de loyauté envers deux engagements. Situation ingérable, en plein paradoxe de l'intimité ouverte au public. Cette posture, et même cette imposture, devient parfois péniblement incapacitante.

Voila ce qui fait que, de temps en temps, j'entre en silence. Car c'est l'essence même de cet "alter et ego" qui perd son sens si je choisis de ne pas évoquer ce qui en est au coeur : le rapport avec autrui dans ce qu'il a de plus impliquant et interagissant.

En optant pour un éloignement de l'intime, rendu nécessaire par la force des choses, je trouve néanmoins d'autres stratégies de réflexion. Ouvrir d'autres champs d'investigation, brouiller les pistes, disperser la concentration, camoufler les faiblesses... autant de façons d'inverser un processus de transparence qui s'est révélé être une erreur. Mais je finirai bien par trouver une solution pour continuer à évoluer librement. Une liberté qui pourrait bien résider dans le secret, dont l'éloge ne me laisse pas insensible.

Commentaires
P
A ma connaissance, Vic, il n'existe pas de déontologie de ce genre et chacun agit en conscience.<br /> <br /> Tout dépend de l'usage que l'on fait de son blog. S'il est outil de réflexion sur soi ce silence forcé peut pénaliser lourdement la démarche... Après, c'est au choix de chacun.<br /> <br /> D'où mes blocages et hésitations.
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V
N'existe-t-il pas un code de bonne conduite, une sorte de deontologie des blogs?Est il besoin de dire qu'on ne parle pas des gens avec qui on est en conflit?
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P
Mohamed, il n'y a pas de date limite pour commenter :o)<br /> <br /> Ce dont tu parles est exactement le genre de problématique qui peut survenir lorsqu'on parle de quelqu'un qui lit le blog, et avec qui on est en désaccord...<br /> Situation à éviter, de préférence.
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M
Bonjour Pierre, désolé d'ajouter un commentaire si tard sur "l'éloge du secret" mais en ce moment, je suis débordé.<br /> <br /> "Il y a encore, et c'est probablement ce qui contrarie le plus ma liberté d'écriture publique, une autocensure qui s'est immiscée dans une large part de mes sujets de prédilection. A tel point qu'il me devient parfois impossible d'écrire tant les contorsions nécessaires sont nombreuses. Ce mutisme est en contradiction directe avec le désir d'authenticité dans l'expression. Il y a interférence flagrante entre l'écriture publique et le respect de la confidentialité. Je ne suis pas le seul impliqué lorsque j'évoque certains aspects de ma vie. Conflit de loyauté envers deux engagements. Situation ingérable, en plein paradoxe de l'intimité ouverte au public. Cette posture, et même cette imposture, devient parfois péniblement incapacitante."<br /> <br /> En ce moment, je m'autocensure sur mon blog car la jeune femme que j'aime m'a clairement fait savoir qu'elle ne voulait plus être à la une de mes chroniques hebdomadaires. Pourtant, j'ai besoin de mettre par écrit mon ressentiment et mes peines face à son refus de partager un moment d'existence avec moi. L'écriture publique me soulagerait, mais je ne peux pas car je ne veux pas la faire souffrir et la gêner. Et pourtant, je ne pense qu'à elle et n'arrive à écrire que sur elle et son refus. Cette autocensure est ma preuve d'amour pour elle et elle ne le sais pas.
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P
Coumarine, jusqu'à présent mon identité réelle n'a pas été dévoilée, à ma connaissance. Je pense qu'il est donc possible de rester entièrement anonyme si on ne donne aucun élément de recoupement. Lorsque je m'absente pour raisons professionnelles, je ne dis pas où je vais, par exemple. Ceci dit j'écrirai très probablement à visage découvert un jour. Ce sera le signe d'une acceptation totale de ce que je suis et la manifestation d'une confiance en moi suffisante.<br /> Comme tu le dis je crois qu'on peut apporter quelque chose à ceux qui ont quelque chose de commun avec soi. Les témoignages vécus racontés "avec les tripes" offrent un partage que les livres ne pourront jamais rendre. Il y a une réduction de la distance lorsque c'est écrit et lu quasiment "en direct". Pour cela le rôle des blogs (ou sites persos) est vraiment unique.<br /> <br /> Pour les sujets que tu dis ne pas pouvoir aborder, je crois que tu le peux... mais ne le VEUX pas. Et ça se comprend puisque tu sais les répercussions que ça pourrait avoir. Mais sinon, on PEUT tout dire (distinction qu'une amie m'a appris à faire...).<br /> <br /> Tu dis bien aimer Coumarine. Et moi j'aime bien Alter et ego. Depuis plus de six ans ça fait partie de ma vie, la transforme, la stimule et la dynamise. Je ne VEUX pas arrêter, mais je dois pourtant inventer d'autres façons d'écrire. Chic ! j'adore le changement (lentement, certes, mais sûrement...).<br /> <br /> Forestine... aaah, les illusions ! Elles sont de partout ! Nous sommes envers nous le plus habile des illusionniste ;o)
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F
"Il me semble que le masque aiguise l'imagination de celui qui est en face et réveille donc... ce qu'il désire voir."<br /> En peu de mots, tu dépoussières les poncifs sur les masques, et rappelle l'importance du rapport à l'autre dans la définition de soi... Tu évoques aussi les pouvoirs de l'illusion.<br /> Je n'ai pas d'idées bien définies sur tout cela, non plus que sur secret, mensonge, découverte et construction de soi.<br /> Tes paroles sont stimulantes et m'aident à réfléchir. Sois en remercié.
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C
Tu le sais, Pierre, ce n'est plus un secret pour personne: mon identite réelle, je l'ai dévoilée, mais bcp de gens l'ont découverte en faisant des recherches sur Google (et ma naïveté n'avait pas prévu cela)<br /> Quand j'ai raconté l'histoire de l'adoption de ma dernière fille, je lui en ai demandé la permission, (depuis je ne sais si elle me lit maintenant encore, mais je sais que deux de mes autres enfants me lisent couramment.) Je ne regrette pas de l'avoir fait car au moins dix personnes par jour arrivent sur mon blog en tapant "adoption". Je crois que mon témoignange peut en aider d'autres, tout simplement.Et je trouve cela important. Sans doute que toi aussi tu as, sans l'avoir cherhcé ni voulu comme tel un fameux impact sur d'autres qui se posent les mêmes questions que toi, ou qui sont sensibles à ce cheminement humain de communication très riche que tu fais. C'est là ton charisme<br /> <br /> De même les participants en live de mes ateliers d'écriture (sur mon blog, j'aborde pas mal de sujets en lien avec l'écriture)savent bien sûr qui je suis<br /> Donc il y a des sujets que je ne PEUX plus aborder, parce que ce serait mettre dans le domaine public des éléments de ma vie qui ne regardent pas les autres, et en plus qui me feraient du tort, à moi et à ma famille.Il m'est arrivé de penser fermer mon blog, et recommencer ailleurs dans l'anonymat mais je tiens à Coumarine, elle me cotoie depuis deux ans maintenant, j'y mets bcp de moi-même, même si je n'y mets que 30% de qui je suis. Mais je me souviens que tu as mis un jour sur mon blog que j'apparaissais sur Coum'comme je suis vraiment, et tu peux le dire en vérité, puisqu'on a vécu ensemble les journées fortes de l'APA en juin dernier. <br /> Je ne dis pas tout, mais je reste fondamentalement authentique et sincère.<br /> De toutes façons au début Kaila était "secrète" et elle a vite été découverte: je crois qu'on a tous une façon d'écrire, une personnalité qui fait qu'on nous démasque très vite(pardon pour le caractère décousu de mes réflexions)<br /> <br /> @Christine: tu fais ce que tu veux, et je ne considère pas un seul instant que tu me fais de la concurrence. Par contre faut savoir que l'Oulipo,ce n'est pas du tout mon truc, je crois l'avoir déjà expliqué quelque part...<br /> Donc je ne crois pas que tu me verras faire cet exercice<br /> De plus comme tu le devines,j'ai déjà à peine le temps de gérer convenablement Paroles Plurielles. Je te souhaite bonne chance dans ton entreprise, faut faire ce que l'on aime...
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P
Christine, ce "carnet" à été ouvert pour en partie me soulager d'une impasse dans une écriture plus intimiste. Il n'y a que partiellement réussi. L'espace est de nouveau trop étroit...<br /> <br /> En parlant de "ton bébé", je pense tout-à-fait comprendre de quoi tu parles. Je vis les choses de la même façon et imagine mal "tuer" ce que j'ai engendré. Je l'ai pourtant souvent envisagé...<br /> <br /> Je ne sais pas ce qu'il adviendra de ce blog. Pour ma part ça ne me dérangerait pas qu'il soit lu par mes proches... mais a posteriori seulement. Sinon je sentirais trop leur présence et mon écriture en serait moins libre. Déjà qu'il m'arrive souvent de penser à telle ou telle (non, je ne parle pas de Telle, hé hé...) personne de ma blogobulle selon les sujets que j'aborde !<br /> <br /> En fait, vis à vis de mes proches (je pense là à mes enfants, les seuls à pouvoir y trouver un réel intérêt), je crains un peu ce dont il est question: la transparence excessive. Serait-il judicieux qu'ils lisent un jour le récit de vie de leur père ? Eux seuls pourront se déterminer, et ce n'est pas à moi de les en "protéger". Je ne supprimerai sans doute rien de mes écrits, libre à eux d'en faire ce qu'ils en veulent.<br /> <br /> Je suis un adepte de la parole, de la transmission, de l'échange, de la circulation des idées et il n'y aura jamais trop de matière. Il est plus facile de faire le tri que de chercher à imaginer ce qui comble des trous. Et de toutes façons, il y aura toujours des trous...
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P
Forestine, tu dis « il me semble que l'on est parfois plus authentiquement soi-même si l'on se protège sous un masque. »<br /> <br /> J'avoue que ce paradoxe m'interpelle fortement, et réveille des interrogations anciennes. Il m'est arrivé de me poser cette question, mais jusqu'à maintenant je n'ai pas vu en quoi cette "dissimulation" pouvait mener à une plus grande authenticité que l'absence de masque. Par contre je pense que ne pas vouloir porter de masque ne rend pas forcément authentique tant il devient vulnérabilisant de s'exposer "nu". C'est exactement ce que tu évoques dans ton texte d'aujourd'hui. <br /> Il me semble que le masque aiguise l'imagination de celui qui est en face, et réveille donc... ce qu'il désire voir. Et peut-être que ce regard à travers des masques permet une authenticité forte, quoique parcellaire. D'ailleurs, de plus en plus je crois que l'intimité se doit d'être fragmentée. Dans le temps, dans l'espace, dans les sujets d'échange. Trop d'intimité la tue peut-être...<br /> <br /> Alors il se peut que le masque protecteur permette une "authenticté gérable", tandis que son absence conduise, par excès d'exposition, à une dissimulation.<br /> <br /> Je ne sais pas... J'ai encore beaucoup à approfondir ces sujets-là :o)<br /> <br /> En tous cas je suis persuadé, comme l'auteur que tu présentes, que tout cela joue dans des domaines fragiles et sensibles du psychisme. La transparence et le secret sont donc à manier avec précautions face à autrui, sous peine de causer des dégats qui peuvent être importants.<br /> <br /> Pour ce qui est de la curiosité des lecteurs elle est, pour ma part, stimulante. De leurs remarques et questionnements naissent de nouvelles pistes d'investigation, donc de découverte personnelle. Je crois que cette curiosité ne m'a jamais dérangée, sauf lorsqu'elle fait réapparaître le conflit intime/privé quand il se réfère à des tiers.
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C
Telle, c'est coumarine qui m'a inspirée mais je ne pense pas qu'il y ait concurrence. Le plaisir d'écrire à quel que niveau que ce soit est toujours présent sur la blogosphère et j'apprécierais que coumarine participe aussi à mon blog mais j'ai peur qu'elle n'ait pas beaucoup de temps. <br /> Pierre, le fait de ne plus pouvoir me livrer sur mon blog viedefemme comme je le faisais est difficile car je ne peux plus me confier comme je le faisais sur mes états d'âmes. C'est ainsi, mais c'est un manque aussi. Je pourrais créer un autre blog mais celui-ci est mon bébé et aujourd'hui je l'écris pour mes filles. Elles le liront un jour et découvriront peut-être certaines facettes de leur mère. Vas tu ouvrir ce blog plus tard à des personnes proches de toi ?
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