Travailler par plaisir
Sur Mon blog de fille [qui n'est a priori pas particulièrement adressé à un public masculin mais vers lequel un billet de Telle m'a aiguillé], il y a eu ces derniers jours une vigoureuse échauffourée. Il avait été proposé aux lectrices de rétribuer l'auteur pour ce qu'elle considère comme un "travail", au vu du temps qu'elle dit passer à la tenue de ce blog. Contribution volontaire et facultative, de montant libre, et n'ouvrant à aucun droit particulier. Ce billet a suscité des réactions vives et opposées, et généré une avalanche de commentaires (plus de 200). Les réactions les plus épidermiques et violentes sont venues des opposantes à ce paiement, pourtant facultatif. Entre autres arguments j'ai retenu celui-ci, qui m'a semblé être le fond de la révolte : si l'auteur a besoin d'argent, elle n'a qu'à travailler ! Tenir un blog est un loisir, pas un travail ! D'une certaine façon les choses rentraient dans l'ordre : travailler c'est dur et contraignant. Mais précisément c'est là que l'envie d'autre chose apparaît. L'envie de faire un travail qui me plaît. Et si je pouvais vivre de quelque chose qui me passionne... ce serait assez tentant. C'est ce que je cherche depuis quelques temps, lorsque je ne m'amuse pas à écrire sur internet...
Je ne reviendrai pas sur la polémique annexe du principe de gratuité du net, ni sur celui de la comparaison de qualité entre les écrits d'un blogueur (bénévole) et d'un journaliste (rétribué), tout cela et bien d'autres choses a été abondamment développé dans les commentaires.
Ce qui m'intéresse c'est le fond: quel regard est porté sur celui qui cherche à tirer des revenus d'un travail qui est aussi un plaisir ?
Ou pour être plus direct : quelle est l'acceptation à ce qu'un plaisir soit rétribué ?
Je me demande si tout cela n'aurait pas des relents de culture judéo-chrétienne, dans laquelle le travail est forcément pénible, générant une souffrance, voire une "torture" si on se réfère à l'étymologie du mot. Travailler c'est dur et contraignant ! La vivacité des réactions à l'idée de donner de l'argent à une fille qui s'amuse à tenir un blog pourrait bien avoir là son origine.
Pourquoi quelqu'un qui passe du temps à entretenir un blog, à le faire vivre, à le nourrir, ne serait pas rétribuable ? Qu'en est-il d'un écrivain ? D'un compositeur ? D'un artiste ?
Une rétribution ne signifiant d'ailleurs pas qu'on puisse en vive. C'est là un tout autre problème...
Si cette réflexion m'inspire c'est parce que j'ai choisi, il y a une quinzaine d'années, de faire d'un loisir mon métier. Ce qui était une passion est devenu un travail. En faisant cela je me suis ouvert à une nouvelle vie, alors que je m'éteignais dans mon travail précédent (qui me plaisait beaucoup à l'origine). Pourtant, à la longue, il y a eu quelques inconvénients avec ce second métier: le côté "travail" l'a emporté sur le côté "loisir". Je me suis de moins en moins amusé en travaillant. J'ai perdu une grande part de ma passion initiale et le travail est devenu pénible, générateur de malaise, de lassitude.
Mais j'en viens à me demander si on peut durablement exercer un métier-plaisir. Par exemple, j'aime beaucoup écrire [nooon, sans blaaague ?], mais j'imagine que si j'en faisais mon métier j'en perdrais le plaisir. Si j'étais obligé d'écrire sur commande, ça n'aurait peut-être plus rien d'un plaisir. En fait il me semble que ce qui est plaisant c'est le changement. D'où mon désir d'exercer un métier varié. Ou plutôt des métiers.
Je commence à voir ce qui me plairait. L'inconvénient c'est que la pluralité offre un grand nombre de pistes à explorer. Sortir des chemins balisés est forcément plus compliqué.
Peut-être que j'aime bien ce qui ressemble à un défi, lorsqu'il faut inventer.
Peut-être que la simplicité, pour moi, passe d'abord par des phases compliquées ?
Le problème c'est que le temps qu'il me reste pour réfléchir se réduit comme peau de chagrin.
Si je ne veux pas mettre le doigt dans l'engrenage dont parle Christine, c'est très vite que je dois trouver des solutions...