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Alter et ego (Carnet)
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9 novembre 2006

Travailler par plaisir

Sur Mon blog de fille [qui n'est a priori pas particulièrement adressé à un public masculin mais vers lequel un billet de Telle m'a aiguillé], il y a eu ces derniers jours une vigoureuse échauffourée. Il avait été proposé aux lectrices de rétribuer l'auteur pour ce qu'elle considère comme un "travail", au vu du temps qu'elle dit passer à la tenue de ce blog. Contribution volontaire et facultative, de montant libre, et n'ouvrant à aucun droit particulier. Ce billet a suscité des réactions vives et opposées, et généré une avalanche de commentaires (plus de 200). Les réactions les plus épidermiques et violentes sont venues des opposantes à ce paiement, pourtant facultatif. Entre autres arguments j'ai retenu celui-ci, qui m'a semblé être le fond de la révolte : si l'auteur a besoin d'argent, elle n'a qu'à travailler ! Tenir un blog est un loisir, pas un travail !

Je ne reviendrai pas sur la polémique annexe du principe de gratuité du net, ni sur celui de la comparaison de qualité entre les écrits d'un blogueur (bénévole) et d'un journaliste (rétribué), tout cela et bien d'autres choses a été abondamment développé dans les commentaires.

Ce qui m'intéresse c'est le fond: quel regard est porté sur celui qui cherche à tirer des revenus d'un travail qui est aussi un plaisir ?
Ou pour être plus direct : quelle est l'acceptation à ce qu'un plaisir soit rétribué ?

Je me demande si tout cela n'aurait pas des relents de culture judéo-chrétienne, dans laquelle le travail est forcément pénible, générant une souffrance, voire une "torture" si on se réfère à l'étymologie du mot. Travailler c'est dur et contraignant ! La vivacité des réactions à l'idée de donner de l'argent à une fille qui s'amuse à tenir un blog pourrait bien avoir là son origine.

Pourquoi quelqu'un qui passe du temps à entretenir un blog, à le faire vivre, à le nourrir, ne serait pas rétribuable ? Qu'en est-il d'un écrivain ? D'un compositeur ? D'un artiste ?
Une rétribution ne signifiant d'ailleurs pas qu'on puisse en vive. C'est là un tout autre problème...

Si cette réflexion m'inspire c'est parce que j'ai choisi, il y a une quinzaine d'années, de faire d'un loisir mon métier. Ce qui était une passion est devenu un travail. En faisant cela je me suis ouvert à une nouvelle vie, alors que je m'éteignais dans mon travail précédent (qui me plaisait beaucoup à l'origine). Pourtant, à la longue, il y a eu quelques inconvénients avec ce second métier: le côté "travail" l'a emporté sur le côté "loisir". Je me suis de moins en moins amusé en travaillant. J'ai perdu une grande part de ma passion initiale et le travail est devenu pénible, générateur de malaise, de lassitude.

D'une certaine façon les choses rentraient dans l'ordre : travailler c'est dur et contraignant. Mais précisément c'est là que l'envie d'autre chose apparaît. L'envie de faire un travail qui me plaît. Et si je pouvais vivre de quelque chose qui me passionne... ce serait assez tentant. C'est ce que je cherche depuis quelques temps, lorsque je ne m'amuse pas à écrire sur internet...

Mais j'en viens à me demander si on peut durablement exercer un métier-plaisir. Par exemple, j'aime beaucoup écrire [nooon, sans blaaague ?], mais j'imagine que si j'en faisais mon métier j'en perdrais le plaisir. Si j'étais obligé d'écrire sur commande, ça n'aurait peut-être plus rien d'un plaisir. En fait il me semble que ce qui est plaisant c'est le changement. D'où mon désir d'exercer un métier varié. Ou plutôt des métiers.

Je commence à voir ce qui me plairait. L'inconvénient c'est que la pluralité offre un grand nombre de pistes à explorer. Sortir des chemins balisés est forcément plus compliqué.

Peut-être que j'aime bien ce qui ressemble à un défi, lorsqu'il faut inventer.
Peut-être que la simplicité, pour moi, passe d'abord par des phases compliquées ?

Le problème c'est que le temps qu'il me reste pour réfléchir se réduit comme peau de chagrin.
Si je ne veux pas mettre le doigt dans l'engrenage dont parle Christine, c'est très vite que je dois trouver des solutions...

Commentaires
P
Forestine, si on commence à chercher ce qui est "bien "ou "mal", on n'a pas fini de discuter ;o)<br /> La réponse, tu la donnes toi-même en disant ce que toi tu ferais. En fait je crois que c'est la seule chose qui importe : que chacun agisse selon ses convictions, sans ériger de règles qui se voudraient universelles.<br /> <br /> Pour ce qui est du travail-passion, j'ai eu le même cas de conscience avec mes enfants : devais-je les encourager à s'orienter vers des métiers qui leurs plaisent, ou bien des métiers "porteurs" pour l'emploi ?<br /> Ne voulant pas leur couper les ailes ni les élever dans la peur de l'avenir, je n'ai pas eu à hésiter. Mais pas sans scrupules, vu l'enjeu !<br /> <br /> Cite-moi, cite-moi ! et envoie les royalties.<br /> Je ferai de même en retour ;o)
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F
Je voulais aussi revenir sur les idées que tu développes concernant le métier-plaisir. [Cela m'a fait penser fugitivement aux anciens débats sur les mariages d'amour et mariages de raison !!! ]<br /> Mes étudiants, qui appréhendent l'entrée dans la vie professionnelle et n'ont pas toujours très envie de "travailler" au sens "avoir un emploi"(même s'ils ont peur du chômage aussi), tâchent de se rassurer ou de se motiver en vantant une solution-miracle: trouver un débouché qui corresponde à une passion. Ceux qui n'ont pas de "passion", justement, sont du reste bien ennuyés... <br /> J'avoue que je ne sais pas trop quoi leur répondre.<br /> Ta réflexion est donc très intéressante pour alimenter le débat.<br /> Si je te cite, je prévois des royalties - c'est la moindre des choses !<br /> ;-))
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F
Je découvre aujourd'hui tout cet emballement de billets avec effarement... Dans l'absolu, est-ce bien, est-ce mal de suggérer une petite contrib' aux lecteurs... euh, je ne saurais que bredouiller. Le fait est cependant que si un des blogueurs que je lis le faisait, je repartirais dans le reste du monde libre. Lire sans payer deviendrait de la resquille, finalement et me gâcherait le plaisir...<br /> Et puis ce que j'aime, c'est un contact humain, et le commerce a tout de même tendance à fausser la sincérité des échanges.<br /> Ceci dit, en relatif, "blog de fille" a au moins le mérite d'annoncer la couleur. J'ai le sentiment que d'autres blogs sont sponsorisés très discrètement et que leurs auteurs tentent d'influencer leurs lecteurs...<br /> A moins que ce soit ma parano ordinaire qui me rende méfiante, évidemment.
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P
Pivoine, et Telle, les précisions que vous apportez montrent bien que dans cette "simple" histoire de demande de dons il y a beaucoup d'éléments soulevés. Ce qui peut expliquer la polémique et les incompréhensions sur le blog dont il est question.<br /> <br /> Il m'a semblé comprendre que l'auteur avait quelques difficultés financières, ce qui, à mes yeux, peut légitimer une demande de participation. Qui ne saurait remplacer un salaire, ça me semble évident.<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec la gêne qui apparait avec le mélange des genre: amitié et argent ne font pas bon ménage.<br /> <br /> Quand à l'idée de rendre les blogs payants pour grapiller quelques sous dès qu'on a un auditoire conséquent, ça me semble assez critiquable et pervers pour "l'esprit de liberté du net". Il serait dommage que les internautes eux-même contribuent à une marchandisation de leur espace.<br /> <br /> Dès qu'on touche à certains principes on ne sait effectivement pas où on va s'arrêter.<br /> <br /> Bref, le sujet n'est pas épuisé.
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T
Pierre, j'ai lu ton billet ce midi et je me suis interrogée sur mes réticences. Peut-être as-tu raison, celui qui avoue prendre plaisir au travail serait gênant. La punition divine au jardin d'Eden n'aurait-elle pas eu de prise sur celui-là ?<br /> <br /> Comme je viens de le dire chez Coumarine, il y a aussi une part du problème qui est lié au type de relation mis en place au début (tu es ma copine, je t'embrasse, t'es super...) et, qui, avec le succès, se transforme en échange monnayé (t'es sympa, on s'aime bien, aide-moi à vivre de mon blog...). Je ne sais pas si tu entretiens financièrement tes amis (je sais ce que tu vas me répondre mais bon, en couple, c'est différent)mais moi, non, sauf en cas de coup dur. Il y a comme un mélange des genres (amitié // relation financière) qui me choque et qui est aussi lié à l'anonymat d'internet car ces personnes-là n'oseraient pas demander de l'argent dans la rue à visage découvert. <br /> En ce moment, ce type d'aumône fleurit (tout prétexte est bon... je te donne des adresses si tu veux) et je me sens très mal à l'aise.<br /> Oh la la , j'aurais un autre billet bien plus virulent à écrire là-dessus...
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P
A mon tour de réagir face à votre billet, intelligent et mesuré, sur cette question. <br /> <br /> J'avais entendu parler également de cette petite "histoire" et je m'étais dit "être payé pour son blog...", faut pas rêver. Ceci dit, il est clair que tout être humain a besoin d'une rétribution (pour simplement vivre...) et que si on n'a pas de boulot (ou qu'on l'a perdu...) se faire dire "vous n'avez qu'à travailler" est un peu dur. Soit. <br /> <br /> Mais demander un don, un soutien, n'est pas la même chose, comme vous le faites remarquer, que "gagner sa vie" au sens contractuel du terme (on signe un contrat, et on doit fournir un travail x, y, z, et dans tel délai, sinon, la porte est là - et ça, c'est la principale contrainte de type torturante...) <br /> <br /> Vous posez la question également du loisir qui devient un travail. Je connais cela aussi, puisque j'ai toujours écrit, voulu écrire, choisi d'écrire, mais il fallait bien que je gagne ma vie. C'est pourquoi je suis devenue prof (ou du moins, j'ai voulu devenir prof...) Et puis un jour, après bien des vicissitudes, j'ai gagné ma vie en écrivant: en étant "responsable" d'édition, et rédac chef d'un bulletin associatif, auteure d'articles, d'interviews, de dossiers pédagogiques. Alors oui, là, je peux vous répondre: du moment que cela devient une obligation, c'est magnifique, mais parfois pesant (ne fût-ce qu'à cause de la censure). Du moins, je le ressentais comme tel, et d'ailleurs, on ne peut totalement être soi-même (comme on peut se permettre de l'être dans son blog). C'est même à ce moment-là de ma carrière que j'ai commencé à fréquenter des ateliers d'écriture (auxquels j'étais réfractaire, auparavant, comme quoi, il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'idée!) - pour retrouver le goût, le plaisir, la fraîcheur de l'écriture - et le partage, aussi. <br /> <br /> Mais il reste que l'être humain a besoin de gagner sa vie... Qu'il ne lui reste parfois plus que les allocations de type social pour vivre (voire survivre) (en raison d'une carrière bien remplie), et que c'est limite. <br /> <br /> Qu'il a parfois un don magnifique (et un talent certain, mais qui ne s'est pas acquis en cinq sec, ni par miracle), lequel, en revanche, ne donne pas toujours la reconnaissance que son possesseur est en droit d'espérer (si pas d'attendre). Et ça, c'est dommage... <br /> <br /> Et pour finir, ce n'est pas trop trop avec les métiers de la culture que l'on "gagne" sa vie. (Mais cela n'a plus rien à voir avec la tenue d'un blog de type magazine féminin). Hélas. Et pourtant, les êtres humains en ont autant besoin que de bien-être matériel...
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C
Merci Pierre, juste merci...
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P
Bonjour Silo,<br /> <br /> Le problème que tu soulèves me laisse perplexe. Comme le dit déjà Coumarine, si on devait vérifier ce que les gens font de l'argent qu'ils recoivent, on irait vers une drôle de situation de paternalisme. Imagine t-on un patron qui dirait: « à quoi allez-vous utiliser le salaire que je vous verse ? à des vacances ? mais c'est totalement futile ça... je vous réduit donc votre salaire puisque vous le gaspillez inutilement ». Encore heureux que personne ne vérifie notre liberté de dépenser l'argent gagné. Que ce soit via un blog ne change rien à cet état de fait.<br /> <br /> <br /> Coumarine ton témoignage est intéressant et tu l'as amplement développé sur ton blog. Je crois que ce qui cause problème c'est quand les gens imaginent qu'ils pourraient faire eux-même le "travail", ne soupçonnant pas que ce n'est pas forcément à leur portée. Écrire ça paraît tout simple: un crayon et un papier, maintenant un ordinateur, et hop, c'est parti. Fastoche...<br /> Et puis Coumarine fait ça si bien... (ce qui, en outre, leur évite de le faire eux-même).<br /> <br /> Écrire ça ne "produit" rien de palpable. Juste quelques mots. L'émotion, la pertinence, ne sont pas mesurables, ni moneyables, quand elle ne sont pas "reconnues". Et si tu t'avises de demander une rétribution, même modeste, on te regardera probablement avec condescendance: mais pour qui se prend-elle, celle-là ? Elle n'est même pas célèbre ! <br /> <br /> Sois célèbre, ou tais-toi...<br /> <br /> <br /> Dans mon métier le conseil est considéré comme étant gratuit. Il ne viendrait à l'idée de personne de payer pour le temps passé à montrer, chercher, expliquer, écouter. Et pourtant ces heures cumulées ne sont pas passées à "produire" quoi que ce soit, excepté un service de qualité. Elles sont offertes au client potentiel. D'où la tentation, dans le commerce sans états d'âme, d'effectuer la vente à tout prix, sans perdre de temps... quitte à vendre n'importe quoi.
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C
Pierre, j'ai écrit mon billet du jour sur ce sujet (mais vu du côté de quelque'un qui écrit)
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C
Oui Pierre je crois en effet que c'est un vieux réflexe de philosophie judéo-chrétienne qui fait dire que le travail doit être pénible<br /> "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front"<br /> <br /> Je suis souvent étonnée que lorsqu'on va au "vernissage" d'un artiste peintre (par ex) tout à fait amateur, il ou elle vend ses oeuvres facilement 50 euros pièce (si pas davantage!!). Et on se sent obligé quelque part d'acheter quelque chose par amitié (autrement dit parce qu'on ne sait pas faire autrement)<br /> Ces "oeuvres" ont été faites cependant par pur plaisir, c'est un hobbie, pas un travail<br /> Ce qui n'est pas "juste", c'st qu'il est pour moi hors de question de "vendre" un texte, un poème. On me demande souvent d'écrire un petit quelque chose par l'anniversaire de qqun, ou l'enterrement d'un autre...on trouve normal que je le fasse gratuitement, sous prétexte que j'écris bien!!<br /> De même on me demande très souvent si je ne veux pas donner mon avis sur tel ou tel texte (souvent long d'ailleurs)...sans penser un seul instant que cela me demande du temps pour le faire convenablement, que la personne n'est pas la seule à me demander cet avis etc...cela va de soi que c'est un "service" que je rends!<br /> De même:<br /> Paroles PLurielles prend une extension que je n'avais pas prévue et me mange pas mal de mon temps, au point que j'ai pensé de faire payer l'entrée...je recule car j'aurais peur des condamnations moralisatrices...!!!<br /> Je n'ai ce jugement sans retour pour qqun qui demande une participation pour un blog qui, au fil du temps obtient un certain succès et que les lectrices viennent plébicister<br /> Ce sont souvent des blogs "people" comme celui dont tu parles<br /> Il est certain que MOI je ne payerais pas pour le lire, d'ailleurs ce genre de blog ne m'intéresse pas, mais je ne condamne pas la démarche, contrairement à la majorité qui s'indigne<br /> Quant à ce que fait de son argent celui ou celle qui le gagne, contrairement à ce que dit Silo, je trouve que chacun est responsable de ce qu'il en fait: personne n'a droit de regard sur les gains que l'on obtient<br /> Si la personne donne son argent à la première mendiante à l'entrée du métro, ou qu'elle le dépense en trucs qu'on juge nous superflus, cela ne nous regarde pas, mince alors, s'il faut encore justifier l'usage de ses sous!<br /> J'espère que je me suis fait bien comprendre (tu vois, je trouve nécessaire les précautions oratoires!)<br /> Boonne journée Pierre
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