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Alter et ego (Carnet)
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6 décembre 2006

Ancien monde

Je me suis rendu la semaine dernière à un colloque intitulé « Effet de serre et effets de société », animé par des scientifiques, des acteurs de la politique, et quelques personnalités.
[Afin de ne pas aggraver le phénomène dont il est question, en bon éco-citoyen, je m'étais rendu en ville par train, puis au lieu des conférences par tramway.]

Bien que relativement bien informé sur cette inquiétante évolution climatique, je n'ai pas été déçu par tout ce qui s'est dit durant cette journée marathon. Il me serait difficile d'en rendre compte de façon synthétique, et de toutes façons je pourrais me dire que ce blog n'est pas un espace dédié à ce genre de réflexions.

Il n'empêche que c'est un support de diffusion et qu'à ce titre il n'est pas inutile qu'il contribue, même infinitésimalement, à la prise de conscience collective. D'ailleurs il en a été question là-bas : chacun doit agir et faire agir. A l'échelle individuelle il est déjà possible de communiquer pour informer.

Donc... vous n'y couperez pas !

Non non, ne vous sauvez pas, c'est important. Bien plus important que tout le reste !
(et pour une fois c'est pas nombriliste)


Je ne m'attarderai pas sur tous les aspects scientifiques, aisément accessibles pour qui s'y intéresse (cliquez derechef sur le plaisant mais très sérieux site de Jean-Marc Jancovici), mais plutôt sur notre rapport collectif face à ce phénomène sans précédent et d'une ampleur difficile à appréhender par la conscience. Raison de plus pour en parler !

De mes dix pages de prise de notes je retiendrai quelques éléments qui me paraissent significatifs.

D'abord une idée maîtresse, impressionnante : nous venons de quitter l'ancien monde. Celui qui est devant nous, là, maintenant, sera fort différent de ce que nous avons connu. Il devrait déjà l'être. La personne qui énonçait cela n'était pas quelques militante alarmiste de la cause écologiste, mais l'ancienne présidente de la Mission interministérielle sur l'effet de serre. Et elle le disait avec le plus grand calme.

Tous les scientifiques qui se sont exprimés le faisaient avec la même tranquille assurance: c'est une certitude, nous allons vers un réchauffement climatique qui aura des conséquences majeures, quoique difficilement prévisibles, sur l'ensemble de l'humanité. Les incertitudes ne concernent que l'amplitude des changements et l'échelle de temps dans laquelle ils se dérouleront. Conséquences sur le climat, bien sûr, mais aussi sur la biodiversité.

Sur l'humain aussi, en autres espèces animales, qui devra s'adapter concomitamment à une raréfaction des ressources énergétiques à bon marché, tout en changeant radicalement son rapport à la croissance "infinie", le tout dans un contexte de modification de la répartition de l'eau et donc de l'agriculture qui le nourrit. Autrement dit : ça va pas être simple !

Lorsque sont mis en évidences les chiffres, les faits, les graphiques, et l'étendue des conséquences à prévoir, on se demande pourquoi on n'a pas encore changé notre mode de vie devant l'urgence. Car il n'est plus question de parler de lointaines "générations futures", mais bien de générations présentes : ceux qui vont vivre ces changements avec le plus d'acuité sont déjà nés !

On peut se demander ce qui cause cette « apathie civique » qui nous fait continuer à vivre comme s'il ne se passait rien..

Le problème présente plusieurs handicaps pour la prise de conscience. Pas seulement au niveau cognitif, mais dans notre capacité même à le saisir.

  • il ne heurte aucun tabou (ni violence, ni transgression, ni génocide spécifique)
  • il n'y a pas de "responsable identifié", pas de "dictateur", pas de "démon". Nous sommes tous responsables... donc personne ne paraît l'être.
  • la sensibilité morale n'est pas mise en cause, il n'y a pas de sentiment "d'injustice".
  • pas de danger manifeste et immédiat. Ça parait lointain dans le futur, donc ne semble pas concerner le présent
  • la menace est non seulement lointaine, mais son évolution est lente à notre échelle de temps. L'idée même d'évolution laisse croire qu'on va s'adapter, s'habituer, alors qu'il s'agit d'une révolution pour l'humanité

On joue sur l'incertitude, omettant de regarder les certitudes.

Or il y a des certitudes: il va falloir payer le prix de cette révolution. Soit on paye plus cher et plus tard, soit moins cher et tout de suite. On a tendance à ne pas vouloir payer...

Plus on attend et plus les ressources énergétiques abondantes diminuent, donc coûteront plus cher. Tandis que d'un autre côté les adaptations technologiques et structurelles demanderont d'autant plus d'énergie qu'elles seront tardives. Le coût de l'inaction sera donc très largement supérieur à celui de l'action.


Pourquoi l'immobilisme ?

Ce qui se passe est difficile à conceptualiser, parce que totalement inconnu : on a peur de quelque chose qui ne s'est jamais produit dans l'histoire de l'humanité, et qui ne devra jamais se produire. Tout cela est assez abstrait...

La mise en oeuvre passe par une volonté politique, or on sait que la politique voit à court terme, échéances éléctorales obligent. C'est par la pression citoyenne que les politiques agissent. Or les citoyens sont peu informés. Les médias de masse, à commencer par la télévision, sont particulièrement discrets sur ce sujet. Sauf évènements exceptionnels il n'est pas spectaculaire, à moins de verser dans un catastrophisme outrancier qui dessert la prise de conscience: ça parait "trop gros" pour être vrai.

La méconnaissance du public implique qu'il n'y a pas de pression sur les politiques. De plus, toutes les mesures à prendre paraissent fortement liberticides... tant qu'on continue à penser selon la logique de "l'ancien monde". Mais l'ère de la croissance illimitée et des ressources naturelles abondantes est révolue.

On a aussi tendance, notamment en France, a se dire que notre petit pays ne contribue que peu à l'accroissement de l'effet de serre. A 3%, on est bien loin des vilains américains qui a eux seuls y contribuent à 25%. Et que dire des chinois qui vont bientôt battre les américains sur ce terrain ? Pourtant c'est bien l'affaire de tous les pays industrialisés. Nous sommes tous concernés. Et nous le sommes doublement puisque nous devons laisser les pays émergeants se développer comme nous l'avons fait en profitant de ressources comme si elles étaient illimitées. Nous devrions donc réduire d'autant plus notre train de vie fondé sur le gaspillage, ayant épuisé notre "quota" depuis longtemps.

Et le "nous" ce n'est pas seulement le collectif, mais l'individu. Chacun doit, individuellement, réduire sa contribution au réchauffement et à l'épuisement des ressources communes. Mais pas réduire de quelques pourcents, non, réduire d'un facteur quatre notre contribution à l'émission des gaz à effet de serre. On peut se retrousser les manches... et faire preuve d'inventivité pour nos modes de vie.

C'est bien là l'enjeu du défi humain qui se présente : il faut partager ! Partager les ressources, partager les responsabilités, et prendre conscience de notre interdépendance. Nous sommes tous sur le même espace fini.

Puisque qu'il semble utopique de vouloir réduire par quatre notre consommation selon le mode de vie actuel, il faut trouver d'autres moyens d'y parvenir. On entre là dans le champ du social et du culturel, et même dans celui du civilisationnel. C'est tout notre mode de représentation qui va devoir changer. La société du jetable ne peut perdurer. On ne peut continuer à gaspiller des ressources précieuses et limitées. On ne peut épuiser un stock qui est nécessaire à bien d'autres usages que se finir à la poubelle.

Dans nos pays industrialisés il existe une schizophrénie entre l'exigence de réduction de la consommation et une industrie publicitaire qui nous vante l'inverse à coup de véhicules 4x4, de climatisation, ou de voyage en avion à bas prix. Le citoyen est perdu entre des messages contradictoires, poussant d'un côté à un changement sur le long terme, de l'autre à la jouissance immédiate. Un monde rêvé et tentateur qui ne correspond plus à ce qu'il est en train de devenir. En fait c'est la représentation du rêve qu'il faudra changer, pour revenir à quelque chose deplus réaliste, plus concret, plus accessible. Attendre dans l'immobilisme ne fera qu'induire un jour à la prise de mesures autoritaires. Convaincre maintenant, ou contraindre plus tard. Il est à craindre qu'il faille passer par la contrainte...

Le rôle de chaque citoyen est donc de s'impliquer pour que la prise de conscience se fasse. S'impliquer en se fédérant, en s'associant, pour exercer un levier sur l'inertie du pouvoir. Et s'impliquer en faisant circuler l'information...

Vous excuserez cependant l'éclairage assez superficiel que j'apporte, mais je ne suis tout de même pas un spécialiste du sujet.

couchersoleil



Par ailleurs je vous félicite pour l'apport de votre signature au pacte écologique lancé par Nicolas Hulot (87 % d'opinion favorable, au dernier sondage de popularité Ifop), puisque je vois que pas loin de 235.000 personnes l'ont signé en un mois, dont au moins 50% venaient directement d'un de mes billets.
Oups, on me signale dans l'oreillette une erreur: en fait il s'agirait de 0,00005% 

Bon ben qu'est-ce que vous faites encore ici ? Allez-y vite !



Commentaires
P
Tout à fait jsue ce que tu dis, Hélène, autour des métiers à inventer. En fait il y a plein de choses à inventer pour surmonter ce défi.<br /> <br /> Pour le vote, le problème de la représentation c'est qu'il y a un extrême de l'autre côté, pas forcément très attirant (ou plutôt déjà suffisamment "attirant" comme ça...)
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H
Je suis d'accord avec toi Pierre, l'effort est considérable. <br /> C'est bien de nous faire trier, mais qui sait ce que deviennent nos déchets? Puisque nous sommes incapables de les recycler, il partent dans les pays pauvres où femmes et enfants trient nos tonnes de plastique par exemple dans des conditions sanitaires déplorables.<br /> Ici de moins en moins de collectes, de plus en plus d'impôts, mais où va tout ce fric?<br /> Il y a un avenir phénoménal de métiers à inventer, et pourtant une minorité continue d'engranger les milliards dans l'indifférence (la paralysie plutôt) générale... On nous monte le bourrichon à diaboliser la vraie gauche en "extrême", à nous brandir de faux problèmes, pour éviter de faire de vraies réformes. <br /> Commençons par réclamer la repésentation de tous les votes, voter blanc n'est pas pareil que ne pas voter, voter vert au premier tour n'est pas pareil que voter Chirac au deuxième, etc...<br /> La représentants politiques monochromes n'ont rien à voir avec les français multicolores que je côtoie tous les jours...<br /> Oups, je me suis lachée... ça fait du bien...
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P
Christine, en soi chaque geste parait sans conséquence. C'est l'addition qui fait la différence.<br /> <br /> Jean-nuages, ce n'est pas à ceux qui dépensent peu qu'on va demander de réduire leur faible contribution à la production de gaz à effet de serre. Ni à ceux qui n'ont rien. Ces arguments sont recevable, mais ne doivent pas être des moyens pour ceux qui pourraient agir de ne rien faire.<br /> <br /> Pour ce qui est de l'état ou des entreprises, ils représentent aussi les citoyens. Si chacun attend que l'autre bouge ça peut durer longtemps... Les états bougeront quand ils sentiront une forte demande des citoyens, idem pour les entreprises. C'est donc à nous de nous bouger. Y compris en demandant à l'état de prendre des mesures qui nous contraindront à bouger! Les mouvements collectifs ne sont que la somme de mouvements individuels.
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N
.... et j'ajoute que je n'ai pas de voiture, que j'ai un abonnement annuel aux transports en commun bruxellois, que je trie mes déchets (déchets ordinaires, papiers-cartons, plastiques-canettes-cartons à boissons, piles, bouteilles en verre) et que je vote pour les Verts belges francophones (Ecolo) depuis 1981, pas uniquement pour des raisons écologiques d'ailleurs....
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N
Tout ça c'est bien beau, mais...<br /> Quand en France, ou en Belgique, il y a bien 16 % de la population sous le seuil de pauvreté, comment fait-on ? moins consommer, eux qui ne consomment déjà pas assez pour vivre, parce qu'ils sont pauvres !<br /> Et dans le Tiers-Monde, où l'immense majorité des gens n'ont ni voiture, ni chauffage (sauf le bois de chauffage... d'où déforestation), ni Adsl, ni cuisinière électrique, ni de quoi se vêtir correctement, ou se nourrir... comment fait-on ?<br /> Et les comportements individuels c'est bien, mais si les Etats et les grandes entreprises ne font rien de significatif, c'est voué à l'échec !
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C
Les tronçonneuses qui coupent les sapins ce n'est pas polluant ? Sachant qu'il s'en coupe des milliers chaque années alors qu'un sapin en plastique peut durer 5 ans au moins ;-) Je taquine... Désolée..je sors ? <br /> Avant de sortir ;-) ... lorsque tu étais enfant, tu n'aimais pas voir un sapin illuminé dans ta maison ? N'oublions pas, qu'en dépis du côté commercial de la chose, Noel est une période magique pour les enfants.
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P
A mon avis il faut opter sans hésiter pour le renouvelable, non polluant, recyclable, peu coûteux en énergie de fabrication...<br /> <br /> Et en plus il est odorant.<br /> <br /> Ceci dit, on peut aussi se poser la question de la nécessité d'acheter un sapin !
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H
Bon, concrètement, là j'achète un vrai sapin ou un en plastique?<br /> Ca n'a pas l'air mais...
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A
Pierre, on ne peut que partager tes propos, pour le peu que l'on soit un peu humaniste...<br /> Reste quela Réalité est tétue !<br /> Quant à l'action individuelle, personne ne t'en empêche... ni toi, ni moi... Cela restera de l'ordre de la goutte dans l'océan, mais c'est toujours ça.<br /> Il est toujours difficile d'appartenir à des temps de décadence... Difficile de voir où se trouve le nouveau paradygme !
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P
Alainx, je crois qu'il faut savoir regarder plus loin que notre nombril et au présent. Il ne s'agit pas que de notre civilisation, mais aussi de tous ceux qui n'ont rien demandé et qui seront probablement les premiers à faire les frais de "notre" comportement. Nous, habitants des pays riches, arriverons bien à nous débrouiller pour continuer à en profiter au maximum, mais ceux qui n'ont déjà pas grand chose risquent d'avoir encore moins.<br /> <br /> Ce n'est pas un problème des pays occidentaux, mais un problème humain. Au niveau éthique, ça peut faire réfléchir...<br /> <br /> Sans même parler de la biodiversité, qui là aussi risque de ne pas pouvoir suivre la cadence du changement. Bon... c'est vrai, on s'en fout: la nature saura toujours s'adapter, mais c'est quand même assez dérangeant de se dire qu'à cause de "nous" il y aura des exctinctions d'espèces. Oui, c'est déjà arrivé de façon "naturelle", mais quand même...<br /> <br /> Certes on peut se dire que c'est une évolution naturelle que celle de la prédominance de l'homme destructeur... Cela peut nous mener loin dans des réflexions d'ordre philosophico-éthique.<br /> <br /> Quant à l'héritage pour les "générations futures", ce serait assez moche de les laisser dans la merde à cause de nous.<br /> <br /> (Euh... sur le fond je crains que tu aies quand même raison, mais ça ne me satisferait guère de rester sans rien faire.)
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