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Alter et ego (Carnet)
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18 décembre 2006

De l'évidence des choix de vie

Ce week-end j'ai failli être seul. Les deux aînés restaient dans leur ville d'étudiants et le p'tit dernier était invité à passer le dimanche chez ses grands-parents. Cette solitude ne m'inquiétait pas outre mesure mais j'ai préféré m'inviter chez des amis. Je crois que c'est la première fois que j'ose une telle démarche spontanée ! Mais bon, je savais qu'ils seraient contents de me voir.

Prévoyant, j'avais même apporté ce qu'il fallait pour dormir, connaissant notre propension à discuter tard dans la nuit et jouer les prolongations le lendemain. Ce qui n'a pas manqué de se produire...

Or donc, la grand-mère de mon benjamin, qui se trouve être ma mère, m'a téléphoné ce matin. Elle s'inquiétait un peu de savoir que son grand fils avait passé un week-end tout seul chez lui. Ben oui... à 45 ans, ma mère s'inquiète encore pour moi.

Ça pourrait être un peu agaçant. C'est plutôt touchant.
Je me suis empressé de lui dire que non, je n'avais pas été seul. Elle a semblé en être très soulagée, et même contente de constater que je voyais du monde.

Ben oui, le sauvage que j'étais à un peu changé, tout de même. Et quoique j'apprécie la solitude j'aime aussi les belles rencontres. Voila déjà quelques années que j'ai appris à saisir les occasions.

Mais là n'est pas l'objet de ce billet...


En fait ma mère m'a parlé de son inquiétude, ainsi que celle de mon père, vis à vis de tous les changements familiaux: Charlotte et moi séparés et seuls, les enfants qui n'ont plus le "nid familial", et puis moi qui n'ai toujours pas de revenus décents... Mes pauvres parents en font de l'insomnie.

Je prends ça à la rigolade... mais c'est quand même sérieux tout ça. Je pense en particulier aux enfants, qui semblent intégrer peu à peu les changements depuis que les actes sont posés. Notre aîné est en train de prendre conscience qu'il avait refoulé son ressenti face à la séparation. Il s'était mis à l'écart... et maintenant ne vit pas très bien cette cellule éclatée. Il y a un mois c'est notre fille qui m'avait avoué un certain malaise à revenir dans la maison familiale sans la présence de Charlotte. Quant au benjamin... je l'ai un peu interrogé à ce sujet mais il semble ne pas ressentir de gros changements. Il faut dire qu'il est le seul à ne pas avoir quitté la maison depuis que nous y avons emmenagé. Il est simplement passé de famille complète, à mère et fils, puis maintenant à père et fils.

Ma mère s'est aussi dite inquiète pour Charlotte. Elle redoute qu'elle ait pris des décisions hâtives sans se rendre compte de leur portée...

Mais faut dire que mes parents ne parviennent pas à comprendre notre décision de séparation. Ça dépasse leur entendement. Ma mère m'a parlé de manière vague de certains pilier de l'existence, de repères fondamentaux qui on trait à la cellule familiale. Pour eux il semble que ce soit inconcevable de faire éclater cette cellule-là. Ils portent un regard inquiet sur les générations actuelles, qui se séparent avec une facilité qui les déconcerte.

J'ai tenté d'expliquer à ma mère qu'on ne pouvait comprendre les choix d'autrui selon une grille de lecture personnelle. Chacun fait ses choix en fonction de critères dont bien peu sont apparents pour l'extérieur. Et des décisions sont "incompréhensibles" simplement parce qu'on ne dispose pas de tous les éléments pour comprendre. Je lui ai d'ailleurs proposé de répondre à d'éventuelles questions, si ça pouvait l'aider. Je crois que la parole est essentielle pour soulager des questionnements. Pour m'être trouvé dans la posture inverse, je sais à quel point les mots peuvent être apaisants. Pour ma part je n'en suis pas avare... du moment qu'ils sont écoutés de façon accueillante.

Expliquer ne suffira sans doute pas à la compréhension totale, parce que les "valeurs" sont différentes. Tout comme on ne peut pas vraiment comprendre des coutumes qui sont étrangères à notre culture, il est des modes de raisonnement qui sont difficilement assimilables si on ne voit pas les choses sous le même angle.

Je sais pourtant que les choix que j'ai fait étaient les bons. Ils sont ceux qui allaient dans le sens de mes valeurs humaines. Au delà du seul choix personnel, j'ai opté pour un chemin qui me menerait vers un "meilleur de moi-même", qui ne se serait pas révélé sans ces choix. Renoncer à ce chemin, c'était renoncer à la découverte et renoncer à la vie. Je sais que ça a pu paraitre incompréhensible, je sais que j'ai été désapprouvé, mais pourtant ma persévérance m'a mené vers une ouverture d'esprit que je n'aurais pas connue sans cela.

Je pense que ma mère a été touché lorsque je lui ai dit que j'allais vers un chemin d'amour de l'autre. Que ma quête était d'essence spirituelle, et que, d'une certaine façon, je ne pouvais pas y renoncer. Parfois j'ai employé le terme de crime, pour qualifier ce qu'aurait été un renoncement à cette aspiration vitale.

Je commence à oser en parler sans craindre de passer pour un illuminé. Non seulement sur mes divers supports d'écriture, mais aussi en face à face. C'est ce que j'ai fait avec mes amis, ce week-end. Lorsque je me laisse aller à ce genre de confidences je me sens vraiment en paix et tout a fait sûr de moi. Une certitude inébranlable.

Certes j'ai toujours été désolé des conséquences de mes choix sur la préservation de cette cellule familiale. Ils ont mené à une séparation que je ne désirais pas. Je sais que cela aura entrainé une déstabilisation pour plusieurs personnes, mais je sais aussi que c'était la seule solution viable. Sinon je me serais éteint dans une résignation amère. Et ça aurait été pire. Je n'avais tout simplement pas la force de me résigner.

La vie m'a montré un chemin et je l'ai suivi. Pas égoïstement, parce que j'ai tenté d'accompagner au mieux ceux et celles qui ont été touchés par les remous. C'est d'ailleurs cette prévenance, cette attention sensible aux réactions des autres, et notamment de Charlotte, qui semble laisser perplexe ceux qui observent les choses de loin. Ils ne comprennent pas qu'on puisse se séparer tout en se respectant. Ça leur semble illogique.

Au cours de la discussion ma mère semblait regretter qu'à certains moments il ne se soit pas passé ceci ou cela, comme si on avait pu désamorcer quelque chose au mécanisme. Je lui ai répondu qu'il s'est fait ce qui devait se faire à chaque moment, en fonction de ce que nous étions à ce moment-là. Revenir en arrière ne sert à rien... sauf à comprendre a postériori. Mais rien n'aurait pu être évité. Ce n'est que parce que les choses se sont produites que l'on voit ce qui aurait pu être évité. Après, toujours après.

Je suis pourtant un grand spécialiste de la rétrospection, mais je sais qu'elle n'est utile que pour comprendre le présent, et agir vers l'avenir.

Je ne sais pas si ma mère a été bien convaincue par ma tranquille assurance, mais tandis que je lui parlais, je pensais à une situation où c'est moi qui me suis trouvé en position de manque d'éléments. Et je comprenais simultanément que parfois il n'y avait rien à comprendre, mais seulement à accepter que l'autre fasse des choix qui sont pour lui les meilleurs à ce moment-là, en fonction de ce qu'il est à ce moment-là, et de toute l'étendue des critères qui comptent à ses yeux, invisibles aux yeux des autres. Et que ce sont donc les bons choix. Les seuls qui puissent être faits en âme et conscience.

Tout simplement.

Commentaires
P
Forestine, ce que j'ai énoncé n'est pas forcément expliquable en termes rationnels :o)<br /> <br /> S'il y a bien « transcendence de l'évènementiel », je ne pourrais pas dire que ce soit moi qui en sois vraiment acteur. Disons plutôt que j'accepte de laisser naître en moi certaines choses, sans trop chercher à les analyser. La transcendance est par nature, quelque chose qui nous dépasse.<br /> <br /> Oui, je découvre peu à peu qu'il y a dans ma démarche une portée philosophique, humaniste, altruiste, qui va "dans le sens de la vie". Mais c'est presque "hors de moi". Je laisse venir et j'y trouve une sérénité croissante, et une grande solidité intérieure. Je ne sais pas vers quoi je vais, sauf la paix de l'esprit. Je sens qu'elle passe par la paix avec autrui. Et ce n'est pas une "consolation".<br /> <br /> Oui, bon, cette paix n'est pas forcément flagrante... mais c'est parce que ça "travaille" en moi pour le moment. Tout ça à cause de mon petit égo qui resiste encore dans ses souffrances narcissiques ;o)<br /> <br /> C'est bien en observant cela que je peux capitaliser les leçons vécues, et tirer un apprentissage afin de ne pas répéter des erreurs passées. Pour penser autrement. Là, oui, c'est une démarche active et volontaire.<br /> <br /> Et pour répondre à ta dernière question, je crois que c'est précisément une façon de ne pas être prisonnier du passé. En allant au bout des choses je m'en libère. Mais je le répète, mon seul "choix" est de me laisser porter. Je n'ai pas l'impression de m'obliger à quoi que ce soit. C'est de là que viendra ma cohérence...<br /> <br /> Merci de m'avoir permis d'éclaircir cela :o)
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F
"Aller vers l'amour de l'autre", "quête spirituelle": j'avoue que ces expressions m'interpellent... Est-ce que cela signifie que tu transcendes l'événementiel en l'inscrivant dans un parcours personnel, en lui donnant un sens plutôt philosophique de quête du sens de ta vie?<br /> <br /> Ce serait une manière de capitaliser les leçons tirées de ton vécu, et d'investir pour aller plus loin dans la même direction. On voit bien aussi la consolation qu'une telle démarche procure.<br /> <br /> D'un autre côté, ne vas-tu pas te constituer prisonnier du passé en te plaçant sur une trajectoire dont tu te sentiras obligé de respecter la cohérence?
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C
"gâchis" pour qui ? Il est tellement difficile de faire le pas, de tout quitter que les conseilleurs devraient se poser la question. Si on fait cela, ce n'est pas gratuit, il faut en payer le prix et ce choix implique que tout ne vas pas comme ils espèreraient que ça aille. <br /> Rosalie, je comprends ton impression d'étouffement, cette vie faite de rêves et en même temps de déceptions dont il faut sortir. <br /> Nous avons tous le droit de vivre notre vie en dehors de l'avis de tout un chacun. <br /> J'ai eu la chance que mes parents, n'appréciant pas du tout mon mari, ont approuvé mon divorce ainsi que mes filles qui le craignaient énormément. On m'a même demandé comment j'avais fait pour "tenir" 13 ans. Il est vrai que cela m'a aussi aidée à passer ce cap difficile du constat d'échec de ma vie familiale. Nos parents doivent nous accompagner dans nos choix et c'est ce que je ferait pour mes filles sans les juger.
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P
Rosalie, on a aussi employé ce mot terrible de "gâchis" face à mes choix. Comme si c'était une erreur lourde de conséquences désastreuses. Les gens ne se rendent pas comptent de ce qu'ils disent...<br /> <br /> Je crois que tu as bien compris le déroulement du processus de sérénité: parvenir au pardon. C'est seulement à ce moment là qu'on est en paix profonde avec soi.<br /> <br /> Et non, tu n'étais pas du tout hors contexte ;o)
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R
Il est fort ton texte et il résonne en moi, très profondément. <br /> Ce que tu écris, je le vis. A la différence que mes parents considérent comme un "gachis" ce que j'ai fait en quittant mon mari, mes enfants. C'est encore trop violent pour eux.<br /> Ma nouvelle solitude m'a permis de me retrouver.<br /> Avant, j'étais trop absorbée entre la vie familiale, le boulot, les amis, les emmerdes...<br /> J'ai fait une sorte de tri et j'essaie de remonter aux racines de ce qui fait mon "moi" essentiel. Peut-être ce que j'avais enfoui pour ne pas être malheureuse.<br /> Alors, évidemment, ça remue pas mal de choses à l'intérieur !<br /> Je suis passée par différents stades : mon passé me fait souffrir, j'en veux à mes parents de ce qu'ils ont fait de moi, j'ai aussi le droit au bonheur...<br /> Je retrouve maintenant un peu plus de sérénité, car j'ai pris du recul par rapport à tout ça.<br /> Pour continuer ce cheminement, il me faut passer désormais à l'étape "pardon".<br /> <br /> Bien sûr, j'ai pensé à mes enfants, à mon mari. Lui comprend, parce qu'il a l'intelligence du coeur.<br /> Si mes enfants ne comprennent pas encore vraiment, ils constatent cependant que nos relations s'apaisent et que le dialogue se poursuit, malgré tout.<br /> <br /> J'aurais pu continuer comme avant. J'aurais pu continuer à faire semblant. Semblant d'être heureuse, semblant que tout va bien...<br /> J'aurais pu continuer comme de nombreuses femmes avant moi... comme ma mère, mes tantes, une de mes grands-mères et des tas d'autres...<br /> J'aurais pu. Mais, j'ai préféré donner ce coup de pied à un destin qui m'était devenu trop étroit.<br /> Et ça, encore aujourd'hui, dans certains milieux, ce n'est pas bien compris.<br /> <br /> Merci de m'avoir permis de l'écrire, même si j'ai l'impression d'être sortie du contexte.
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