Changement de point de vue
Je garde le souvenir douloureux et marquant de mes premières années de collège, avec quelques prolongations au lycée. Échec scolaire, pour des raisons obscures et complexes liées à ce qui a été qualifié de "blocage psychologique". Je restais désespérément hermétique à certaines matières considérées comme primordiales par mon père et le système éducatif de l'époque. Mes résultats étaient assez désastreux, déclenchant les colères de mon père et une fixation sur cet échec permanent. D'abord expédié vers une voie de sauvetage, dans une classe aménagée, cela a abouti à une mise à l'écart de mes amitiés antérieures. Revenu ensuite clopin-clopant dans le circuit normal j'ai dû redoubler suite à une absence de plusieurs mois pour cause de maladie. Nouvelle mise à l'écart et aggravation du ressentiment paternel, qui ne comprenait pas que je ne sois pas le meilleur après avoir redoublé. Apparemment avec l'idée de réveiller ma fierté il s'est mis en tête de me dénigrer et de m'humilier, pensant que je réagirais en lui prouvant que je pouvais réussir. C'était mal connaître les ressorts de mon psychisme: j'ai interprété son attitude au premier degré, considérant pour acquis que j'étais le dernier des nuls. Éventuelles réponses ci-dessous, ou m'écrire à: diariste(at)hotmail.com
Pour certains profs, sans doute dotés de la même finesse psychologique que mon père, j'étais perçu comme un mauvais élève « parce qu'il ne travaille pas » ! Même si moi je savais que c'était faux, ça ne comptait pas. Le prof avait l'ascendant du savoir et moi je n'étais pas cru: seuls les résultats comptaient. J'étais pour eux un de ces élèves insignifiant et desespérant qui se met dans son coin, discret, effacé, timide... Bien gentil mais qui reste insaisissable dans son mutisme.
Ces années amères ont contribué à me déstructurer en me renvoyant une image de moi particulièrement négative. Ma confiance en moi en a pris un sacré coup. Déjà qu'elle avait été salement amochée par le regard paternel...
Plusieurs décennies plus tard, je traîne encore les séquelles de tout ça.
J'ai quand même eu de bons profs, que j'aimais bien. Ils semblaient sentir qu'il y avait un problème quelque part et restaient encourageants. Je crois que je leur dois beaucoup... Hélas ils sont restés trop peu influents en regard de ceux qui ne m'appréciaient pas. Ils n'enseignaient pas les matières considérées comme "nobles". Bref, entre les profs et moi, ce n'est pas une histoire simple.
Pourquoi est-ce que je raconte subitement mes déboires scolaires ?
Et bien... parce que dans une surprenante inversion des rôles, voila que l'ex-mauvais élève que j'étais va prendre le rôle d'un prof ! Waouw... c'est à moi qu'il va incomber d'amener des jeunes à comprendre ce qu'ils doivent apprendre ! C'est moi qui vais être chargé de leur transmettre un savoir. Je vais me trouver face à une diversité d'élèves et devoir "sentir" leur façon d'apprendre, avec leurs particularités individuelles.
Changement complet de perspective.
Ce poste temporaire ne doit pourtant rien au hasard et n'est pas une totale surprise: l'an dernier j'avais lancé l'idée auprès d'un enseignant d'un établissement technique. Je prévoyais alors de m'orienter vers la formation d'adultes, mais pourquoi pas, aussi, auprès des jeunes. Je venais de terminer une formation de formateur, qui m'a apporté quelques bases de pédagogie. Cela a très certainement été un atout pour être accepté par la direction de l'établissement. Mon parcours atypique, la motivation dont j'ai fait preuve durant l'entretien, ont probablement fait le reste. Étant entendu que c'est surtout mon statut de professionnel qui me permet d'accéder à ce poste, et que de toutes façons il ne s'agit que d'un remplacement de quelques semaines...
Celui que je vais remplacer m'a expliqué un peu les matières techniques que j'allais avoir à enseigner, et j'ai accepté le challenge. Mais bon... va falloir que je révise un peu. En tant que professionnel assez pointu je ne connais pas tout ce que je suis censé transmettre. C'est parfois un peu écarté de ma spécialité.
J'ai accepté le défi, parce que je m'en sens capable, mais aussi parce que c'est une porte d'accès à l'expérience. C'est un pas vers ce qui me motive et m'attire: être en contact avec le monde, avec l'humain, avec l'éveil des consciences. L'équipe de direction l'a bien perçu de cette façon, et me donne ma chance.
J'ai accepté, sans hésiter malgré une certaine frousse inhibée par la motivation, parce que j'y étais prêt. Et aussi parce que je ne me laisse plus dominer par mes craintes. Je sais que la seule façon de ne plus avoir peur... c'est d'affronter la peur. Je sais que ce principe fonctionne et libère. Alors je me lance, confiant...
Il n'empêche que j'ai une petite trouille de me trouver devant ces élèves. Du CAP au BTS, l'éventail est large.
Il est prévu que je commence vendredi prochain !
Euh... là je m'adresse aux profs qui passeraient ici : vous auriez des conseils à prodiguer à un débutant ? Comment fait-on pour établir un bon contact dès la première heure ? Il parait que c'est déterminant...
Quels sont vos trucs anti-trac, comment captez-vous l'attention des élèves ? Toute suggestion qui pourrait m'être utile sera la bienvenue.