Le plongeon
Hier j'écrivais que je perdais le goût d'écrire, mais ça revient vite. Il suffit que je dispose d'un peu de temps et que j'aie deux ou trois choses à raconter pour que les doigts me démangent...
La semaine préparatoire de mes nouvelles fonctions d'enseignant a été chargée. Comme j'ai voulu faire bien les choses, ce qui est le minimum, j'ai bossé dur pour apprendre... ce que j'allais devoir apprendre à mes futurs élèves. Plonger les nez dans les cours que me transmettait le remplacé, plutôt inquiet de laisser ses élèves, tenter de comprendre comment il procédait dans ses méthodes pédagogiques. Et puis glaner quelques renseignements complémentaires sur internet, afin d'avoir un peu d'aisance dans mes connaissances...
M'imprégner aussi des conseils qui m'avaient été communiqués, me les approprier en laissant naître en moi ce qui m'était évocateur. Impossible de tout retenir, mais plutôt "sentir" les choses se mettre en place. En outre, j'ai profité d'une journée spéciale dans l'établissement pour en observer le fonctionnement, me glisser dans l'ambiance, rencontrer quelques professeurs.
Et vendredi c'était le grand plongeon. Prof !
Nuit un peu agitée, mais esprit plutôt confiant. Je ne dirais pas serein, mais sans stress trop marqué.
Entrée dans le saint des saint: la salle des profs. Vite, réunir dans le brouhaha les documents prévus pour les cours du matin, me remémorer les consignes données la veille. Sonnerie... et c'est parti mon kiki. Banzaï ! Me faufiler parmi ces élèves, autant de visage inconnus. Entrer dans une salle, m'installer au bureau du prof, devant le tableau et face aux tables encore vides. Gloups... « mais qu'est-ce que je fous ici ?? Par quelle folie ai-je accepté ?».
Ils rentrent. Ils me regardent un peu interrogatifs, chacun à leur tour. Le sous-directeur s'est proposé pour m'introniser pour chaque premier cours d'une nouvelle classe. Merci, ça m'aide un peu. Mais voilà, il sort déjà et c'est à mon tour, pour deux heures.
Quelques mots de présentation, puis m'y retrouver dans le travail que je dois leur donner à faire. Ai-je bien pris les fiches à leur donner ? Où ai-je mis la liste dont ils ont besoin ? Hum... je n'ai pas bien saisi comment procéder. Je me doutais bien qu'il y aurait des détails que le remplacé ne penserait pas à me dire, tant ils lui paraissent routiniers.
Allez... ça s'est pas trop mal passé avec ces jeunes de CAP (Certificat d'Aptitude Professionnelle). Malgré leur peu de répondant, pour ne pas dire leur apathie et regard fuyant. L'un d'eux savait à peine écrire... wow, ça surprend quand même, à 16 ans.
Intercours. Je me retrouve dans la salle des profs. Ambiance conviviale et détendue. On me demande mes impressions après le baptême du feu.
Mais déjà le deuxième round. À nouveau deux heures. Là je suis un peu plus inquiet: il s'agit de BTS (Brevet de Technicien supérieur) et le cours est nettement plus costaud. J'ai la frousse de "sêcher" devant une de leurs questions. Je ne connais qu'imparfaitement ce que je dois enseigner.
Finalement ça se passe très bien. Le sous-directeur est arrivé en retard, alors que j'avais déjà expliqué les raisons de ma présence aux élèves. Je m'étais très bien débrouillé tout seul. Ces grands gaillard et jolies jeunes filles sont intéressés, posent des questions, interviennent. Il y a du répondant, des regards, et je peux m'accrocher à ce relief, bien préférable à la lisse surface des précédents. Bon contact, ça me plaît !
Repas entre profs, me voila quasiment adopté.
Je reprends l'après-midi, presque déjà rôdé au cérémonial du premier cours. Cette fois avec une classe de Bac Professionnel. Un peu à mi-chemin entre les deux cours du matin. Participation modérée, sur sollicitation. Une certaine lourdeur morne. Là c'est un peu plus difficile parce que je n'ai pas de cours et ce sont eux qui commentent un travail préparé d'avance. Je m'appuie sur eux pour comprendre le déroulement de la méthode. Mais je ne peux rien apporter comme renseignement complémentaire, n'ayant pu préparer le travail faute d'indications. Tout d'un coup j'arrive au terme de ce que j'avais à leur faire faire... Zut, plus rien à dire ! Vague panique... que je leur explique. Par chance la sonnerie retentit à ce moment là. Pour un peu j'aurais pu éviter cette situation inconfortable...
La prochaine fois je saurai comment mieux préparer mon cours.
La dernière intervention, encore avec d'autres BTS, se déroule aussi bien qu'avec leurs collègues. J'aime bien ces classes, qui pourtant me demandent le plus de préparation. Je peux à la fois m'appuyer sur le cours préparé et y ajouter ma touche personnelle en puisant dans mes connaissances. Le cours n'en est que plus vivant. Quoique un peu tendu, j'avais le sourire et on a eu quelques échanges d'humour.
Voila, une première journée qui s'est plutôt bien passée. J'ai franchi l'épreuve du feu et suis débarassé de mon appréhension. Ou du moins elle s'est largement atténuée. Je me doute pourtant que ce premier jour me donnait l'avantage de la surprise, donc d'un calme circonstanciel.
Cependant je pense que j'ai pas mal pompé sur mes réserves, parce qu'en rentrant chez moi j'étais épuisé. Complètement vidé, je me suis endormi à peine arrivé. Faut dire que j'avais passé quelques jours à préparer tout ça, emmagasiner les renseignements, essayer de comprendre la logique de mon prédécesseur... Je crois que j'avais accumulé pas mal de tensions.
Ouais... c'est vrai que ça demande du travail de préparation d'être prof ! Dix-huit heures de cours par semaine, mais combien à la maison ? Je n'en doutais pas, mais de le vivre donne toujours une autre dimension.