Comme je l'ai mentionné hier, j'ai assisté à une conférence du philosophe André Comte-Sponville centrée autour de l'athéisme et de la spiritualité. Avec comme question centrale: « Peut-on se passer de religion ? ». Je vais m'efforcer de faire un compte-rendu subjectif des éléments qui m'ont le plus marqués, forcément accomodés à ma sauce selon ma sensibilité du moment et ma capacité à appréhender des concepts parfois désarmants. Le propos était dense, issu d'une réflexion aboutie, et je ne vais que très imparfaitement en rapporter les éléments essentiels, sans le talent de l'orateur pour les lier entre eux. Je vais pourtant développer assez largement le sujet, qui colle de près à un ressenti issu de mon évolution personnelle, davantage intuitif que rationnellement explicable.
Premier constat, notre chemin d'occidentaux est balisé par une spiritualité issue du christianisme. Que l'on soit athée ou croyant n'y change pas grand chose, nous avons les mêmes bases fondamentales. Cette culture est la notre depuis deux-mille ans. Elle s'ancre, et s'est bâtie, dans cette tradition chrétienne, elle même puisant dans le judaïsme. Elle est aussi gréco-latine et, quoique ces deux civilisations aient depuis longtemps disparu, nous sommes restés fidèles à nombre de leurs valeurs.
Second constat: il n'existe aucune société sans religion. Pour autant la question posée ne peut être évacuée: « peut-on se passer de religion ? ». Comte-Sponville répond en distinguant individu et société. A l'échelle individuelle, on peut s'en passer assurément. Les athées vivent aussi heureux ou malheureux que les croyants, et il n'y a pas dégénérescence de la morale de leur descendance.
Mais à l'échelle d'une société, est-ce imaginable de se passer de religion ?
L'étymologie, quoique contestée, attribue couramment la racine du mot religion à "religare", c'est-à-dire relier. Relier les croyant d'une même religion, et les relier à Dieu. Il en émane ce qu'on appelle communion: elle relie les êtres et permet de partager quelque chose. Partager ayant ici un sens particulier, puisque ce partage-là ne divise pas ce qui est partagé. Au contraire, c'est le partage même qui procure ou accroît le plaisir. Cette sensation de communion n'est d'ailleurs pas une exclusivité religieuse. Par comparaison, la communion est dans le partage du plaisir de manger un gâteau ensemble, et non pas dans le gâteau divisé. Il y a communion des esprits dans une action commune.
Il y aurait une autre étymologie, moins couramment avancée: le mot religion pourrait venir de "relegere", c'est à dire relire. Relire les même textes, fondateurs des mêmes valeurs. Avec une idée de fidélité à ces textes fondateurs. Et ainsi, on crée du lien. Relire ensemble relie, et on se relie pour relire ensemble.
Comte-Sponville se définit lui-même comme un athée non dogmatique fidèle.
Athée, parce qu'il ne croit pas en Dieu. Mais l'athéisme est pourtant bien une croyance: « Je crois que Dieu n'existe pas ». C'est une foi inversée, une foi en creux.
L'agnosticisme ("agnostos" = inconnu, inconnaissable) n'a pas de sens pour Comte-Sponville. L'agnostique dit « Je ne sais pas »... or c'est une évidence puisque personne ne sait ! On croit, mais on ne sait pas. Celui qui dit « Je sais que Dieu n'existe pas » est un imbécile... tout autant que celui qui affirme l'inverse. Le croyant et l'athée croient, mais ne savent pas. L'agnostique ne sait pas davantage, mais ne se positionne pas. Il se dit sans opinion. Or cette posture est intenable pour Comte-Sponville .
En apparence l'agnosticisme pourrait passer pour la position la plus raisonnable, mais elle reste dans l'inconfort de l'incertitude. Les sciences ne répondent pas aux questions les plus intéressantes (quel est le sens de la vie ? la vie vaut-elle la peine d'être vécue ?). Toute tentative de réponse sera donc teintée de croyance. Seul l'agnostique n'aura aucune réponse à apporter. Donner un sens à ce qu'il ne peut savoir revient à avoir une pensée positiviste.
Non dogmatique, parce que lucide: Comte-Sponville sait ne pas savoir, et n'a aucune vérité à proposer, ni, surtout, à imposer.
Fidèle, parce qu'il reste attaché aux valeurs morales, culturelles, spirituelles, transmises par la religion. La meilleure façon de rester fidèle aux valeurs que l'on a reçues, c'est de les transmettre à ses enfants parce qu'on les considère comme correspondant à un meilleur de l'homme.
Le mot "fidélité" vient de fides, la foi. La fidélité, c'est ce qui reste de la foi quand on l'a perdue. Autrement dit: les valeurs de la religion, mais sans la religion. En effet, pourquoi faudrait-il renoncer, en même temps qu'à Dieu, aux valeurs transmises par la religion ? Rien ne prouve que les religions ont besoin de Dieu pour subsister.
(à suivre)
Disons que je suis un peu obligée maintenant, je suis en Terminale.. :-)
Je voulais savoir si tu savais où se procurer des calendriers de conférences menées par des philosophes, sociologues.. au autres.. J'ai vu que tu avais assisté à celle de Comte-Sponville, (d'ailleurs résumé très intéressant).
Merci d'avance !
A +