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Alter et ego (Carnet)
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4 février 2007

Athéisme, religion, et spiritualité (3)

Suite et fin de mon compte-rendu. L'idée de le mettre en ligne sur une aussi grande longueur est peut-être un peu saugrenue, d'autant plus que ce sujet peut faire fuir dès les premières lignes. Je sais qu'il existe des allergies tenaces à certains mots... Néanmoins il me semble qu'il y a matière à réflexion, même si mes notes n'ont pas la cohésion d'un texte lié et abouti.


La dimension mystique de la spiritualité sans Dieu, d'après Comte-Sponville, se joue dans le rapport à l'infini, l'absolu, l'éternité. Pour lui on peut être mystique sans Dieu. Là où Spinoza parle d'un mysticisme sans mystère, Comte-Sponville rétorque: « N'ayons pas peur du mystère ». L'être est mystérieux, le monde est mystérieux. Il y a un rapport fini à l'infini, un rapport temporel à l'éternité, un rapport relatif à l'absolu. La spiritualité les appréhende non pas avec des mots, mais avec des silences. Avec des expériences révélatrices, dites mystiques. Ces expériences, que la psychologie appelle "états modifiés de conscience", font qu'un basculement se produit: ce n'est plus comme avant. On a une lucidité nouvelle. A ces moments-là on se sent davantage proche du vrai sens de la vie. On voit le vrai en face à face.

Voir le vrai en face à face, c'est connaître la suspension. Suspension du déjà connu, du déjà pensé, du déjà vu, de la banalité de tout. Considérer que le monde est là semble être une évidence. Une banalité. Mais est-ce vraiment le cas ? N'est-ce pas le fait que le monde soit là qui est mystérieux ? Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? C'est la question de l'être qui se pose, la seule question qui demeure. Pourquoi c'est ? On peut chercher toutes les explications, vouloir remonter d'un niveau à chaque fois, on ne fera que transférer la question de l'être. Pourquoi la vie ? Pourquoi le big bang ? Pourquoi Dieu ? Pourquoi quelque chose plutôt que rien ?

L'être est inexplicable, donc foncièrement mystérieux. On est au coeur du mystère. L'être est à la fois évident et mystérieux.

Face à ces questions sans réponse, Comte-Sponville énumère quelques suspensions à mettre en oeuvre pour s'approcher de la plénitude, de la sérénité, de l'éternité, de la paix intérieure. Suspendre le manque, qui nous fait vouloir davantage d'argent, de plaisir, d'amour... Or la plénitude c'est ne manquer de rien. Non pas en possédant davantage, mais parce que la question ne se pose plus. Mettre entre parenthèse le logos, c'est à dire faire silence en soi : ne pas chercher à comprendre ni expliquer. Suspendre la séparation entre soi et soi, entre soi et l'autre. Être relié. Suspendre le temps. Vivre seulement le présent. Le présent qui reste présent, c'est l'éternité. N'avoir peur de rien, c'est la sérénité. Suspendre les jugements de valeur face à ce qui se passe. Tout est. Dire oui à tout. Suspendre les doctrines, les idéologies, les maîtres à penser, c'est accéder à l'indépendance.



Comte-Sponville considère que nous sommes déjà sauvés, mais que nous sommes aussi déjà perdus. Le salut et la perte vont ensemble. L'enfer et le paradis sont une seule et même chose: c'est le monde. Selon Spinoza « la béatitude est éternelle ». La béatitude ne commence pas un jour. Pour le boudhisme la béatitude s'appelle Nirvana, tandis qu'une vie ratée se nomme Samsara. Nagarjuna dit « Tant que tu fais une diférence entre Nirvana et Samsara, tu es dans le Samsara ». Ce qu'on peut traduire dans notre culture occidentale par «Tant que tu fais la différence entre le paradis et l'enfer, tu es en enfer ».
La spiritualité sans Dieu, c'est vivre au présent.

En résumé, Comte-Sponville opte pour une spiritualité de fidélité plutôt que la foi, l'amour plutôt que l'espérance, le présent plutôt que la résurection à venir.


André Comte-Sponville à répondu, à la fin de sa conférence, à quelques questions de l'auditoire, j'en retranscrits quelques bribes, comme autant d'amorces de réflexion.

- Lui qui a rencontré Soeur Emmanuelle, et parlant de l'Abbé Pierre, reconnaît sur le ton de la boutade un fait établi : les saints athées, ça n'existe pas ! Il admet que la foi aide les exceptions, ces personnes qui passent leur vie à aimer les autres. Quant aux prières... elles aident assurément ceux qui y croient !

- Pour ce qui est de l'idée que Dieu aurait créé l'homme à son image... elle ne peut que faire douter du modèle, s'amuse Comte-Sponville. Nous sommes davantage des singes exceptionnellement doués que proches du Dieu duquel nous voudrions ressembler. A ce jeu-là, si Dieu nous voit, nous sommes des nuls.

- Un athée chrétien (ou chrétien athée) n'est pas coupé de ses racines: il leur reste fidèle. Pour autant, il ne lui semble pas important de se poser une question à laquelle personne ne peut répondre. Que Dieu existe ou pas n'a pas d'importance pour la conduite à tenir. Faudrait-il soumettre son comportement à une question qui n'aura pas de réponse ? En fait... qu'est-ce que Dieu vient faire là dedans ?

- De plus en plus, avec l'effacement de la suprématie religieuse, la charge de la morale revient à l'individu. Nous sommes de plus en plus individualistes et cette évolution ne cessera pas. L'individualisme pour le pire et le meilleur. Le droit de l'individu devient plus précieux que celui du groupe. Cette pente, on peut la suivre en la remontant. L'individualisme s'ouvre alors à l'universel: c'est l'humanisme. Si on suit la pente en descendant, on arrive à l'égoïsme. Nos sociétés vont vers l'individualisme et la mondialisation. Il apparaît un individualisme en réseau, et Comte-Sponville évoque internet. Écrire sur internet, communiquer, partager, c'est de l'individualisme universaliste, mondialisé. L'individualisme à l'échelle du monde. Il y voit l'inverse du consummérisme égoïste.

Commentaires
G
Ne pensez-vous pas que tout est lié ? Le fait de ne pas pouvoir expliquer rationnellement comment nous sommes arrivés jusqu'à ce jour crée le mystère. Faute de réponse, nous inventons un dieu qui détient la réponse mais entretient le mystère ! C'est la situation "PAT" ou... le cercle vicieux !<br /> Nos aïeux avaient besoin, pour les aider à endurer les horreurs d'ici-bas, d'imaginer un au-delà qui comblait tout ce qui leur manquait : amour, paix, connaissances, éternité... Les religions et les églises se sont nourries de tous ces rêves éveillés jusqu'à atteindre la puissance que nous savons.<br /> La science a fait son apparition et s'est développée grâce à un "Yalta" vertical : l’au-delà aux églises, l’ici-bas aux scientifiques… et les vaches sont bien gardées ! <br /> Le mur s’appelle d’un côté : libre arbitre ou non intervention des dieux dans nos affaires et de l’autre : hasard, vitesse de la lumière…! Combien de temps résistera ce mur ? Cela ne dépend que de nous et de notre capacité à faire reculer… le mystère !<br /> Les scientifiques, pour le franchir, devront unir leurs connaissances de spécialistes et comprendre que l’on n’attrape pas de l’eau avec une épuisette ! <br /> En effet, comment nos appareils, issus du big-bang, constitués de lumière décomposée, pourraient capter des éléments plus fins ? Le contraire serait un mystère ! Seules, les plus subtiles de nos pensées, peuvent franchir ces contrées sauvages… ou mystérieuses ! Encore faut-il ne pas mettre le hasard à toutes les sauces ! <br /> Tant que nous sommes incapables d’établir la moindre relation de cause à effet hors de notre micro-bulle spatio-temporelle, délimitée, dans le temps par notre naissance et notre mort, dans l’espace par notre planète et les gesticulations de nos engins spatiaux, nous restons soumis au mystère !…<br /> <br /> Bonne nuit !
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A
Je rejoins plutôt Pierre, les dieux ont généralement "répondu à tout", et pour bien des gens c'est encore ainsi... ("c'est dieu qui l'a voulu..." entend-on le plus souvent). <br /> L'autre utilité de dieu est la possibilité d'exercer des pouvoirs de domination en son nom !<br /> <br /> si dieu n'existe pas il faut vite et toujours l'inventer et le réinventer !
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P
Pivoine, justement il me semble que "l'invention" de Dieu permet de répondre à bien des mystères. Il en reste, mais ça en fait moins. Rien n'est démontrable, mais il y a "explications". <br /> Et si on en disserte c'est bien parce que ces explications ne résistent pas à la raison.<br /> <br /> Pour ma part je ne compte pas sur la mort pour lever le mystère, parce que si je n'ai pas de réponse, il sera trop tard pour y penser ;o)
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P
L'homme n'aime pas les mystères ? Alors, pourquoi a-t-il "inventé" Dieu et/ou les dieux (puisque c'est lui qui aurait inventé Dieu par besoin de trouver une réponse à ses questions). Or, nous voyons bien que Dieu n'apporte pas de réponse (tangible et sûre, démontrable comme 4 x 1 et 1 x 4 = 4) <br /> <br /> Alors ? Il y a contradiction là... Il me semble que s'il n'y avait pas mystère, nous ne serions pas là à disserter sur ce qu'est la croyance ou non. <br /> <br /> Non, le mystère n'est pas confortable, mais il nous colle à la peau pour tout ce qui est insaisissable et non quantifiable. Il ne sera levé (je l'espère et ce serait sûrement plus confortable si c'était la fin de tout qu'une survie éventuelle) qu'à la mort. Tout en restant entier pour les vivants... <br /> <br /> Vous vous imaginez un au-delà (éternel qui plus est), où nous continuerions de nous rencontrer et de nous commenter entre blogueurs? Lol... Voilà qui serait amusant !!!
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P
Alain, je dois dire que ces questions de spiritualité ont été très loin de mes préoccupations pendant longtemps. J'y reviens depuis quelques temps parce que j'ai été "interpellé" par divers évènements ou rencontres. En fait les questions qui me viennent ne me posent pas de problème. C'est plutôt une interrogation flottante, qui se manifeste de temps en temps, et l'agnosticisme correspond bien à cette période où aucun choix ne m'importe. Lorsque je deviendrai chenu, il se peut que je ressente un besoin de choisir de façon plus affirmée.<br /> <br /> Merci pour tes mots...
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A
J'ai oublié de dire un truc !<br /> BRAVO pour ton résumé assez fidèle de la pensée actuelle de Comte-Sponville, dont j'ai lu pas mal d'ouvrages.
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A
Pierre, lorsque j'étais dans ma phase agnostique, je tournais en rond... Je me suis dit qu'il fallait opter. <br /> Ca ma redonné vigueur !!<br /> Cela dit... demain... on verra bien...<br /> <br /> L'important est que cela "fasse sens pour soi"<br /> enfin c'est ce que je me dis...
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P
D'accord avec toi, Alainx, pour dire que l'humain n'est pas confortable avec le mystère (le vrai mystère, pas celui des sciences occultes et autre fariboles). Les diex sont effectivement assez commodes pour y répondre.<br /> <br /> L'athéisme plus bandant que l'agnosticisme ? Ça se défend... mais je n'en suis pas encore convaincu. Le "rien" est pour moi une réponse tout aussi démystifiante que "dieu". Mais j'ai le temps de voir et de changer d'avis...
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A
Croire un pari ?<br /> Je ne suis pas joueur à ce niveau là...<br /> Et puis l'enjeu est, soit trop important, soit trop dérisoire...<br /> <br /> Je préfère l'épaisseur du Mystère... qui entraine à bien d'autres questions plus passionnantes concernant l'Homme.<br /> <br /> Mais ce dernier n'aime quère le Mystère... Il préfère s'inventer des dieux-réponse-à-tout...<br /> <br /> Seul l'acte de foi consistant à dire : "je crois que dieu n'existe pas" permet l'approche du mystère...<br /> Bien plus bandant !
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P
Oui Pivoine, croire ou ne pas croire est bien une sorte de pari... dont on n'aura jamais la solution.<br /> <br /> Ce qui est intéressant dans ce pari, c'est de voir par quel cheminement on passe de l'un à l'autre. Comment le croyant de vient athée, et comment l'athée devient croyant. Eux doivent pouvoir dire ce qui les a fait basculer.<br /> <br /> Merci pour le lien, je ne connaissais pas ce personnage.
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