Suite et fin de mon compte-rendu. L'idée de le mettre en ligne sur une aussi grande longueur est peut-être un peu saugrenue, d'autant plus que ce sujet peut faire fuir dès les premières lignes. Je sais qu'il existe des allergies tenaces à certains mots... Néanmoins il me semble qu'il y a matière à réflexion, même si mes notes n'ont pas la cohésion d'un texte lié et abouti.
La dimension mystique de la spiritualité sans Dieu, d'après Comte-Sponville, se joue dans le rapport à l'infini, l'absolu, l'éternité. Pour lui on peut être mystique sans Dieu. Là où Spinoza parle d'un mysticisme sans mystère, Comte-Sponville rétorque: « N'ayons pas peur du mystère ». L'être est mystérieux, le monde est mystérieux. Il y a un rapport fini à l'infini, un rapport temporel à l'éternité, un rapport relatif à l'absolu. La spiritualité les appréhende non pas avec des mots, mais avec des silences. Avec des expériences révélatrices, dites mystiques. Ces expériences, que la psychologie appelle "états modifiés de conscience", font qu'un basculement se produit: ce n'est plus comme avant. On a une lucidité nouvelle. A ces moments-là on se sent davantage proche du vrai sens de la vie. On voit le vrai en face à face.
Voir le vrai en face à face, c'est connaître la suspension. Suspension du déjà connu, du déjà pensé, du déjà vu, de la banalité de tout. Considérer que le monde est là semble être une évidence. Une banalité. Mais est-ce vraiment le cas ? N'est-ce pas le fait que le monde soit là qui est mystérieux ? Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? C'est la question de l'être qui se pose, la seule question qui demeure. Pourquoi c'est ? On peut chercher toutes les explications, vouloir remonter d'un niveau à chaque fois, on ne fera que transférer la question de l'être. Pourquoi la vie ? Pourquoi le big bang ? Pourquoi Dieu ? Pourquoi quelque chose plutôt que rien ?
L'être est inexplicable, donc foncièrement mystérieux. On est au coeur du mystère. L'être est à la fois évident et mystérieux.
Face à ces questions sans réponse, Comte-Sponville énumère quelques suspensions à mettre en oeuvre pour s'approcher de la plénitude, de la sérénité, de l'éternité, de la paix intérieure. Suspendre le manque, qui nous fait vouloir davantage d'argent, de plaisir, d'amour... Or la plénitude c'est ne manquer de rien. Non pas en possédant davantage, mais parce que la question ne se pose plus. Mettre entre parenthèse le logos, c'est à dire faire silence en soi : ne pas chercher à comprendre ni expliquer. Suspendre la séparation entre soi et soi, entre soi et l'autre. Être relié. Suspendre le temps. Vivre seulement le présent. Le présent qui reste présent, c'est l'éternité. N'avoir peur de rien, c'est la sérénité. Suspendre les jugements de valeur face à ce qui se passe. Tout est. Dire oui à tout. Suspendre les doctrines, les idéologies, les maîtres à penser, c'est accéder à l'indépendance.
Comte-Sponville considère que nous sommes déjà sauvés, mais que nous sommes aussi déjà perdus. Le salut et la perte vont ensemble. L'enfer et le paradis sont une seule et même chose: c'est le monde. Selon Spinoza « la béatitude est éternelle ». La béatitude ne commence pas un jour. Pour le boudhisme la béatitude s'appelle Nirvana, tandis qu'une vie ratée se nomme Samsara. Nagarjuna dit « Tant que tu fais une diférence entre Nirvana et Samsara, tu es dans le Samsara ». Ce qu'on peut traduire dans notre culture occidentale par «Tant que tu fais la différence entre le paradis et l'enfer, tu es en enfer ».
La spiritualité sans Dieu, c'est vivre au présent.
En résumé, Comte-Sponville opte pour une spiritualité de fidélité plutôt que la foi, l'amour plutôt que l'espérance, le présent plutôt que la résurection à venir.
André Comte-Sponville à répondu, à la fin de sa conférence, à quelques questions de l'auditoire, j'en retranscrits quelques bribes, comme autant d'amorces de réflexion.
- Lui qui a rencontré Soeur Emmanuelle, et parlant de l'Abbé Pierre, reconnaît sur le ton de la boutade un fait établi : les saints athées, ça n'existe pas ! Il admet que la foi aide les exceptions, ces personnes qui passent leur vie à aimer les autres. Quant aux prières... elles aident assurément ceux qui y croient !
- Pour ce qui est de l'idée que Dieu aurait créé l'homme à son image... elle ne peut que faire douter du modèle, s'amuse Comte-Sponville. Nous sommes davantage des singes exceptionnellement doués que proches du Dieu duquel nous voudrions ressembler. A ce jeu-là, si Dieu nous voit, nous sommes des nuls.
- Un athée chrétien (ou chrétien athée) n'est pas coupé de ses racines: il leur reste fidèle. Pour autant, il ne lui semble pas important de se poser une question à laquelle personne ne peut répondre. Que Dieu existe ou pas n'a pas d'importance pour la conduite à tenir. Faudrait-il soumettre son comportement à une question qui n'aura pas de réponse ? En fait... qu'est-ce que Dieu vient faire là dedans ?
- De plus en plus, avec l'effacement de la suprématie religieuse, la charge de la morale revient à l'individu. Nous sommes de plus en plus individualistes et cette évolution ne cessera pas. L'individualisme pour le pire et le meilleur. Le droit de l'individu devient plus précieux que celui du groupe. Cette pente, on peut la suivre en la remontant. L'individualisme s'ouvre alors à l'universel: c'est l'humanisme. Si on suit la pente en descendant, on arrive à l'égoïsme. Nos sociétés vont vers l'individualisme et la mondialisation. Il apparaît un individualisme en réseau, et Comte-Sponville évoque internet. Écrire sur internet, communiquer, partager, c'est de l'individualisme universaliste, mondialisé. L'individualisme à l'échelle du monde. Il y voit l'inverse du consummérisme égoïste.
tant sur le plan intellectuel qu'à travers ton état d'esprit.
Je suis sensible à ta démarche qui vise avant tout à partager...
et à retranscrire la pensée complexe d'un philosophe...comme C. Sponville.
En ce qui me concerne, je fais comme toi, je trouve que ce qu'il a à dire vaut la peine d'être écouté, réfléchi, et mûri.
Qu'y a -t-il au fond dans notre existence qui mérite autant notre attention ?
Autour de tout ceci me viennent deux choses à l'esprit...
Cette perle de Brassens :
"Si l'Éternel existe, en fin de compte, il voit
Que je me conduis guère plus mal que si j'avais la foi."
qui reprend certains points de vue de sponville et...
l'apport de la philosophie pour la pensée politique...
(qui fait de plus en plus cruellement défaut...)
C'est à dire l'organisation d'un système où ce n'est plus Dieu qui crée l'homme à son image mais l'homme lui même...
par ce que dans l'ici maintenant il met en place.
allez j'arrête, c'est dimanche :)
mais je voulais te remercier.