Après avoir longuement rapporté les propos d'un philosophe, je vais essayer de décrire ce qu'a éveillé en moi sa pensée. Il ne m'est pas très facile d'évoquer ce genre de sujets sensibles qui peut amener à des jugements à l'emporte-pièces (verbalisés ou muets) mais je me lance. Toujours avec l'idée que le partage de pensées peut aider chacun à avancer sur son propre chemin de réflexion. A lire donc comme un témoignage de celui qui croit quelque chose et l'expose, et non comme une vérité de celui qui croit savoir...


Le premier point de divergence avec Comte-Sponville, c'est que je ne le suis pas dans son affirmation que « l'espérance rend malheureux ». Si je conçois bien que l'espoir puisse parfois trahir une inquiétude, donc une souffrance (ce dont j'ai amplement fait l'expérience), en revanche je ferais une nuance avec l'espérance. Dans mon acception personnelle des deux termes, l'espoir est une attente [Larousse > "état d'attente confiante"], tandis que l'espérance s'ouvre vers une vision d'avenir [Larousse > "attente confiante de quelque chose"]. Le terme "confiant" ramène bien à l'idée de foi: croire que ce que l'on attend va se réaliser.
Il y a deux façons d'attendre: rester immobile et passif (attentiste) ou agir pour un but dont on escompte des résultats. [Étymologie de attendre > être attentif, tendre vers, guetter]. Je ne vois pas l'espérance comme une attente douloureuse, qui puisse rendre malheureux. Plutôt comme une orientation, un projet de vie qui commence et se renouvelle à chaque instant. Bien que l'espérance me pousse à agir en vue d'un avenir souhaité, c'est au présent que je la vis.

Je cherche, et trouve, sur mon parcours de vie une espérance éclairée qui m'inspire, m'aspire, me porte et oriente mes agissements. Elle me guide et donne un sens à la vie. A ma vie.


La seconde différence avec Comte-Sponville, c'est que je ne suis pas athée. Ni croyant d'ailleurs. Surtout pas croyant en un Dieu tel que nous le présentent les religions du Livre. Si "quelque chose" existe, je ne perçois pas du tout cela tel que c'est décrit. En même temps, puisque je crois que la vie à un sens, je ne saurais affirmer qu'il n'y a rien. Un sens, c'est quelque chose. Ne pouvant trancher, je me situe donc dans l'agnosticisme, bien conscient des limites de cette posture indéterminée. Mais bon... pourquoi me déterminer ? J'ai bien le temps de voir ce que la vie va m'enseigner. J'ai l'impression qu'aussi longtemps que je resterai ouvert je pourrais évoluer librement.
Ne croyant ni en Dieu ni en un rien qui ferait que la vie n'aurait aucun sens, j'ai pourtant besoin de savoir où aller... Je vais donc dans une certaine direction, que j'estime être "le bon sens de la vie". J'oriente mes choix et mes actes en fonction de ce sens. Je crois que c'est le sens de l'humanité. J'y vois un sens lié à l'amour de charité, l'altruisme, l'humanisme, avec tout le dépassement de soi que ça peut impliquer. Pour reprendre la phrase rapportée par Comte-Sponville, je suis tenté de dire que je fais le choix de « l'amour plutôt que rien ». Ou l'amour plutôt que la haine.

Pour toutes sortes de raisons, peut-être issues de ma culture, je me sens mieux dans l'amour que dans la haine. Et c'est cela mon guide: je me sens mieux en aimant qu'en haïssant. En accueillant qu'en rejetant. Je me sens mieux à ma place en communion d'amour qu'en communion de haine. L'amour rend heureux, construit quelque chose, donne le sourire, tandis que la haine fait sa grimace hideuse et détruit. L'amour réunit et apporte la paix, la haine sépare et engendre la guerre. Selon moi l'un va dans le bon sens, l'autre dans le mauvais sens. Et cela parce que je le ressens en moi de l'intérieur. L'amour se vit au présent, apporte le bonheur, la béatitude, la félicité, la plénitude de l'instant. Expérience partagée universellement, même si éphémèrement.

L'amour humain est mon espérance, ma lumière, mon guide. Hum... je n'irai pas au delà dans mon lyrisme, par crainte d'une ressemblance difficilement supportable avec un discours religieux... Dommage que l'église ait accaparé ce discours en le plaquant sur un déisme anthropomorphique culpabilisant. L'église à fait beaucoup de mal au Dieu qu'elle prétend honorer...

Les chrétiens disent que Dieu est amour. Alors s'il est amour, ils ne font qu'un. Dieu est un concept, et n'existe pas en tant que tel, seul l'amour existe, se vit, se ressent, se partage.


C'est quoi Dieu ?
Petit détour du côté de l'étymologie. La racine est indo-européenne: *dei- signifie briller, qui a servi à désigner a) le ciel lumineux considéré comme divinité, les êtres célestes, par opposition aux hommes, terrestres par nature. b) la lumière du jour, et le jour.

Dieu = lumière.

Les grecs ont utilisé le mot théos (qui à donné Zeus), signifiant "esprit". En dérive le mot enthousiaste, "être inspiré par la divinité", et le mot apothéose, "divinisation".
Les romains ont forgé "ju-pater" (Jupiter), soit "dieu-père", et plus précisément "jour-père". En a dérivé Jovis, qui a donné joie. Les chrétiens n'ont donc rien inventé...

Pourquoi les hommes ont-ils eu besoin d'incarner cette "lumière" en des personnages ? Pourquoi ont-ils inventé ces causes extérieures alors que c'est un ressenti intérieur qui donne le sens du "bon" et du "mauvais" ? Je ne me lancerai pas dans cette analyse, je n'en ai pas les compétences, mais j'y vois une façon habile et toujours en usage de se déresponsabiliser. « C'est pas ma faute, c'est celle de l'autre, ou celle des dieux ». Homme victime, homme immobile dans sa médiocrité. Je le connais bien celui là...

Ce dieu externe à moi-même ne me convient pas. Si lumière il y a, elle n'est pas en dehors de moi. Et pareillement pour la noirceur. Ce n'est pas une voix extérieure qui peut me dire quel est le sens de la vie, ou de ma vie. Quoique... Ce sens il m'apparaît jour après jour, par des expériences personnelles. Quoique... une expérience mystique éclairante ne soit pas dénuée d'effet puissants...
Il m'apparaît aussi dans le partage avec autrui : le sens que chacun donne à sa vie, par le ressenti que j'en ai, m'aide à trouver le mien. Ma lumière est en moi, mais aussi dans ce qui émane de la lumière des autres. Et l'amour, c'est partager, donner, recevoir cette lumière. La haine, c'est laisser notre noirceur profonde se développer et s'étaler. La haine, ou rejet de l'autre, est plus facile que l'amour. Pas surprenant qu'elle prolifère si aisément...

Le sens de ma vie est dans un partage, qui, selon moi, contribue à faire "avancer" l'humanité. Je considère que ma part d'humain, mon rôle sur cette terre, c'est de contribuer à ce que l'homme devienne plus lumineux en lui-même. Et pour cela, je dois commencer par faire la lumière en moi, qui suis empli d'obscurité. Plus je serai lucide avec moi-même, et moins je transmettrai mon obscurité, mon obscurantisme, ma noirceur. L'éveil de mon esprit ne peut qu'apporter un bénéfice (certes infime...) à l'humanité, et notamment par ce que je transmettrai à mes enfants, eux-même garants de leur descendance.

Est-ce que je penserais ainsi si je n'avais pas reçu une éducation de culture chrétienne ? Je ne sais pas... Mais il est certain que les religions n'apportent pas que de l'inutile.

Est-ce que tout cela à un sens dans la marche de l'univers, sur ce grain de poussière qu'est la terre, qui elle-même n'existe que pour un instant dans l'éternité ? Je reconnais que mon agnosticisme n'apporte aucune réponse. Ce que je sais c'est que durant cette étincelle de vie apparue dans l'immensité infinie du vide intersidéral vivent des humains, pour un temps qui leur paraît long, et que cette vie est tout ce qu'ils possèdent. Je sais aussi que ces humains cherchent toute leur vie cette "lumière" qui leur apporterait la paix intérieure et la sérénité. Je sais enfin que l'amour est la chose la plus douce qui soit pour moi, tandis que la haine me blesse.

Voila, tout cela ça n'a aucun sens à l'échelle de l'univers, mais c'est tout le sens de la vie de l'humain. Et voila pourquoi je ne suis pas athée, mais plein d'espérance. Et ce, quelle que soit la face sombre du monde, désespérante d'une noirceur contaminante que j'évite de trop regarder.