Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
1 avril 2007

Ni regrets, ni excuses

Il y a quelques jours Coumarine à parlé du pardon et des excuses, sujet qui m'intéresse de près depuis que j'ai rencontré quelqu'un pour qui les regrets et les excuses « ne servaient à rien ». J'en avais été sidéré, trouvant cette attitude extrêmement dure dans une relation. Comme si on n'avait pas le droit à l'erreur !
Finalement ma pensée avait cheminé et j'avais fini par comprendre le côté potentiellement pervers des demandes de pardon et d'excuses. J'ai retrouvé ce que j'écrivais à cette époque:

« Les excuses et les regrets, selon ce que je ressens si j'adopte un mode de fonctionnement débarrassé de culpabilité... n'ont plus lieu d'être. En fait c'est la culpabilité qui crée les regrets et les excuses. Et excuser l'autre c'est, d'une certaine façon, reconnaître qu'il a fait une faute (donc coupable) et disposer du pouvoir de l'absoudre (de ses pêchés, amen). C'est aussi "l'autoriser" tacitement à récidiver, puisqu'il sait qu'il pourra à nouveau être absous un certain nombre de fois... Et en fait ça encourage presque à trouver les limites d'acceptation de l'autre. Donc, ça encourage à laisser traîner les choses en longueur.

Autre effet néfaste, dans l'autre sens: disposer du pouvoir d'excuser ou non est fondamentalement dangereux. Parce que si excuses et culpabilité sont liés, alors il devient très facile de "jouer" sur la culpabilisation de l'autre. Et ce pouvoir d'absolution (d'excuse) permet de soumettre l'autre.

Dans le genre "si tu es gentil, alors je t'excuse".

Alors je crois que je commence à percevoir les effets pervers des excuses/regrets...»

A la relecture je trouve que ma réflexion était incomplète. Ce qui m'apparaît comme important, maintenant, c'est de bien faire la distinction entre l'idée de faute (ou avoir tort) et celle d'erreur (ou s'être trompé). Or bien souvent on confond les deux dans une logique culpabilisante qui cherche à trancher entre "tort" et "raison". C'est évidemment stupide...

Important aussi de distinguer pardon et excuses formulés par rapport à un présent en mouvement ou bien rapportés à une action définitivement passée. Autrement dit : savoir si les regrets sont formulés pour adoucir une situation susceptible de se reproduire (et éventuellement en faire un usage perverti) ou comme réelle reconnaissance d'erreurs passées. Je pense en particulier au rôle des parents quant à l'acceptation de leur responsabilité dans des souffrances enfantines.

Pour ma part ce qui m'importe n'est pas que l'on formule des regrets, des excuses ou une demande de pardon, mais bien que soit reconnu le préjudice que j'ai ressenti. Peu importe la formulation, et inutile de recourir à des voies humiliantes, mais simplement que l'autre reconnaisse que quelque chose venant de lui m'a fait du mal. Et qu'il en soit tenu compte. Parfois il suffit d'une écoute attentive de mon ressenti, sans contestation, pour que je me sente entendu dans ma peine. Il suffit de peu... mais c'est essentiel.

Je me souviens d'un épisode révélateur : deux personnes avec qui j'avais des discussions approfondies et confiantes ont un jour, ensemble, porté un jugement assez dur sur ma façon d'être. Il en avait résulté une dispute véhémente. J'avais été blessé, trouvant injustes et dévalorisants les griefs qu'on me faisait. Peu de temps après l'une des deux personnes est revenue vers moi, s'excusant pour son attitude, regrettant de s'être laissée emporter. Bien évidemment cette "reconnaissance" sincère d'une erreur à guéri immédiatement ma blessure, et a même abouti à renforcer le lien de confiance, qui dure toujours. L'autre personne ne s'est jamais excusée, n'a donc rien reconnu du préjudice qu'elle avait pu me causer... Et si ensuite elle est parfois revenue vers moi, comme si de rien n'était, je me suis toujours maintenu à distance. Ouvert, réceptif et accueillant, mais méfiant. Quelque chose nous sépare. Autant j'oublie très vite l'origine d'une blessure soignée, autant je garde indéfiniment la trace d'une cicatrice jamais apaisée. Je pense pardonner aisément, mais pas sans un geste de l'autre.

Alors oui, les excuses peuvent effectivement être une forme de manipulation perverse utilisée pour adoucir les angles afin de mieux récidiver, et il faut y rester vigilant. En revanche les excuses sincères, signe de reconnaissance d'une erreur, me semblent être fondamentales pour la confiance relationnelle. On ne peut être en relation sans risquer de se blesser occasionnellement, mais avoir l'humilité de reconnaître cette faillibilité en soi qui conduit à faire des erreurs c'est aussi accepter de ressentir une nécessaire responsabilité. En étant "engagé" dans une relation on est bien responsable d'une moitié du chemin qui nous lie à l'autre.

Encore faut-il savoir discerner responsabilité et culpabilité, et ne pas oublier la première sous prétexte de refuser la seconde. J'ai l'impression que beaucoup de complications relationnelles se jouent autour de ces nuances mal définies... [voir ma note à ce sujet : Responsable mais pas coupable]


Ceci dit, avoir besoin d'une reconnaissance de préjudice, n'est-ce pas faire l'aveu implicite d'un manque d'estime de soi ? N'est-ce pas aussi attendre de l'autre qu'il se plie à mes fragilités ? N'y a t'il pas là aussi une possibilité de manipulation en se montrant abusivement victime ? Jusqu'où peut-on être "responsable" du mal-être existentiel de l'autre ? Les excès sont possibles dans les deux sens...

Ne se sentir responsable que de soi, et ni coupable, ni responsable des ressentis de l'autre, n'est-il pas le signe d'une suffisamment bonne confiance en soi ?

Comme bien souvent il y a pour chaque tentative de réponse une nouvelle question qui apparaît. Je vous laisse cogiter là-dessus, si ça vous inspire...

ecorce_sequoia

Écorce de séquoia : crevassée, mais tendre et douce au toucher

Commentaires
P
C'est exactement ça, Pixylle ;o)
Répondre
P
Avec le temps et l'expérience on finit par comprendre que l'interprétation est subjective. De cette façon, on cesse de laisser tous et chacuns venir nous ébranler, nous déstructurer comme tu le dis. <br /> Aussi, pour pouvoir accueillir ce que les autres ont comme réalité, il faut s'être fait de la place à soi-même au préalable.
Répondre
P
J'aime bien cet éclairage que tu apportes, Pixylle... Je dirais que le plus important c'est de se sentir en accord avec soi. Il se peut que parfois ça passe par un "avoir raison", si reconnaître ses erreurs devait entraîner à une destructuration d'un cadre de certitudes perçues comme nécessaires. Parfois la "relation avec soi" passe peut-être avant la relation avec autrui... Question de "survie", tout à fait légitime.
Répondre
P
Merci de me souhaiter la bienvenue Pierre,<br /> <br /> En fait, je crois que tout se trouve dans l'attitude avec laquelle on aborde les autres. Il faut tous faire un examen de conscience à savoir ce qui est le plus important à nos yeux? Avoir raison ou avoir une relation?
Répondre
P
Merci Pixylle et bienvenue. Oui, bien se connaître, et savoir se respecter soi-même, permet de mieux respecter l'autre et le lien qui nous unit...<br /> <br /> En même temps, cette connaissance de soi se construit généralement dans le rapport à l'autre, dans la part d'inconnu et de déstabilisation qu'il apporte. Et accepter cette déstabilisation n'est pas chose facile, ce qui conduit à ces réactions de rejet ou de repli des deux premières options.
Répondre
P
Il faut bien se connaître pour fixer les limites dans lesquelles on peut conserver son équilibre. Se respecter soi-même n'est pas égale à un manque de respect envers moi ou envers les autres. Si on veut créer des échanges harmonieux dans nos vies, il faut trouver le moyen de faire la paix. Dans le petit énoncé ci-bas, il y a matière à réflexion. <br /> <br /> Un proche emprunte un short pour nager. Quand il le ramène, il est tout décoloré. Comment réagissez-vous ?<br /> <br /> 1. Vous ne dites rien, même que vous êtes en colère et peiné qu’il n’a pas pris la peine d’en prendre soin et qu’il ne vous ait pas offert de le remplacer.<br /> <br /> 2. Vous répondez en disant : « Tu ne prends jamais soin de mes vêtements, je ne te prêterai plus jamais rien et tu devrais me le rembourser ».<br /> <br /> 3. Ça va, notre amitié est plus importante qu’un short. Mais nous serons peut-être plus à l’aise si on n’échange plus nos vêtements. Ni toi, ni moi n’avons envie que de mauvais sentiments viennent nous séparer.<br /> <br /> Dans le premier énoncé, vous n’avez aucun pardon et n’êtes pas honnête au sujet de vos sentiments.<br /> <br /> Dans le deuxième énoncé, vous protégez vos choses personnelles, mais vous blâmer.<br /> <br /> Dans le troisième énoncé, vous pardonnez mais vous souhaitez vous affirmer, vous respecter.<br /> <br /> C'est sur les règles du troisième énoncé que j'essai de pratiquer ma vie.
Répondre
F
Parfois on n'a pas envie de s'excuser parce qu'on trouve que l'autre exagère de s'offenser à ce point. Ce que tu écris sur la manipulation psychologique qui se joue autour des excuses et du pardon est très juste, et très intéressant.
Répondre
P
Cette haine que tu cites, Mohamed, me fait penser qu'en fait c'est à soi qu'on fait du mal en haïssant l'autre. Peut-être même qu'on peut haïr l'autre de la haine qu'il nous fait ressentir à son égard...<br /> <br /> Oui, avant de pardonner je crois qu'il faut "digérer" les offenses. Et donc avoir l'estomac solide, ou une certaine habitude, un "cuir" suiffisamment épais. Cela rejoint l'idée de confiance en soi, il me semble...
Répondre
M
Sachons éviter les offenses, puisque nous ne savons pas les supporter. [Sénèque] Extrait de De la colère.<br /> <br /> C'est le propre de la nature humaine que de haïr celui qui a offensé. [Tacite] Extrait de la Vie d'Agricola.<br /> <br /> J'ai essayé d'écrire un commentaire intelligible suite à ton billet mais je n'y suis pas arrivé, sans doute que la culpabilité est un sentiment qui m'est éloigné ou que je tente de dissimuler. Peut-être qu'avant de pardonner, il faut pouvoir digérer les offenses ou accepter les remontrances.
Répondre
P
Marine (à qui je souhaite la bienvenue), je partage tout à fait les précisions que tu apportes. J'aime bien cette idée de "premier pas vers un dialogue retrouvé".<br /> <br /> Lou (content de te lire ici...), je ne sais pas s'il s'agit de "devoir"... mais assurément d'une condition sine qua non lorsque on désire une relation saine. Sinon, je crois que la relation est tout simplement impossible sur le long terme ! Parce que les blessures, inévitables, ne seront jamais "entendues", donc jamais apaisées, et à la longue la confiance disparaitra avec l'accumulation de ces blessures.<br /> <br /> J'aime beaucoup ce que tu dis, qui passe par une négociation afin d'arriver à un compromis qui satisfasse les deux partenaires. Que chacun écoute les besoins de l'autre et en tienne compte. « Accueillir l'autre sans se renier soi-même », la recette paraît être toute simple... mais tellement difficile à mettre en pratique ;o)<br /> <br /> Les excuses qui ouvrent une porte... oui, c'est ça.<br /> <br /> La question qui me vient : pourquoi est-ce parfois si difficile d'ouvrir cette porte ?
Répondre