Altruisme égoïste

Lue il y a quelques jours, sur un blog, une phrase m'a fait prendre conscience de mon mode de fonctionnement : quand je cherche à "protéger" les autres, à leur épargner de la souffrance, cela revient à vouloir gérer leurs angoisses.

Autrement dit : je sous-estime l'autre lorsque je cherche à gérer ses angoisses.

Je ne l'avais jamais vu sous cet angle. Je pensais que c'était de la prévenance et de l'attention portée à autrui. De l'altruisme.

Conneries ! En fait, c'est ma propre angoisse que je cherche à calmer, en voyant (ou croyant voir...) celle de l'autre. Et j'exerce une inadmissible forme de pression pour que l'autre oublie rapidement ce qui l'inquiète.

Cela fait écho à une autre phrase, lue ailleurs dans un commentaire « Plus on perd la maîtrise sur soi...plus on cherche à maîtriser l'autre... ».

Ça m'en rappelle une autre, un peu cynique : « l'amour c'est offrir quelque chose que l'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas » (Lacan).

Comments

[TomLaden]

C'est ce que Aldous Huxley nomme l'alter-égoisme dans son essai Les Portes de la Perception. Et c'est exactement ce que tu décris, ta reflexion m'a meme permis de comprendre mieux encore ce qu'il expliquait.

[Pierre]

Isis, tout est question de mesure et chacun sait bien ce qu'il en est en son for intérieur. Je ne cherche qu'à clarifier ce qu'on appelle parfois à tort "aide", "don", ou autre comportements qui ne sont pas qu'altruistes, même s'ils le sont aussi.

[isis]

ce discours psy récurent que j'ai entendu pendant des années et qui au final n'était que justification d'un égoisme sans borne, j'avoue qu'il me sors par les yeux

pourquoi tant de généralisation?

il y a des gens qu'on aide parce qu'ils le demandent, il y a des gens qu'on aident parce qu'on "sent" qu'ils en ont besoin mais n'osent pas demander, il y a des gens qu'on aide pas parce qu'ils se debrouillent fort bien tout seuls, il y a des gens qu'on aide pas parce qu'on n'a pas envie de le faire .

alors franchement , quand on a vécu dans le sillage perso des psys, j'entend par là ceux qui font parfois 6 mois de "stages " et qui fixent leur plaque sur leur porte, le "on flatte son égo en aidant les autres, on fait pression sur etc..." on le remet à sa juste place, c'est à dire à raz les paquerettes...

excuse moi l'Idéaliste pour ma franchise

[Pierre]

Christine, il y a eu glissement progressif de l'objet de mon texte (chercher à protéger ==> apporter ce qu'on n'a pas ==> aider), ce qui fait qu'on s'y perd un peu.

Si je recentre le sujet, oui, il y a des personnes qui "donnent" leur amour sans qu'il soit "attendu" en face. Un décalage de désir qui fait que l'un donne trop à l'autre qui n'a pas besoin d'autant.

On voit très bien au fil de la discussion que chacun donne un sens personnel aux mots et on en arrive imperceptiblement à ne plus parler de la même chose :o)

[Christine_]

Mon côté reservé fait que je n'ai jamais aidé une personne si je ne sentais pas en elle une attente de ma part. A l'inverse, je n'ai jamais reçu d'aide que je ne demandais pas ou n'attendais.
Tu as sûrement raison si tu as vécu les choses ainsi . C'est l'expérience qui parle ;-))

[Pierre]

Chantorelle, cette prolongation vers la difficulté à recevoir m'intéresse.

Savoir recevoir sans se sentir redevable de "rendre", sans se sentir "forcé" par l'aide de l'autre est aussi de l'altruisme : j'accepte généreusement ce que tu me donnes.

Dans le cas contraire la personne qui reçoit peut effectivement avoir une attitude agressive, donc "égoïste" (= je protège mon territoire, ne m'envahis pas).

[Chantorelle]

"On peut être intrusif en voulant apporter une aide non sollicitée. Il y a des personnes pleine de bonne volonté qui cherchent avant tout à satisfaire leur égo, au détriment de la personnes qu'elles veulent "aider". Le pire c'est qu'elles ne s'en rendent pas compte..."


Je crois qu'il y a plus qu'un soupçon d'hostilité et du renfermement sous-jacent à cette notion, Pierre.

C'est peut-être que le vrai problème reste avec les gens qui ne savent pas comment vraiment "recevoir" gracieusement les actes de gentillesse offerts sincèrement (même naïvement) de bon coeur par les autres sans entrer un peu paralysé et contrecarré émotionellement dans un espace confiné et rempli de méfiance et/ou d'un cynicisme passif-aggressif?

C'est peut-être aussi la peur que ces actes...
cette "aide non sollicitée" commise par ces êtres "intrusifs"
auxquels tu fais allusion avec défiance
pourraient impliquer certaines conséquences de coeur...
c'est-à-dire la possibilité d'une réciprocité qui est peu desirée?

Bonsoir à toi

Chantorelle

[Pierre]

Non Christine, on peut parfois chercher à aider qui ne le demande pas. On peut être intrusif en voulant apporter une aide non sollicitée. IL y a des personnes pleine de bonne volonté qui cherchent avant tout à satisfaire leur égo, au détriment de la personnes qu'elles veulent "aider". Le pire c'est qu'elles ne s'en rendent pas compte...

[Christine_]

Aider c'est donner de soi à une personne qui, directement ou indirectement, en fait la demande et je ne vois pas en quoi cet acte peut être égoïste bien au contraire.

[Pierre]

Antiblues, je crois qu'il y a parfois une vraie envie de faire plaisir à l'autre, ou de l'aider, sans que ce ne soit une "petite voix". Mais cette envie, que cache t-elle au fond ? Altruisme ou envie de ressentir une satisfaction à faire plaisir ?

Euh... reflexia... voila des avis qui me semblent lancé un peu péremptoirement ! Je ne cherche pas à faire de philosophie, mais à comprendre les ressorts de certains actes.

Je parle d'égoïsme lorsque l'égo trouve une satisfaction. Quand aider les autres apporte une satisfaction personnelle, j'y vois une part d'égoïsme.

Je n'ai pas parlé de situation de danger...

Quant à gérer des angoisses, heureusement que c'est possible ! Comment ferait-on s'il nous était impossible de relativiser nos peurs ?

Pour la phrase de Lacan (qui aurait très bien pu voir le jour sans amour !), il faut l'entendre comme l'incapacité que l'on a à satisfaire l'autre. Parce que je ne sais pas ce qu'il attend de moi, et que de toutes façons je ne pourrai jamais y répondre entièrement... tandis que je lui apporterai ce que je crois bon pour lui en me fondant sur MA façon de voir les choses.