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Alter et ego (Carnet)
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20 septembre 2007

Le silence de la peur

J'avais un jour écrit sur le sens du silence, un sujet qui intéresse tout particulièrement le partisan du dialogue que je suis. Ce texte est d'ailleurs notablement pourvoyeur de lecteurs, via les requêtes Google : manifestement le silence relationnel est quelque chose d'aussi fréquent que cruellement ressenti. Dans le monde des blogs, je lis régulièrement des écrits évoquant la frustration que provoquent des silences inattendus ou inexpliqués. Évidemment : le propre du silence c'est qu'il n'explique pas ! Le silence de l'autre renvoie à soi-même en donnant libre cours à une imagination qui, sans les limites qu'apporte la communication, peut devenir galopante. Ce peut aussi bien être dans un sens positif que négatif. Le silence relationnel est le terreau sur lequel germent les fantasmes, tant de l'eros que du thanatos.

Si je reviens sur ce sujet déja longuement abordé c'est parce que, récemment, la relation que j'ai avec mon épouse Charlotte est entrée dans le silence. Nos échanges étaient pourtant devenus relativement cordiaux et apaisés depuis notre séparation physique, il y a presque un an. À force d'ajustements nous avions pu maintenir cette qualité d'échange qui me tenait à coeur, malgré son besoin d'éloignement. Mais en quelques secondes la situation s'est tendue et nos échanges se sont suspendus. Ce silence est directement dû à l'angoisse que je lui inspire sur un point bien précis : notre co-engagement financier tant que nous ne sommes pas officiellement divorcés. Mon silence en retour correspond à ma crainte de son hostilité qui pourrait me blesser. Résultat : il n'y a plus de contact. Nos peurs se conjugueraient et rendent improbable une communication sereine.

Par ailleurs je constate qu'il m'arrive d'être silencieux avec certaines de mes relations. Il y a une raison claire, quoique pas vraiment consciente : maintenir une distance. Parfois c'est avec, comme idée sous-jacente, la peur d'être envahi et de me trouver dans l'embarras pour exprimer un refus à une demande que j'imagine excessive. Autrement dit, de ma peur de me positionner clairement découle un silence, qui lui-même engendre une inquiétude. Or précisément cette inquiétude risque fort de stimuler une demande d'explications, donc de contact que, précisément, je cherche à éviter. Tant qu'il n'y a pas trop d'enjeu, qu'il y de la bonne volonté de part et d'autre et que les choses sont rapidement désamorcées ça ne pose pas de problème. Mais pour peu que la peur prenne un peu d'ampleur d'un côté ou de l'autre, un cercle vicieux peut très vite se mettre en place.

Dans son livre "Cessez d'être gentil, soyez vrai ! ", Thomas d'Ansembourg résume en quelques mots le sens du silence relationnel : « Lorsque l'écoute du besoin de l'autre m'apparaît comme une menace, je m'en coupe et je m'enfuis, ou je m'enferme dans le silence ». C'est ce que j'appelerai "le silence de la peur". Cependant qu'en face, ce silence qui n'a pas de sens précis génère "la peur du silence". Avec des questions sans réponse qui peuvent devenir obsessives et auto-alimenter une angoisse portée par une imagination fertile. On sait que la peur est particulièrement imaginative, et toujours dans le sens du pire redouté...

Il y a donc un lien entre silence et peur, tout comme il y en a un entre communication et confiance. Les deux sont propices à l'imagination, mais dans des sens contraires, frustration ou émulation. La communication, lorsqu'elle peut s'effectuer sans crainte dans un climat de confiance, permet la relation et l'établissement d'une synergie de pensée. Par contre, lorsque la communication se fait sous l'emprise de la crainte, elle peut devenir excessive et envahissante.

Inversement le silence, lorsqu'il y a confiance relationnelle, peut-être un moment de partage particulièrement doux. Ce n'est donc pas le silence en lui même qui pose problème, pas plus que la parole n'est solution, mais bien le climat de confiance.

Or la confiance en l'autre découle directement de la confiance que l'on a en soi. Si j'ai peur des réactions de l'autre c'est parce que j'ai peur de ne pas savoir les gérer. J'ai peur qu'elles m'envahissent et bouleversent mon équilibre intérieur. Et cela tant pour celui qui fait silence que pour celui qui le subit. Tant pour celui qui a besoin de se sentir libre que pour celui qui a besoin de savoir si l'autre est là. C'est ce qui fait le charmant petit jeu du « Suis-moi, je te fuis. Fuis-moi, je te suis ». Et que de déchirements découlent de ce jeu-là...

En étant au plus près de mes ressentis personnel (désir, peur, colère, tristesse) et en les exprimant, j'évite de laisser s'emballer l'imaginaire angoissant dont l'autre et moi sommes porteurs. Autrement dit : n'ayons pas peur des mots. Il sont les outils de travail de la relation vivante. Lâcher ces outils, c'est prendre le risque de voir les choses évoluer indépendamment d'une volonté commune.

erable

Feuilles et aiguilles, combinaison des différences

Commentaires
S
le silence est bénéfique que si il est expliqué à l'autre, sans explication il ne s'agit que de lâcheté. Seule la communication peut faire que 2 personnes se rapprochent ou trouvent ensemble des compromis.
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M
je viens dans le grand silence de cette nuit qui commence apporter à ma façon une pierre à son mur ....<br /> <br /> <br /> Je cherche quelque part la couleur du silence,<br /> Serait-t-il salvateur ou peut être trompeur,<br /> Est t-il celui qui tranche ou bien l’élan du cœur,<br /> Je cherche obstinément à lui donner un sens…<br /> ---<br /> <br /> Du silence coupable à celui qui avoue,<br /> De celui qui suppose à celui du menteur,<br /> D’un je m'en vais tristesse, au je t'aime bonheur,<br /> Du mépris à l'amour le silence est partout…<br /> <br /> Dans le front du rieur ou le sel de nos larmes,<br /> Dans la soif de vengeance avant les mots haineux,<br /> Et dans ceux que l'on jette au front des orgueilleux,<br /> Dans l'écho des douleurs ou celui qui désarme,<br /> <br /> Du mépris à l’amour le silence est partout…<br /> Il coupe la parole aux bouches qui s’épanchent,<br /> Et dépose son or en prenant sa revanche,<br /> Parce que quoi qu’on en dise, le silence est partout…<br /> <br /> Sur les ailes d’un ange ou sur le front du diable,<br /> Quand le couperet tombe sur la voix du Hérault,<br /> Il est notre complice ou bien notre bourreau,<br /> Et souvent douloureux autant que charitable…<br /> ---<br /> <br /> Au milieu des tourments qui jonchent ma conscience,<br /> Serait-t-il salvateur ou peut être trompeur,<br /> Est t-il celui qui tranche ou bien l’élan du cœur,<br /> Je cherche obstinément à lui donner un sens…<br /> <br /> Je cherche quelque part la couleur du silence,<br /> Jetant sur mon chemin quelques sombres errances,<br /> Aurait-il à mes yeux la couleur de l’absence,<br /> Emportant dans les tiens un peu de mes souffrances… ?<br /> <br /> -----------<br /> (Martine.)
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P
Chantorelle, j'ignorais qu'une des définitions du silence était "celui qui tue l'amour". À l'évidence, lorsqu'il n'est pas partage et communion il sépare, tant l'amour est intrinsèquement échange et communication.
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C
silence nm 1. Fait de taire, de ne pas parler.<br /> 2. Absence de bruit, d'agitation : le silence de la nuit <br /> 3. Absence de mention d'un sujet<br /> 4. MUS Interruption plus ou moins longue d'une phrase musicale : le signe qui la marque<br /> 5. celui qui tue l'amour<br /> en silence : (a) sans faire de bruit (b) sans parler<br /> passer sous silence : ne pas parler de
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P
Mohamed, ce "silence bruissant" me semble tout à fait éloquent. Je pense au silence qui permet d'entendre en soi sa musique intérieure.<br /> <br /> Cependant, en matière relationnelle, le silence lui-même est un langage... qui, s'il est chargé de non-dits, peut troubler l'installation d'un silence sain, propice à l'écoute.
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M
Relire ou découvrir Silence, discours et écrits de JOHN CAGE.<br /> <br /> Dans la pensée de Cage, le silence est un mythe - une affabulation par sa prétention d'imposer le silence aux bruits ambiants... sans jamais y parvenir. D'après ce compositeur, nous appelons "silence", les bruits dont nous ne voulons pas, et "musique", les bruits que nous organisons. Il n'existe donc pas de silence proprement dit mais un bruissement incessant, ce qui est, en fait, la véritable nature du silence. Quand, dans les années 60, Cage réclame le silence, ce n'est pas dans le sens de réfuter tout langage mais dans celui où le langage fait écran à l'écoute des sons.
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D
Evidemment. Précisément. Et je ne l'avais pas encore formulé aussi simplement...<br /> Et je l'oublie encore souvent :-)
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P
Solita, lorsque tu parles du silence-sagesse, je ne le vois que tourné vers l'autre: silence de l'écoute, ou silence qui "protège" l'autre de lui-même (ne pas répondre à des agressions, par exemple). Là il demande effectivement une force, parce qu'on tait ses propres ressentis en se tournant vers l'autre.<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec l'idée de "foule de fantômes"...<br /> <br /> Chiara, effectivement le silence peut correspondre à "ce qui ne sait pas se dire". IL n'est alors pas fuite, mais incapacité à verbaliser. Parce qu'on ne peut pas tout décrire aisément, surtout si on ne comprend pas le sens de ce qui se passe.<br /> <br /> D&D, la "justesse de l'empathie", il me semble que ce serait être à l'écoute de l'autre tout en étant à l'écoute de moi, dans un juste équilibre.
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D
Je reconnais ce que vous écrivez... Je le partage entièrement... Sans être toujours à la hauteur de ce que je pense avoir compris (et je ne dis pas seulement intellectuellement), du chemin déjà parcouru...<br /> Je suis fatigué parfois, comme ce qui a été ressenti, justement, ce qui pourrait permettre de sortir des cercles vicieux de la peur, peut rester éphémère.<br /> Je veux dire : c'est comme ci parfois, la peur revenait dans le corps lui-même, d'abord, ce n'est peut-être qu'une illusion de ma part, ou alors elle revient, j'ai l'impression, par le corps de l'autre. <br /> Tout cela pose alors aussi, je crois, la question de la justesse de l'empathie.
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C
Très belle reflexion sur le silence... Et très belle illustration (la photographie est magnifique). <br /> Il me semble qu'il y a plusieurs silences, comme vous le soulignez très justement tous ensemble, dans le silence de l'écriture justement :)<br /> Si je devais en faire une liste à mon tour, je la présenterais comme telle : <br /> <br /> Le silence-indicible, qui délimiterait (délimiter parce que je crois aussi que le silence est un espace, qui peut devenir lieu) ce qui échappe à l'expression, ce qui ne sait s'écrire ou se dire, en dépit de toute envie.<br /> <br /> Le silence-tabou, souvent violent, créant malaise, mal-être, c'est en somme, le silence imposé par le langage de l'autre.<br /> <br /> <br /> Le silence-connivence, qui peut revêtir des aspects négatifs et/ou positifs.<br /> <br /> Le silence-repli, celui qui pourrait accueillir le silence-fuite que vous évoquez, Pierre. Mais ce silence-là est à mon sens plus enfermement qu'il n'est fuite. La fuite étant selon moi, du côté de la parole.<br /> <br /> J'en oublie sûrement, et j'écris bien trop vite ce que j'aurais à dire... Je ne suis décidément pas encore faite aux commentaires :)<br /> <br /> Mais le coeur y est !
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