Eclectisme et contrastes
Fin des vacances, ce matin. Il fait beau mais froid. Caché par la montagne le soleil n'est pas encore levé et le sol, les arbres, sont couverts de givre. Un regard vers le ruisseau, duquel monte un voile de vapeur, et je me prépare. J'enfile mon pantalon sécurisé, mes bottes renforcées, mes gants protecteurs. Je vérifie qu'il y ait du carburant dans le réservoir. J'ajuste mon casque orange, ma visière, et je démarre. VroaaaAAAaaa VroooaAAAaaa ! Ceux qui ont reconnu une moto ont perdu : c'est une tronçonneuse [une moto ça fait Vroumm]. Je descends vers la rivière et je commence à couper les arbres en surnombre qui pourraient gêner l'écoulement des eaux. À côté mes acolytes s'activent et évacuent les branches.
"Entretien de l'espace naturel", c'est une partie de mon travail du moment. Fort éloigné des sujets que j'aborde dans mes écrits, n'est-ce pas ? Pas le temps de penser, d'analyser, ni de psychanalyser, question de sécurité. Surtout lorsqu'on est plusieurs. Je suis concentré sur ce que je fais et sur le bon déroulement du chantier. D'un oeil vigilant je veille à ceux dont je suis responsable. J'aime bien ce genre de travail, pour le moment, qui, dès que la journée est terminée, me laisse libre de mes méditations. Mais parfois je songe, l'espace d'un instant, à la différence qu'il y a entre cet emploi et ce qui anime mes pensées le reste du temps. Contraste...
Depuis quelques temps, quand on me demande ma profession je ne sais plus quoi répondre. Entre mon métier "officiel" de producteur du monde agricole [restons vague...], qui est actuellement en suspens, et mon métier "alimentaire" d'encadrant salarié, que j'exerce depuis trois mois mais dont j'ignore s'il se prolongera au delà de février, c'est assez confus. Mais le plus rigolo, c'est quand je parle de ce vers quoi je me réoriente. Alors là, c'est carrément le grand écart, voire le grand écarquillement des yeux. Par exemple ce soir, en sortant du travail dans ma tenue habituelle je suis allé voir un organisme pour obtenir des renseignements. Avec mes chaussures de sécurité, ma veste multipoches sans manches et mon gros pull de bûcheron parsemé de copeaux, quand j'ai dit que je m'orientais vers la relation d'écoute et d'accompagnement relationnel... j'ai vu monter quelques points d'interrogation au dessus de la tête de la dame. J'ai rigolé interieurement en lui montrant que je comprenais bien les raisons de sa perplexité, vu mon accoutrement d'homme des bois.
Maintenant je suis habitué à ce genre de réaction surprise, à l'instant précis où l'étiquette du bonhomme ne correspond plus à ce qu'il dit. Quelques regards incrédules, semblant me demander si je plaisantais, ont parfois accueilli mes révélations. Ça m'amuse. L'éclectisme de mon parcours a un côté cocasse qui ne me déplaît pas. J'avoue ne pas rechigner à contribuer au brouillage des étiquettes...