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Alter et ego (Carnet)
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16 février 2008

Le sens et l'émotion

Me tenant généralement à l'écart de la rumeur médiatique j'échappe largement à nombre d'informations de peu de portée sur la marche du monde. Un filtrage se fait, et ne vient vraiment à ma conscience que ce qui suscite trouble, émotion, ou indignation collective. Ainsi en est-il d'une des dernières trouvailles du président élu par une majorité de français : « faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d'un des 11.000 enfants français victimes de la Shoah ».

Il n'est pas dans ma nature de rester en révolte contre un choix démocratique : je n'ai pas choisi ce président mais je respecte le verdict majoritaire des urnes. D'une manière générale j'aborde peu les questions politiques, leurs enjeux m'échappant largement. Je vis ainsi beaucoup plus en paix, préférant agir sur ce qui est à ma portée. De toutes façons, lorsque je ne peux rien faire contre ce qui est, la révolte passive me semble stérile. Je fais avec... tant que ça ne me semble pas aller fondamentalement contre mes convictions.

Depuis que j'ai vu émerger et prendre de l'importance l'homme qui est maintenant à la tête de l'état je ne l'apprécie pas. Je ne le "sent" pas. Quelque chose en lui me déplait intuitivement. Je ne le sent pas porté vers l'humain, vers l'intérêt collectif, mais bien davantage nourri d'ambitions personnelles. À la différence d'autres qui auraient le même genre de motivations sa capacité à se faire croire "indispensable", à être toujours là, son indéniable talent pour attirer l'attention sur lui, m'inquiètent. Car ce ne sont pas ses idées qui touchent, mais sa façon de les présenter avec une sorte d'évidence désarmante. Il a un pouvoir d'influence qui ne me laisse pas indifférent. Cependant je ne me lancerai pas dans des attaques ad hominem, comme j'en lis un peu partout. Cela aussi me dérange. Je n'aime pas l'attitude qui consiste à mépriser, ou porter un regard dénigrant sur quelqu'un. Fut-il honni. Je m'efforce de respecter chaque individu, y compris ceux avec qui je me sens en profond désaccord.

Ceci étant posé, je ne sais pas vers quoi voudrait nous emmener cet homme. Il cherche à restaurer des idées de devoir, de respect de valeurs, en surfant sur des vagues non dénuées de légitimité mais en les prolongeant au delà d'attentes plus ou moins exprimées. Cette tendance à s'appuyer sur des idées intéressantes mais à les prolonger vers quelque chose d'excessif à quelque chose de malsain dans sa répétition. Oui, agir pour que chacun, et notamment les enfants, ait conscience de ce qu'a été la Shoah est louable, mais pas n'importe comment. Sur de tels sujets on ne lance pas une idée comme un nouveau gadget.

À croire que l'effet désiré est encore d'attirer l'attention, en sachant que la sensibilité du sujet déclenchera réflexions et polémiques. Sur ce plan c'est une réussite : faire parler contribue à son succès. C'est là qu'est le piège...


Sur le fond de l'affaire, ce qui me dérange dans cette initiative de mémorisation obligatoire est son aspect systématique. Je ne crois pas qu'on puisse généraliser une telle démarche. Elle peut être intéressante dans certains cas et totalement déplacée dans d'autres. Soutenir le travail fait actuellement par les enseignants sur une base spontanée me semble une bonne idée. Mais pas de l'imposer. Adhérer à ce genre de démarche ne peut se faire que sur la base du volontariat.

Ce qui me dérange est de l'inscrire dans l'émotionnel, au détriment d'une autre priorité : la recherche de sens.
Ce qui me dérange c'est non seulement de se limiter à cette seule tragédie de l'humanité, mais aussi de n'en observer que le côté « français ».
Ce qui me dérange c'est l'instrumentalisation de ce sujet, toujours très sensible.
Ce qui me dérange c'est l'introduction d'un trouble collectif qui, en l'occurence, me semble plus malsain que fécond.

En même temps je n'adhère pas forcément à l'idée émise par certains contradicteurs, visant à protéger nos enfants d'un possible "traumatisme". Ce serait un autre risque que de vouloir occulter la réalité de faits en surprotégeant les consciences. Je préfère les avis plus mesurés qui s'inquiètent de l'association trop proche de la mémoire d'un enfant assassiné avec le vécu des enfants vivants. Le phénomène identificatoire est potentiellement "dangereux", parce qu'il joue sur l'émotionnel et peut éveiller des angoisses profondes. Il est bien davantage préférable de travailler sur le sens des choses si l'objectif et d'en éviter la répétition. Ce qui est inquiétant est ce qui semble n'avoir aucun sens. L'émotionnel peut déclencher la recherche du sens... à condition d'aller jusque-là.

Commentaires
P
Ton désaccord me plaît, Ségolène :o)<br /> J'ai repensé à ce que j'avais écrit, et quelque chose me chiffonnait. Tu me permets de le préciser.<br /> <br /> Bien sûr qu'il est de notre devoir de contester lorsqu'on estime que les valeurs auxquelles ont tient son menacées. Mais de contester "intelligemment", c'est à dire en proposant antre chose, en argumentant, en déconçant. Or il me semble que bien souvent il y a beaucoup de contestation et peu de force de proposition (je parle là de la vox populi). C'est cela que je trouve "stérile". <br /> <br /> Pour proposer, tout en s'efforçant de tenir compte de TOUTES les variables d'une problématique, cela demande d'être très informé. Généralement je ne me sens pas être dépositaire de suffisamment de savoir pour avancer un avis circonstancié. Donc je me tais...<br /> <br /> Pour ce qui est du rapport regardant/regardé, je n'ai pas lu l'article, mais ce que tu m'en dis ne me semble pas absurde : ce n'est pas parce que quelqu'un se pavane qu'on est obligé de le regarder, d'en parler et d'en faire des montagnes. Les médias ont un rôle certain là dedans, et leur auditoire qui s'en délecte aussi (là est notre "responsabilité"). Sarkozy fait son cirque... et il y a beaucoup de spectateurs pour commenter, donc valoriser l'égo de celui qui aime "prendre de la place". Si on parlait moins de lui sur le plan formel, en se concentrant plutôt sur le fond, peut-être réduirait-il ses frasques ?<br /> <br /> Cet homme existe d'autant plus qu'on lui accorde de la place. Il en a déjà une de choix, de par sa fonction. On n'est pas obligé de lui en donner davantage en commentant la moindre de ses fantaisies (je ne parle pas là des sujets sérieux !).<br /> <br /> Ceci dit j'en parle avec peu de connaissances du sujet, me situant volontairement à l'écart du grand show médiatique...
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S
Pas d'accord...:))<br /> Il est de notre DEVOIR de veiller, d'éveiller, d'alerter, de sensibiliser, de dénoncer...<br /> Où serait sinon le contrepouvoir propre à toute démocratie ?<br /> je lisais dans le monde de ce week end un article d'un chercheur qui analysait le rapport regardant /regardé dans la politique spectacle de Sarko en dénonçant notre " responsabilité " dans ce jeu de surenchère...<br /> je trouve pour ma part de tels propos profondément heurtants !<br /> et dangereux...dans leur inversion...
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P
Oui Alainx, on pourrait aussi dire qu'un peuple à les dirigeants qu'il mérite...<br /> <br /> En tout cas ceux qu'il se choisit. Et celui-là ne s'est pas caché de ce qu'il était avant d'être élu.
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A
Sarko a les maladies de son peuple ... C'est pour ça qu'il a obtenu une majorité.<br /> Le voir agir c'est nous regarder...
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P
Assez d'acccord avec toi, Franck, sur la binarité dans les "débats" (qui sont plutôt affrontements d'idées sans réel désir d'ouverture). J'ai autrefois passé beaucoup d'énergie là-dedans, et je ne le fais plus. Si je sens que le dialogue est vain, je me contente de lire, ou écouter... et observer les limites de ce qui est exposé :o)
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F
Sache, Pierre, que je me reconnais beaucoup dans ton rapport au politique. Je trouve ton propos profondément démocratique.<br /> Pour ma part, je me refuse la plupart du temps (sauf avec certains interlocuteurs pleinement démocrates) à donner mon avis dans les débats politiques, car c'est généralement mettre le doigt dans une binarité qui amène à la caricature de la pensée (la sienne et celle de l'autre) et donc à la tension infructueuse.
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