Zélu !
Et bien voila : contre toute attente me voilà surpris de faire partie des zélus. Je ne m'étais pas vraiment préparé à quoi que ce soit, sachant que ce n'est qu'en vivant les choses que l'on y réagit. Je pensais plutôt à une éventuelle déception si je me retrouvais parmi ceux qui ont le moins de voix. Pas la déception de ne pas être élu, mais celle de me voir le dernier. Réminiscences d'une toujours présente phobie du rejet.
Ce qui est certain c'est que je ne m'attendais absolument pas à être élu au premier tour. Et encore moins avec un score plus qu'honorable (mais qu'est-ce qu'ils ont trouvé de bien en moi ces gens qui ne me connaissent pas ???). Je m'y attendais tellement peu que je ne comprenais pas les signes approbateurs et joviaux clins d'oeil que m'adressaient ceux qui passaient de table en table pendant le dépouillement des bulletins. Moi j'étais occupé à énoncer clairement les noms et à veiller à ce que celle qui me faisait face mette bien à chacun la petite barre qui marquait une voix.
Pour ceux qui l'ignorent, dans les campagnes reculées de la France profonde on peut voter en panachant les listes. C'est à dire rayer des noms ou en rajouter sur les listes en présence. C'est amusant au début, mais particulièrement long comme énumération quand lesdites listes comportent 19 noms.
Les anciens du village étaient là, observant autour des cinq tables de comptage. Certains sont resté de 18 h, fermeture du scrutin, à plus de minuit, lorsque les chiffres officiels ont été annoncés. Entre temps il avait fallu passer au vidage de l'urne transparente après ouverture avec double jeu de clés, comptage des enveloppes, mise sous paquets scellés... tout un cérémonial fait au vu de tous et empêchant la fraude. Il faut reconnaître que cette garantie est bien appliquée.
Lorsqu'au bout de deux heures les scores de chaque table ont commencé à pouvoir s'additionner significativement les plus fébriles se hasardaient à des pronostics. Mais les hasards des répartitions font qu'il faut être bien avancé dans le dépouillement pour avoir une idée à peu près fiable : d'une table à l'autre les impressions peuvent être assez différentes. Lorsque j'ai entendu parler d'une possible majorité pour notre liste, j'ai attribué cet enthousiasme à un optimisme exagéré. En fait l'optimisme est devenu de plus en plus fort, de plus en plus incontestable au vu des chiffres. Et c'est finalement quinze des candidats de notre équipe qui ont été élus.
Un peu abasourdis, je crois que nous sommes alors rendu compte que maintenant les choses sérieuses allaient commencer...
Dans quoi me suis-je lancé ?