Am stram gram...
... pic et pic et colegram...
Scchhhlack ! la grande faucheuse est passée. Un de moins.
Ça devient un rituel dans la famille, à intervalle régulier. Un par an. Cette fois c'était mon cousin. Il est parti des suites d'une "longue maladie"... plutôt rapide. Six mois. Une maladie... ça c'est drôle, parce que son métier c'était justement de les soigner, les maladies. Il soignait celles des autres et hop, c'est lui qui s'est fait cueillir sans l'avoir vue venir.
Il y a quelque chose de curieux aux enterrements : c'est là qu'on découvre mieux qui vient de mourir. Dans le dernier hommage que lui rendent ses collègues, ses amis, sa famille... on découvre quelqu'un que finalement on ne connaissait pas vraiment. Quelle était sa vie ? Dans quoi s'impliquait-il ? Qui étaient tous ces gens qui pleuraient sa disparition ? Combien de centaines de liens avait pu tisser l'aimable médecin d'un petit bourg, impliqué dans la vie associative, accueillant, ouvert aux autres ? Chacun a vanté, et dans une émotion non feinte, les valeurs humaines de celui qui ne pouvait plus les écouter. Un modèle d'enthousiasme et de générosité, attentif aux autres en toutes circonstances. Un des rares qui, dans ma famille, s'est inquiété de ce que je vivais lorsque j'étais dans la tourmente de la séparation.
Dans le recueillement silencieux de l'église je pensais au modèle que pouvait être cet homme, pour moi qui souvent ne sais comment aller au devant de l'autre... Je pensais aussi à l'importance de la relation tant qu'on est vivant. Montrer que l'autre est important, qu'on l'apprécie, qu'on l'aime. À chaque décès j'en prends un peu plus conscience et j'agis en conséquence. Un peu plus près, un peu plus démonstratif.
J'entendais aussi le prêtre parler de Dieu ceci, Dieu cela, de vie éternelle et de passage de l'autre côté. Ces boniments me semblent tellement artificiels et convenus... et pourtant je ressentais bien que, parmi tous les présents il s'installait le souvenir vivant du défunt. Il était bien "là"... alors que c'est sa disparition qui nous réunissait.
Quand je repense aux disparus qui m'habitent, je garde toujours une image très vivante d'eux. Généralement un moment de joie, avec un grand sourire sur leur visage. Et je ne fais pas vraiment de différence, dans cette représentation, d'avec ceux qui vivent.