Écriture et démesure d'internet
Je lis Lou depuis que j'ai découvert l'écriture de soi sur internet. C'est à dire depuis à peu près huit ans. À cette époque antébloguienne le cercle des écrivants en ligne dépassait à peine la centaine dans toute la francophonie. La plupart étaient originaires du Québec, précurseur en ce domaine. Autant dire qu'il s'agissait d'un groupe représentable, conceptualisable, qui avait presque les dimensions d'une grande famille ! Si on ne se connaissait pas tous, du moins nous étions plus ou moins indentifiables. Chacun disposait d'une relative visibilité, d'une parcelle d'existence. Voire même d'une possibilité d'influence dès lors qu'une synergie se mettait en place.
C'est sur ces bases que s'est construit ma représentation du monde d'internet. Totalement anachoniques maintenant... ou alors à une toute autre échelle.
Voici ce qu'écrit Lou aujourd'hui : « (...) lorsque j'avais trouvé le chemin du Web et que je m'y étais mise à répandre mes mots, j'avais découvert enfin le retour des pensées et des idées. Mes mots devenaient partie prenante d'un procédé de communication ; de trésors cachés sous les chaussettes du dernier tiroir, ils se transformaient en papillons, et ce que j'y déversais trouvait écho parfois et finissait par créer d'autres mots. des échanges sont nés, des conversations, des relations qui m'ont aidée à progresser, à avancer, à faire un pas de plus, toujours...
Puis, écrire sur le Web est devenu une mode, un engouement, presque un must. J'avais eu l'illusion de participer à une sorte de mouvement de contre-culture dans lequel quelques uns de mes idéaux pouvaient s'exprimer. Et je réalise que ce plaisir m'a quittée. Non pas que l'écriture sur le Web soit devenue médiocre, bien au contraire. On y côtoie des plumes magnifiques et des réflexions profondes, parfois. Mais on y trouve aussi de tout, comme dans la société, celle qui étouffe l'individualité.
Je crois que cela m'amène à éprouver moins de plaisir à écrire. Je n'ai pas envie d'arrêter, pas encore, parce que je ne veux pas perdre cette liberté que je me suis donnée de communiquer, de m'exprimer et d'échanger. Mais ça explique un peu mon moins grand enthousiasme à ouvrir ce carnet et à y déposer mes mots ou mes images. »
Je me retrouve assez largement dans ces impressions. L'écriture personnelle sur internet représente une immense diversité, impossible à imaginer. Elle n'a plus rien d'un groupe, encore moins d'une pseudo famille, tant les sphères se sont démesurément multipliées. Dans la vastitude de ce monde tentaculaire je me sens parfois un peu perdu. J'essaie de ne pas trop y penser, me contentant de déposer mes pensées. Je suis resté dans un petit coin, ayant conservé un lectorat sensiblement équivalent en nombre. Par contre je crois que, pour une grande part, il se renouvelle constamment. Beaucoup de personnes qui commentaient au début de ce blog ont "disparu". Restent cependant quelques fidèles, avec qui des contacts plus ou moins épisodiques sont maintenus. J'appelle ça "entrelecture", une forme épistolaire adressée à un groupe aux contours flous. Je me sais lu, ils savent que je les lis. Peu importe que ce soit en continu ou en picorant de temps en temps.
Et puis il y a cette part de renouvellement, ces gens qui découvrent mes écrits et s'y intéressent plus ou moins durablement. La prise de contact est différente de ce qui se passait autrefois. Je sais ne pas porter la même attention aux personnes qui s'adressent à moi que lorsque j'ai commencé à écrire. Probablement parce que je sais que la plupart de ces échanges ne dureront pas. Ils sont de circonstance. Le petit monde des écrivants-lecteurs du net est devenu trop grand.
Comme Lou je lis des personnes qui écrivent avec talent, pertinence, intelligence. À côté d'eux je me sens tout petit, insignifiant. Finalement la multiplicité à mis la barre très haut. Tenir un blog d'amateur alors que tant le font à un niveau professionnel à quelque chose d'insatisfaisant. Quant au blog convivial, celui qui permet de se faire des "amis"... il ne me tente pas. Mes amitiés internautiques se sont faites dans le temps, par affinités spontanées, mais sans avoir cela comme objectif. Je reconnais que, maintenant, pour qu'un échange se crée avec moi il faut que l'autre le veuille vraiment et s'accroche un peu. Je ne cherche pas ces liens et ne les encourage pas. C'est certainement dommage...
Pourtant, malgré un enthousiasme nettement atténué, je continue à écrire en ligne. J'aime les échanges de réflexions qui, de temps en temps, apparaissent inopinément. C'est probablement dans cette perspective que je persiste. Pour moi l'écriture reste un support de compréhension à partir de ressentis ou d'expériences vécues. L'expression du narrateur, issue de sa recherche personnelle, sert alors de ferment émotionnel pouvant éventuellement stimuler le lecteur concerné par le sujet développé. Un système qui fonctionne mieux s'il est nourri d'apports extérieurs...
Edit du lendemain : une erreur de la pateforme canablog a fait se mélanger le texte que je citais et le mien. J'ai rétabli la bonne continuité.