Dans le ventre des hommes
« Et nous saurons dans le plus profond de notre ventre que nous faisons partie de cet immense cortège des femmes de toujours et de partout. Des femmes qui transmettent la vie, la portent dans tous les coins de la sphère humaine... comme une flamme haute, qui se transmet à la vitesse de nos quêtes fondamentales... »
Extrait de Femme de maintenant, de hier et de demain, très beau texte de Coumarine.
J'en ai apprécié la teneur sensible, charnelle, mais j'ai aussi ressenti un pincement à sa lecture. Je me suis senti exclu. Parce que je ne suis pas femme. Comme une sorte de discrimination involontaire, contre laquelle je ne peux rien. En même temps je crois comprendre ce désir de se retrouver "entre soi", pour parler de ce qui nous rassemble et nous ressemble.
J'ai laissé ce commentaire : « Entre femmes... entre hommes... oui, il se dit certainement des choses singulières quand on est "entre soi". Je le conçois fort bien et pourtant, j'ai aussi l'impression qu'il s'y perd quelque chose de ce qui nous relie, hommes et femmes. J'aimerais beaucoup pouvoir participer à un échange entre femmes, j'aimerais aussi que des femmes curieuses des hommes puissent participer à un groupe de parole d'hommes. Pas des groupes mixtes, mais bien des groupes sexués... ouverts à l'autre sexe. Précisément parce que c'est là, dans ce qui ne se dit pas habituellement, que se trouve ce qui nous différencie. »
J'ai le grand privilège, grâce à mon itinéraire exploratoire, d'avoir de temps en temps accès à des groupes d'échange très majoritairement féminins. J'apprécie d'avoir cette place, et d'être accepté dans des temps de partages gynocentrés. Souvent seul homme parmi des femmes je me sens accueilli dans leur sphère féminine. Cela se situe hors d'un contexte de séduction, mais bien "dans le coeur des femmes". Elles y parlent d'elles, de leur couple, de leur rapport avec les hommes (les autres...), de leur condition de femme, mais aussi de leur ventre. De leur capacité à jamais inaccessible pour moi : porter une autre vie en soi. Je crois que cette différence irréductible est celle qui nous distingue le plus, mais elle est tellement évidente qu'on l'aborde peu. Récemment j'ai pu parler de l'accouchement avec une femme. Un échange très libre, simple, au cours duquel chacun évoquait son ressenti émotionnel et/ou viscéral, selon la place d'où cela avait été vécu. D'autres fois je me suis trouvé au coeur de questions de femmes, lorsque le choix de porter la vie ou de l'interrompre devait se décider au plus profond d'elles. J'en garde un souvenir particulièrement émouvant.
Je constate que ce genre d'échange avec, ou en présence de l'homme que je suis, n'est pas possible avec toutes les femmes. Pour certaines je me sens perçu comme trop étranger, trop différent. D'autres au contraire, perçoivent bien que je suis réceptif à leur différence, et curieux de la mieux connaître. Et puis moi-même je parle assez aisément de mes émotions masculines, ce qui semble intéresser ces femmes... et déranger les premières.
J'aime beaucoup les échanges qui permettent d'aller à la rencontre de nos différences et ressemblances.
C'est pourquoi le texte de Coumarine m'a un peu dérangé [quoique je ne la soupçonne aucunement d'exclure les hommes]. Mais... c'est aussi me rappeler cette incontournable réalité : je suis résolument différent.
D'ailleurs, j'envisage depuis quelque temps de m'inscrire dans un "groupe d'hommes". Parce que j'ai certainement beaucoup à apprendre de mes semblables [et à leur apporter...], mais aussi toute une part du masculin à approcher. À force d'explorer ma part féminine j'en oublierais presque que je suis avant tout un mâle. Et c'est quand même important de tenir cette place dans d'autres rapports avec le féminin, non ?