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Alter et ego (Carnet)
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30 août 2008

Être lent

Hier matin, lorsque j'ai appris le drame qu'avait vécu un de nos protégés, il m'a fallu pas mal de temps pour vraiment en réaliser les conséquences. Je sentais dans ma pensée comme des verrous qui sautaient, les uns à la suite des autres, me faisant passer de l'incrédulité à la pleine conscience.

Quelques minutes après moi j'ai vu une de nos collègues réagir à la même nouvelle : instantanément son visage se transformait au fil des mots, encaissant le choc en pleine figure. Immédiatement elle a réagi en griffonnant sur un bout de papier un brouillon de lettre collective à faire parvenir au plus tôt au blessé.

Cette différence du temps de réaction m'a marqué. Alors que, sidéré, absorbant lentement l'effet du choc, je tentais d'organiser malgré tout la mise en route de l'équipe, elle était dans la réaction immédiate. Confirmation, une fois de plus de ma lenteur réactionnelle.

Bien souvent je constate ce temps qui m'est nécessaire pour absorber des émotions. C'est comme s'il y avait un filtre qui limite le débit : un excès d'émotion ne passe tout simplement pas. D'où, je pense, une impossibilité à être dans le ressenti immédiat. Il ne peut qu'être différé, lentement diffusé [et notamment par écrit...]. En découlerait, peut-être, une spontanéité qui ne s'exprime quasiment pas dans l'immédiateté. Par contre je ressens fortement et durablement les effets émotionnels, mais ça reste très intériorisé.

En fait je fonctionne un peu comme une forêt qui, écrêtant l'intensité des pluies sur le sol qui la porte, restitue ensuite lentement l'humidité accumulée.

Dans notre société qui nous pousse volontiers à aller toujours plus vite, ma lenteur pourrait être perçue comme un défaut, une tare, un handicap. Moi je la vois comme comme une façon d'être qui me caractérise. Contemplatif, penseur, profiteur de temps, j'ai maintenant tendance à affirmer cette singularité qui m'a tant valu de complications dans ma jeunesse. Maintenant je le revendique : je suis tout simplement un être lent.

Commentaires
L
"festina lente" disaient les humanistes à la renaissance..
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A
Le monde est fou.. il va trop vite..<br /> Ralentissons...Nous ne serons pas moins efficaces au contrare... car souvent dans la précipitation nous faisons des erreurs.<br /> <br /> Ne gardons la fulgurance de la réaction que pour les cas d'extrême urgence et à y bien regarder il n'y en a pas tant que ça.
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C
"NE PAS ressentir d'émotions immédiates"... Je comprends mieux ce que tu veux dire, d'autant que moi même je me suis posée la question comme si j'avais besoin de digérer l'information pour me l'approprier.
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P
Ce que je décris, Christine, est différent de la pudeur. Moi aussi j'évite de pleurer devant autrui, ou de parler si je sens que je n'arriverai pas au bout, mais cette situation indique que je me sais alors proche de la submersion émotionnelle. Tandis que NE PAS ressentir d'émotions immédiates se situe dans un autre registre, plus proche de l'anesthésie que du contrôle.
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C
Est-ce une lenteur de réaction ou tout simplement une protection ? Une pudeur enfouie qui nous empêche de livrer nos émotions brutes de fonderie ? Je suis ainsi, je n'aime pas pleurer, montrer que je suis triste devant les autres et de plus le trop plein d'émotion m'empêche de dire un mot sans qu'un torrent de larmes s'ensuivent. Alors je préfère ne rien dire. <br /> Dernièrement, l'une de mes collègues de travail a vécu un drame. Son fils de 17 ans a été gravement blessé dans un accident de scooter. Il est actuellement dans le coma et cela depuis un mois. Lorsqu'elle est revenue au travail, je suis allée la trouver et tout ce que j'ai pu lui dire avant que mes yeux ne s'emplissent de larmes et que ma voix vacille c'est que j'ai croisé les doigts pour lui et pour elle. Trois mots mais nos regards en disaient beaucoup plus. J'avais honte de ne pouvoir en dire plus...mais je suis ainsi aussi.
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P
Camille, ton message "changementS" est à la suite de mon billet " Le cèdre et l'impermanence"...
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C
...mon com' est édité deux fois (ce matin et ce soir) et ce n'est que la fin de mon message qui apparaît....<br /> <br /> il était assez long et était titré 'changementS'<br /> <br /> je le signale juste pour la forme, car ça n'a aucune importance en soi ;-) <br /> <br /> douce nuit à tous ;-)
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C
pour moi, c'est la diversité des *réactions* de chaque *êtres* qui fait l'intérêt de la Vie et des Rencontres....y compris celles qui me dérangent!
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K
La spontanéité ou l’impulsivité que tu vois chez moi existe réellement et ne cache pas grand-chose. ;-)<br /> C’est un effet du changement ou de l’évolution que j’évoque souvent. <br /> J’ai pris le chemin dont parle Léon : « renouer avec le ressenti au profond de mes émotions et leur expression plus spontanée car je suis persuadé que la Vie(en tout cas la mienne) est à ce prix » tout en gardant cette lenteur qui est ce que je suis... :-)
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P
Camille, être dérangé est un des grands plaisirs de l'existence, pour peu qu'on ait envie de comprendre en quoi nous le sommes :o)<br /> <br /> Pralinette, j'espère aussi qu'il s'en sortira sans séquelles physiques. Moralement, ça risque d'être plus difficile...<br /> <br /> Léon, tu évoques un système de défense, dont tu sembles conscient. C'est compréhensible vu ce passé que tu décris. Pour ma part je n'ai pas cette conscience, mais peut-être est-ce un mécanisme profondément enfoui ? Mon père était apparemment sans émotions et il se peut que, par mimétisme, je n'ai pas développé cette aptitude au ressenti immédiat ? En fait je n'en sais rien...<br /> <br /> Mais je me retrouve bien dans ce que tu décris : faire le chemin inverse. Je suis dans la même démarche, « à la recherche des émotions perdues ». J'essaie de les capter, de les sentir émerger en moi "en direct" plutôt que de les voir apparaître en différé.<br /> <br /> Kyrann, ton apparente spontanéité, je dirais presque ton impulsivité, cache bien des choses, j'en suis certain. Je découvre progressivement les contours de cet invisible : ce fond dont tu parles. Ça tombe bien, c'est le fond qui m'intéresse chez autrui ;o)
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