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Alter et ego (Carnet)
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31 août 2008

Je ne t'aime plus...

Il y a quelques jours, j'ai lu chez Kyrann un texte où elle parle de son mari « demandant que je lui dise que je ne l’aime plus ». Cette phrase m'a replongé quatre ans en arrière, dans le vécu d'expériences qui ne furent ni simples, ni agréables.

Dans la première je me suis trouvé devant cette nécessité de dire une vérité qui, je le savais, aller faire très mal. Je ne pouvais plus éviter de dire les vrais mots, chargés de tout leur sens et sans échapatoire. « Je ne t'aime plus », avais-je asséné, en pleurs, tellement désolé de faire autant de mal à celle que... j'aimais encore. Je ne l'aimais plus comme avant, je n'étais plus "amoureux", mais je l'aimais trop pour lui cacher cette réalité. En fait j'avais pris un tassement sentimental comme la fin de l'amour que j'avais pour elle, ce en quoi je me trompais. J'étais encore trop soumis à des définitions étriquées de l'amour....

J'avais voulu que mes mots soient clairs et ne la laissent pas dans l'espoir d'un changement. Il y avait quelque chose d'irréversible dans mon cheminement. C'est à partir de là qu'elle a pu se déterminer en toute connaissance des faits et s'orienter vers un nouvel avenir. Pas sans difficultés, ni pour l'un ni pour l'autre, c'est évident.

Dans la seconde expérience celle dont j'étais amoureux ne m'a jamais dit « je ne t'aime plus ». Cette absence des mots nécessaires m'a privé de la délivrance dont j'aurais eu besoin pour saisir la réalité de son éloignement sentimental. Je ne comprenais pas ce qui se passait et, m'accrochant au moindre fragment de flou, j'ai espéré très longtemps qu'il s'agissait d'autre chose que la fin de son amour. Il m'a fallu des années pour remonter la pente, déduire ce qui n'avait pas été dit, et construire une nouvelle réalité à coup d'explications plausibles.

Le manque de mots, me laissant dans une incertitude douloureuse, faisait que je ne pouvais pas me déterminer. J'aurais bien évidemment eu besoin entendre ce « je ne t'aime plus » qui, me déchirant, n'aurait fait [très] mal qu'une bonne fois pour toutes. Je reconnais que je ne l'ai pas demandé, redoutant trop de l'entendre... Cependant il y a eu un indéniable avantage à ce silence : son non-sens m'a poussé à explorer en tous sens pour en trouver. J'ai beaucoup appris de cette exploration. D'un manque j'ai tiré un avantage.

Fort de ces expériences croisées, je sais maintenant quelle est ma préférence : la vérité brute. Sans qu'elle soit forcément brutale puisqu'elle peut être adoucie, accompagnante, écoutante. Ça peut paraître contradictoire, mais ça ne l'est pas tant que ça : il faut encore aimer pour dire « je ne t'aime plus ». Pour délivrer l'autre de ce lien unique qui s'est noué avec des « je t'aime ». Ne serait-ce que parce qu'en disant « je ne t'aime plus », il y a reconnaissance implicite de l'amour qui a été. Comme un dernier souffle.

Pour la petite histoire la première relation s'est muée en amitié, la seconde s'est enfoncée dans un silence absolu qui, à ce jour, dure encore...


209_0914

Détachement

Commentaires
P
Zouzou, tu décris très bien dans quelles contradictions d'attirance/rejet l'amour peut se maintenir, parfois, et à quel point il peut être tenace...<br /> <br /> S'il est considéré que la coupure est devenue nécessaire, alors je crois qu'elle doit être claire et nette, sans aucun doute possible, sans aucune ambiguïté. Radicale et résolument définitive. Mais tu montres bien que parfois quelque chose l'empêche. Je me demande pourquoi il faudrait alors chercher à "couper" quand, manifestement, quelque chose fait que ça ne veut se faire. D'ailleurs j'aime assez ce que tu décris d'un avenir inconnu. Ça me plaît, dans le principe, de savoir que seul les actes du présent comptent.<br /> <br /> Tu parles de "courage" à rayer l'autre de sa vie. Oui, peut-être, en certaines circonstance... mais ce peut tout aussi bien être une façon d'éviter de se confronter à quelque chose dont on ne sait comment le vivre. Alors, courage ou évitement ? De toutes façons je ne crois pas qu'on puisse rayer l'autre. Tout au plus peut-on décider de s'interdire de le retrouver. Avec le risque de garder ce fantôme, qui peut se montrer encombrant...<br /> <br /> Merci d'avoir fait part de ta perception des choses.
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Z
Il y a quelque chose d'assez spécifique à la relation amoureuse, je crois, (du moins telle que je la vis moi) c'est cette aptitude à y renoncer ou à s'y "enfoncer" par un choix arbitraire, parfois contre sa propre volonté.<br /> N'ai-je pas déjà quitté plusieurs fois cet homme aimé, adulé, adoré de moi, n'ai-je pas déjà été frappée par mon incapacité à le retenir, alors même que j'en étais folle amoureuse, n'y ai-je pas renoncé alors que je l'aimais ? Et lui... lui qui s'interdit de vivre cette relation avec moi, qui bannit le mot "amour" parce qu'il en a peur, lui qui pourtant déteste me savoir avec d'autres, lui qui admet haïr l'idée que je sois à un autre, n'a-t-il pas aussi voulu me quitter plusieurs fois ? et pourtant, il faut se rendre à l'évidence, les faits sont là : nous sommes toujours en contact, nous sommes loin mais nous préservons cette relation si spéciale, nous nous séparons sans nous dire adieu définitivement, nous nous retrouvons sans nous dire "je t'aime".<br /> Il est des relations où tout est en suspend, où les retrouvailles ne durent jamais longtemps, où les adieux ne sont jamais définitifs. Si nous avions un peu de courage, l'un de nous oserait rayer l'autre de sa vie, définitivement, et de temps à autres nous essayons... en vain.<br /> <br /> Je te quitte mais je t'aime encore... je te quitte parce que je t'aime.<br /> Je ne t'aime plus, mais je suis avec toi, encore. Je ne t'aime plus mais nous restons ensemble.<br /> <br /> "Je ne t'aime plus, mon amour..." <br /> <br /> Dis-moi que tu ne m'aimes plus, pour que je fasse le deuil de toi, mon grand amour, et ensuite, lorsque j'aurai digéré tout ça, je pourrai t'aimer enfin pour ce que tu es.<br /> <br /> <br /> C'est vrai qu'il est possible qu'il y ait des mots qui libèrent et d'autres qui emprisonnent... Des mots qui nous permettent de tourner la page et des mots qui nous permettent de nous regarder en face. <br /> J'espère que c'est possible.<br /> <br /> S'il y a un soulagement, une issue dans "je ne t'aime plus", alors je pourrai l'entendre, alors je pourrai te le dire.
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P
Les réactions qui apparaissent ici au fil du temps se complètent, se répondent, s'enrichissent de diversité. J'aime beaucoup ça...<br /> <br /> Je n'avais pas répondu au commentaire d'Armandie, qui montre bien toute la difficulté à nommer ce qui reste finalement imprécis. On en revient toujours à l'éternelle question : aimer, c'est quoi ? (et donc "ne plus aimer", ça veut dire quoi ?)<br /> <br /> Dire quelque chose et son contraire, "couper les ponts" mais resté "raccrochée", les actes qui invalident les mots... que de difficultés à couper ce qui a été lié...<br /> <br /> Alors il n'y a peut-être pas de "bonne" solution ? Je reste pourtant persuadé que le dialogue serait, idéalement, ce qui est le plus humain. Mais pas le plus facile, évidemment. <br /> <br /> Oui Zouzou, ces mots sont violents. Comme l'est la fin d'un amour pour celui qui est quitté. A quoi bon tenter d'adoucir (?) la vérité en la cachant ? Tôt ou tard elle sera là, après avoir suscité bien des espoirs et des désespoirs. Brutalité fragmentée, étirée, plutôt que toute à la fois. Mais celui qui quitte sait-il toujours s'il n'aime définitivement plus ? Ne pas dire n'est-il pas une façon de SE protéger, de ne pas vraiment se désengager, de ne pas affronter la douleur de l'autre ? Et comment ne pas comprendre ce légitime souci d'éviter cela...
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Z
"Je ne t'aime plus"... Quels mots plus violents que ceux-là ? Je ne les ai jamais entendus ni dits non plus. Jusqu'ici, pour moi, les plus mots les violents étaient "Je te quitte" (qui suivent souvent, ou peuvent précéder le "je ne t'aime plus"). Mais si l'un d'eux m'avait dit "je ne t'aime plus", que ce serait-il passé ? Quelle déchirure est plus brutale, plus profonde que celle-là ? Moi qui conserve avec la plupart de mes ex-compagnons une relation d'amitié, c'est pourtant avec ceux qui m'ont quittée brutalement que je reste le plus en contact, ayant eu du mal à accepter des ruptures plus "douces" où les mots crus mais réels n'ont pas été dits. <br /> Alors que penser du "je ne t'aime plus" ? A-t-on le droit de dire une telle chose (sachant l'amour si volatile - et volage) à l'être qu'on a aimé... et si on ose le lui dire, n'est-ce pas parce qu'on l'aime encore assez pour... Evidemment il n'y a pas de réponse évidente car chaque personne est différente et chaque relation... plus encore.<br /> Merci d'avoir publié ce post, qui fait réfléchir...
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A
J'ai lu et relu ce post avant de me risquer à commenter. j'ai été il y a quelques années dans la situation de celui qui quittait. je n'ai pas su dire "je ne t'aime plus" mais j'ai dit "je ne suis plus amoureuse, entre nous c'est fini". En fait je n'étais pas prête à laisser partir cet homme de ma vie, je l'aimais mais pas comme il l'aurait voulu et nous avons poursuivi pendant des années une relation de pseudo amitié ensuite qui ne nous a fait aucun bien (et peut-être plus de mal à moi qu'à lui, finalement)<br /> j'ai enjoint récemment un autre homme à me dire "je ne t'aime plus" j'étais alors celle qui étais quittée et il les a prononcé ces mots mais entre un "je t'aime, ma chérie" et un "je t'ai menti, je t'aime encore". Seulement, nous avons coupé les ponts et tout est bien plus clair. mais je me raccroche à cette phrase, même si je la sais prononcée sans convictions.<br /> Il y a les mots, il y a le ton et la conviction mais surtout il y a les faits, les actes posés, qui valident ou invalident un discours, avec le temps.
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Q
"...I like not only to be loved, but also to be told that I am loved. I am not sure that you are of the same kind. But the realm of silence is large enough beyond the grave. This is the world of light and speech, and I shall take leave to tell you that you are very dear..." <br /> <br /> <br /> George Eliot, letter to a friend
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C
Pour moi l'amour n'est pas un sentiment constant, il m'arrive d'avoir envie de dire "je t'aime" à certains moments et ne plus le dire à d'autre. En revanche, je sais lorsque "je n'aime plus", lorsque quelque chose s'est cassé, fracturé à jamais... Je ne peux dire "je ne t'aime plus" que lorsque je suis absolument sûre de ne plus jamais pouvoir dire "je t'aime" à cette personne. Pfffiouuufff je sais pas si je me fais comprendre ?? ;)
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P
Juju, ne pas dire « je ne t'aime plus », c'est peut-être aussi une façon de garder l'autre à soi, prisonnier d'un espoir qui ne se dit pas. Aimer se vit au présent, comme tu dis, et « je ne t'aime plus » le met au passé, coupant tout avenir.<br /> <br /> Mais tu as raison, c'est surtout signifier « je ne suis plus amoureux », ce qui n'est pas la seule façon d'aimer...
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J
Très émue et intéressée par ce texte, Pierre. J'ai également "sursauté" au commentaire de Lukéria...vivant actuellement une histoire très proche. Je ne peux pas lui dire "je ne t'aime plus" car cela ne serait pas la réalité de mes sentiments. je lui ai dit en le quittant "je ne suis plus amoureuse" mais l'aimer encore c'est évident...Aujourd'hui je pense pourtant que dire "je t'aime" est certes une forme d'engagement, mais c'est aussi l'éclat d'un sentiment, d'une réalité, d'un moment qui peut aller de quelques mois à toute une vie, est-ce ça le plus important? Quand à ne plus aimer...si tel est le cas...pourquoi le cacher? Pour autant, cela est-il vraiment une réalité? Et si ça l'est, je pense aussi que "parvenir" à le dire, est une ultime preuve d'amour. Je t'embrasse Pierre.
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P
Aaah, Lukéria, ton commentaire me plaît : ça veut dire quoi « je t'aime » ? Peut-être « j'ai envie de partager beaucoup avec toi »... Mais comment savoir jusqu'où, et quand ça commence, quand ça se termine ? Oh oui, c'est complexe ! C'est bien pour ça que j'évite désormais de les employer. Et si je le fais, je tente de préciser un peu le sens que je leur attribue.<br /> <br /> Mais ne pas employer ces mots c'est aussi se préserver de "l'engagement" affectif qu'ils signifient. Car ces mots sont très fortement chargés de sens, qu'on le veuille ou non.<br /> <br /> Par contre, s'ils ont été dits, telle une formule ensorcelante, je crois nécessaire de dire la formule inverse le moment venu.<br /> <br /> J'aime bien ton histoire qui, parce que vous n'avez pas nommé les choses trop imprécises, à permis qu'elles évoluent sans aboutir à des fermetures. Le pouvoir des mots, et surtout de tels mots, est parfois bien trop grand...
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