Le prix de la paix
J'étais en Drôme provençale, ce week-end, pour un rassemblement familial prévu de longue date. Ma mère fêtait un changement de dizaine d'années et avait réuni l'ensemble de sa descendance. Seule Charlotte [ndb : mon ex-compagne de vie] avait décliné l'invitation (elle préfère ne conserver des liens avec chacun qu'en échanges restreints). L'ambiance était chaleureuse et joviale. La génération des petits enfants, dont une bonne part sont de jeunes adultes, apporte toujours fantaisie et humour débridé, iconoclaste, largement apprécié par leurs géniteurs. Les rires ont éclaté souvent et les multiples conversations ont permis à chacun d'entretenir ces si précieux liens originels. Ne serait-ce que pour mieux m'en imprégner [des piqûres de rappel seront sans doute nécesssaires]. Le paysage devant lequel s'est déroulé ce week-end...
J'étais présent et attentif dans cette joyeuse troupe, souvent plus observateur que participant. Je ne suis pas un homme qui s'épanouit en groupe. Mais j'aime m'y joindre !
Pourtant mes pensées étaient absorbées, cette fois. Il me fallait une certaine concentration pour m'en extraire, incapable que j'étais de me laisser porter par l'insouciance dès que je n'étais pas "pris" dans les échanges.
En fait, j'ai beaucoup cogité...
J'étais parti vendredi dans un état de déroute affectivo-émotionnelle tel que je n'en avais plus connu depuis longtemps. Dépassé par une conjonction de situations en face desquelles je me suis senti incapable de répondre comme il était attendu, j'ai ressenti physiquement une nausée. Crainte de renouveller des situations de malaise et de mal-être dont je sais à quel point elles ont influé sur mon parcours. Ces hauts le coeur surviennent lorsque je me trouve devant des choix personnels dont je sais qu'aucun ne résoudra sans douleur ce qui pose problème. Je ne peux que faire de mon mieux et, dans ces circonstances, agir à l'instinct. Penser d'abord à sauvegarder mon propre équilibre psychique.
Quelle que soit ma volonté de faire au mieux en pensant à autrui, il y a des moments où le seul bon choix est de penser à moi d'abord. Si je ne le fais pas... personne ne le fera pour moi.
Mais cette façon de procéder entre en conflit avec mes convictions, mes valeurs-repères, mélangeant angoisse de faire mal et certitude que c'est le seul choix que je puisse effectuer. Lorsque mes choix impliquent d'autres personnes à qui je tiens, et que je sais qu'en pensant à moi je vais les blesser, parfois profondément, je sens un vertige me prendre. C'est ce qui me fait vaciller en me donnant ces hauts le coeur. Entre l'autre et moi, entre la relation et moi... c'est toujours moi que je sais devoir choisir. Il n'est alors plus question d'être "gentil", mais "vrai". Cette apparente simplicité peut-être difficile à mettre en place, parce que douloureuse. L'énergie nécessaire pour rester, malgré tout, dans une relative sérénité devient alors considérable. Maintenant j'y parviens, mais au prix d'une concentration des pensées qui m'absorbe beaucoup. Rester calme, en état de paix intérieure, et suffisamment "détaché" des choses importantes ne va pas de soi...
Voila... j'ai beaucoup pensé aux souffrances vécues par les femmes qui, à différentes étapes de ma vie, se sont attachées à moi. Qui ont cru en moi, m'ont aimé, et que, malgré mon amour pour elles, je n'ai pas su satisfaire. J'ai eu mal en y pensant, tout en sachant que j'ai toujours fait au mieux de ce qui m'était possible à ce moment-là... Lorsque des incompatibilités sont apparues, si je n'ai pas su les désamorcer... c'est parce que je n'en avais pas les capacités ! Parce que, tout simplement, je ne suis pas tout-puissant et que l'autre a sa propre dynamique évolutive. Il aura fallu, toujours, passer par l'expérience pour le "comprendre"... Comprendre autant les demandes de l'autre que mes limites à ce moment-là. Il y a quelque chose de terriblement désolant à ne comprendre qu'après... et en même temps un formidable espoir de pouvoir faire mieux à partir de ça.
Je sais que ce que j'énonce est une évidence pour quiconque s'est un peu confronté au même genre d'épreuves, mais ces derniers jours je crois avoir passé un cap dans la connaissance de moi-même et d'autrui. J'avais envie d'en garder une trace...
À part ça, aujourd'hui les hautes lumières de Provence étaient particulièrement belles. Ce qui n'a fait qu'ajouter au plaisir inestimable de faire partie d'une famille unie et en paix...