Colère
Ce matin, comme chaque jour, j'arrive dans le bureau où nous préparons la journée. Auparavant nous échangions un peu sur nos impressions tant personnelles que liées au travail ou aux salariés, mais ce petit moment de convivialité a beaucoup perdu son côté plaisant depuis que deux de mes collègues font preuve de mauvais esprit et de récriminations trop fréquentes. L'ambiance générale s'en ressent et fait que je n'ai plus vraiment de plaisir à travailler dans ces conditions.
Ce matin, donc, je salue mes collègues et me rends immédiatement compte que celle que je nomme Artémis n'est pas dans un bon jour. Depuis plusieurs mois elle se montre trop souvent d'assez peu agréable compagnie, quoique ces derniers temps les choses semblaient s'améliorer.
Ne cherchant plus à communiquer avec elle dans ces circonstances, je n'ai rien dit en la sentant "sur les nerfs". Mais Artémis était carrément dans un de ses mauvais jours et s'est très rapidement montrée désagréable, irritable et capricieuse : elle exigeait de disposer d'un matériel dont d'autres avaient aussi besoin, sourde à toute proposition de compromis. C'est alors qu'elle a eu les mots de trop, signifiant qu'elle n'avait aucune envie de faire le moindre effort ni de tenir compte des besoins des autres. Un égoïsme revendiqué. Notre responsable, habituellement très zen, a commencé à tiquer en regardant vers moi l'air de dire « elle débloque », et moi je n'ai pas retenu ce que je sentais entrer en ébulition. Artémis à tenté de poursuivre son attitude de petit tyran colérique mais mon ton de voix est devenu beaucoup plus fort que le sien, lui disant clairement ce que je pensais de son attitude. Je suis allé un peu plus loin en lui affirmant qu'elle n'avait pas intérêt à me pousser à bout si elle ne voulait pas me voir vraiment être en colère, et que je la trouvais « chiante ». Ce à quoi elle a acquiescé, reconnaissant cette attitude que parfois elle revendique. Cette fois je ne l'ai pas accepté. Il faut dire aussi qu'elle s'amuse régulièrement à me titiller en vue de me faire perdre mon calme et ma modération légendaires, ce à quoi elle ne parvient habituellement pas. Ce drôle de jeu est destiné à me faire réagir selon ses règles : rapidité et impulsivité. Tout ce qu'elle a réussi à faire, à force d'être agaçante, c'est à rompre progressivement la sympathie, pour ne pas dire le début d'amitié que nous avions cet hiver. Je ne crois pas que ce soit un hasard : il me semble que de n'avoir pas répondu à ses attentes a fait de moi un "adversaire", même si de temps en temps elle redevient brièvement amicale... pour mieux m'attaquer ensuite. Ce n'est pas "méchant", mais pas très sympathique non plus de la part de celle qui sentait entre nous « que quelque chose de très fort était possible ».
En ce moment, allez savoir pourquoi, ma capacité à endurer les personnalités caractérielles est devenue très réduite. Je n'ai plus envie de *m'emmerder* à faire des efforts de conciliation avec qui n'en fait pas. Je crois que j'en ai assez de jouer les "gentils" en acceptant d'être malmené parce que je comprends et excuse des sautes d'humeur. Vient un moment où... faut quand même pas pousser.
Je crois que mon seuil de tolérance se réduit en même temps que mes limites sont attaquées. Je suis de nature calme et conciliante, attentive à ce qu'exprime autrui... mais faudrait quand même pas croire que j'accepte n'importe quoi.
Artémis en a fait les frais aujourd'hui, récoltant ce qu'elle a semé depuis des mois.
Résultat : dès ce soir elle a demandé à prendre des congés le plus vite et le plus longtemps possible, sentant bien qu'elle n'est plus à la hauteur de ses fonctions. Je n'ai rien dit en l'entendant en parler à notre responsable. Je ne l'ai même pas regardée. Finalement ce qu'elle est devenue fait que sa présence m'indiffère. De toutes façons dans sa tête elle est déjà partie (elle veut trouver un autre travail) et ce qui fût notre brève relation d'affection réciproque et d'échanges philosophico-spirituo-intellectuels s'est éteinte avant même d'être terminée.
Tant pis...