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Alter et ego (Carnet)
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28 octobre 2008

Fille adule père

Il était une fois...


Salut Tipapoute,

On ne se voit pas souvent, parce que maintenant on a tous nos vies. Et les quelques moments où on se voit, on a jamais tellement le temps de se parler, du moins pas d'aller très en profondeur.
Je me rappelle du temps où on parlait plus, quand j'étais à xxxxx (que tu m'emmenais en voiture). On parlait pas mal de votre séparation, de ta nouvelle façon de voir la vie...
Je pense que ça m'a pas mal ouvert l'esprit, même si je pense que je ne comprenais pas forcément ce que j'entendais de la même façon que tu le disais, puisque j'avais le vécu en moins.
J'aimais trop parler avec toi, et lire des bouts de livre que tu me conseillais. Et puis il y a eu un moment où j'en avais marre de trop réfléchir, parce que je me rendais compte que je ne me posais pas forcément les bonnes questions, et que ma réfléxion n'étais plus constructive. Au contraire, elle m'empêchait d'avancer, à toujours tout remettre en question je ne savais plus en quoi croire, en qui avoir confiance. Bref je me suis empêchée de trop partir dans ces questionnements éternels, et me suis laissée porter par la vie. En fait je n'ai jamais arrêté de réfléchir, c'était pas possible, mais disons que j'ai essayé de me détendre.
Cette petite pause m'a fait du bien, puisque maintenant je continue de me poser plein de questions, mais ne pas pouvoir y répondre ne me pose plus de problème, et que je ne recalcule plus ma vie en fonction des réponses que je trouve.
En fait si je t'écris ce mail, c'est parce qu'il m'est arrivé un truc que j'aimerais te raconter. C'est bizarre, je pense que tu es la première personne à qui j'ai voulu en parlé, et que justement je ne l'ai jamais fait.
Tu vas être fière de moi, j'ai fait comme toi! J'ai [ici son secret]
J'ai eu une relation pendant quelques mois avec X [...].
Personnellement il m'a toujours plu, mais je tenais en cage les prémices de quelques sentiments sachant qu'ils n'avaient pas leur place dans sa vie [...]. Ça marchait plutôt bien, c'était un bon copain. Puis c'est lui qui est venu vers moi. Alors je lui ai dit non, parce que c'était impensable pour moi. Déjà je ne pensais pas qu'il puisse ressentir quoi que ce soit à mon égard, [...]. Bref, situtation fort embarassante, il fallu que je me fasse violence pour repousser ce qui me faisait le plus envie.
Ça a marché. Puis nous nous sommes retrouvés, et il aurait été dommage de le repousser encore un fois. Mon premier refus m'avait protégée de ce qui n'aurait été qu'un coup de tête. Continuer à refuser m'aurait donné beaucoup de regret.
Voilà comment à commencé cette relation, pendant xxxxx où on se voyait tous les jours, ce qui ne me laissait pas le temps de réaliser ce qui se passait.
Je suis passée par beaucoup d'état d'esprit. Au début je me suis sentie mal par rapport à tout mon entourage, traître. Je sentais le poids de la morale m'écraser. Et puis peu à peu je ne voyais plus où était le mal. Cette relation n'était pas du tout malsaine, au contraire. Et puis je me suis sentie mal de ne plus avoir de scrupules... Et puis je me suis finalement dit que cette histoire était complètement légitime, parce que nous nous aimons bien tous les deux, et qu'on savait ce qu'on faisait [...].
C'était trop bien avec X, mais c'était compliqué. Alors on a arrêté il y a quelques jours. Ç'est super dur, parce que ni lui ni moi n'en avions vraiment envie, et qu'il nous faut réprimer nos sentiments.
Je ne l'ai pas revu depuis, juste eu au téléphone et par mail. Et ça se passe très bien. On retrouve cette relation d'amitié que l'on avait avant, qui de toutes façons avait toujours été ambiguë.
J'ai envie que ce soit possible d'avoir ce genre de relation. D'être capable de se tenir suffisamment à distance pour conserver une relation d'amitié. C'est tellement dur de savoir où sont les limites...
En tout cas c'est sûr que ça me fait pas mal réfléchir, et de manière plutôt positive il me semble. A la manière dont il faut que j'agisse pour ne pas abîmer cette relation qui va être pas facile, au moins au début... Parce que mes émotions prennent parfois le dessus sur la raison. Je me retiens souvent de lui dire ce qui me passe par la tête, parce que cela rendrait cette "rupture" très délicate. Plus longue, ou plus brutale, mais quoi qu'il en soit certainement plus différente.
Alors voilà je m'adresse à toi qui a vécu une histoire similaire. Je n'ai pas envie que tu me dise que pour que ça aille mieux il ne faut plus que je le vois du tout. J'ai envie que tu me donnes des conseils pour reconstruire une nouvelle relation, sans salir celle que nous venons d'avoir. Je sais que c'est possible, et que ce nouveau type de relation peut être génial, mais je voudrais que tu me mettes en garde devant les erreurs à ne pas commettre, s'il y en a.
Par contre ce que je me demande, c'est en quoi cette relation va être différente, mis à part la proximité physique. La complicité que nous avons eu ne va pas s'éteindre...
Tout ce que je t'écris doit pas mal manquer de recul, mais c'est encore neuf et mes idées ne sont pas très claires...

Tu sais ce que je me suis dit l'autre jour? Qu'en fait dans mon inconscient j'avais besoin de vivre cette relation pour légitimer celle qui a provoqué votre séparation...
Je pense que ça n'a rien à voir, mais je sais pas si j'aurais vécu cette relation aussi librement si tu n'étais pas passé par là avant. Alors merci!!

Bon mon Tipapoute, sur ces belles paroles...
Gros bécots
Gudule


Voila ce que me confie, avec une belle maturité d'analyse, ma fille de 22 ans [qui ne se prénomme évidemment pas Gudule...]. Elle m'a autorisé à reproduire sont texte ici, en l'anonymisant.

En le lisant ma première réaction a été... de la fierté. Heureux qu'elle s'adresse à moi, qu'elle m'exprime le plaisir qu'elle trouvait dans nos échanges d'autrefois. Réjoui qu'elle vive une relation qui lui plaise, assez sereinement semble t-il, malgré le contexte. Fier qu'elle se soit émancipée si jeune d'une morale rigide qu'apparemment je ne lui ai pas exagérément transmise. Ouf, ma fille est libre, au moins sur ce plan là ! Belle satisfaction de père...

Honnêtement, je me suis marré en lisant son message : diantre, quelle famille ! Après le père, la fille...

Je n'ai pas ressenti d'inquiétude : je connais suffisamment ma fille pour avoir une totale confiance dans son discernement. Si elle s'est engagée dans cette voie c'est qu'elle savait très bien ce qu'elle faisait. C'est d'ailleurs ce qu'elle dit. Ce qui m'a beaucoup plu c'est qu'elle ait suffisamment confiance en moi pour me demander conseil, très simplement, sur la suite à donner. J'y vois la marque d'une relation de qualité entre nous, où la parole peut circuler.

Par contre j'ai eu quelques hésitation avant de poster ce texte. D'abord vis à vis du "secret" que ma fille me confie, et que j'utilise ici. Mais il m'a semblé significatif de le mettre en intégralité, et de ne pas en gommer l'élément central : [expurgé depuis].

[...]. Pour ma part il y a bien longtemps que je me suis affranchi de ce que je perçois comme un carcan moral et/ou culturel. [...]. Et pourtant, qu'est-ce que j'étais imprégné de moralité, de droiture et de respect !!! Mais avant d'agir j'ai décortiqué les fondements de cette morale point par point, jusqu'à en arriver à une épure... qui a complètement changé ma représentation du couple. Abolissant mes valeurs anciennes, héritage familial et culturel, j'en ai construit de nouvelles, étayées sur des convictions choisies, analysées, éprouvées. C'est le résultat de cette grande remise en question que j'ai transmis à ma fille... n'imaginant pas qu'elle vivrait un jour, et si jeune, quelque chose de même nature.

Mon fils aîné, par contre, m'a dit récemment avoir été perturbé par ce qui émanait de mes réflexions à la même époque. Mais il faut dire qu'il vivait déjà une relation de couple depuis quelques années. Chaque enfant se sera donc forgé ses propres convictions et c'est très bien ainsi !

Pour ma part je les ai poussées jusqu'au bout : plutôt que de renoncer à la liberté relationnelle, que ma femme ne pouvait accepter, j'ai fini par admettre [difficilement] que nous mettions fin à notre couple conjugal, pourtant solide jusque-là. C'est ce qui ma rendu célibataire, libre de mes choix relationnels.

Nb : ce texte ne restera peut-être pas longtemps en ligne, ou pourra être expurgé de sa part la plus compromettante...

Commentaires
P
Elpis, je crois que dans ce cas le mot "trahir" est bien trop lourd de culpabilisation. Le terme "transgresser" me paraît bien plus adapté, parce qu'en fait c'est de cela qu'il s'agit avant tout : vivre quelque chose "qui ne se fait pas". <br /> La "trahison" peut être ressentie, c'est vrai, mais par rapport à des règles morales, éducatives, culturelles, ou simplement par rapport à un besoin de sécurité affective qui pousse à la possession. C'est un effet secondaire de la transgression.<br /> <br /> Vivez... vous verrez bien vers quoi cela vous mènera :o)
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E
Je vous écris de loin... Mais de trop près aussi car je vis exactement ce que vous vivez avec votre fille, dans sa position à elle.<br /> Cette liberté d'esprit que vous exposez dans vos rapports père-fille, je l'expérimente et observe combien elle en manque dans les rapports de famille chez mon copain. Ils en souffrent tellement! Et c'est exactement cela qui nous empêche, lui et moi, d'avoir des rapports plus "légers".<br /> Je crois qu'il est l'heure d'essayer de "trahir, transgresser, pour nous mêmes", de tout notre coeur, de tout notre corps!<br /> Merci pour votre "post", <br /> Elpis
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P
Jeanne : « Le premier travail étant de contredire la croyance fondatrice de la fatalité et de l'immuable pour accepter que le changement est possible. » Mine de rien cette phrase pointe sur quelque chose d'extrêmement important, qui sépare radicalement ceux qui osent essayer et ceux qui estiment que c'est inutile « parce que ça a toujours été ainsi ». Mais... rien n'est immuable. La preuve nous en est donnée aujourd'hui, avec l'élection du premier président américain Noir.<br /> <br /> Merci pour cette appréciation Valclair, je la reçois avec plaisir :o)
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V
Je trouve ça magnifique, Pierre, cette communication avec ta fille, simplement magnifique et signe d'une très grande réussite.
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J
La faute : une longue histoire que je n'avais pas perçue comme pouvant être un refuge. Exporation à poursuivre en privé.<br /> <br /> C'est aussi une piste que m'a proposée mon prof de Qi Gong en l'exprimant autrement en me demandant si j'habitais un espace , si cet espave était reconnaissable par l'autre ( au sens large) et si cet espace pouvait s'élargir en espace- lieu de rencontre. Un long chemin pour lequel il faudra que je sache demander et accepter d'être accompagnée. <br /> Je vais peut-être vous donner encore une fois l'impression de "trouver chez l'autre les raisons de (mes) maux". Simplement, je persiste à penser qu'il faut apprendre ( et pratiquer) la grammaire relationnelle, que ce sont les éducateurs qui doivent initier cet apprentissage. Seulement, chaque existence a ses ratés, et parfois il faut travailler dur pour rattrapper ce qui peut l'être. Le premier travail étant de contredire la croyance fondatrice de la fatalité et de l'immuable pour accepter que le changement est possible.
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P
« si mes ressentis ne sont pas reconnus, c'est de ma faute ».<br /> <br /> L'idée de faute me déplaît, car toujours culpabilisante, mais se demander en quoi on est responsable de la non-reconnaissance de nos ressentis peut mener loin... en soi. Je crois très instructif de toujours se demander : qu'ai-je fait pour que les choses se passent ainsi ?<br /> <br /> Dans un réflexe d'auto-protection, il est bien plus facile de trouver chez l'autre les raisons de nos maux.
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J
Interessant ce que vous dites Pierre, comme si je cherchais (encore et toujours) à minimiser les blessures causées par mon mari. Dans son travail, Monsieur a dû "liquider" successivement deux entreprises et je faisais remarquer à ma fille que cela l'avait préparé à "liquider" aussi sa famille ; elle m'a rétorqué de cesser de lui trouver des excuses !<br /> <br /> Il n'est pas facile de se faire respecter lorsqu'on a été dressée à obéir. De là à dire que si mes ressentis ne sont pas reconnus, c'est de ma faute, il y a un tout petis pas...
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P
Je ne crois pas me tromper, Jeanne, en perçevant une profonde blessure à la suite de cette « répudiation » (le terme en dit déjà long...) et de la tentative d'isolement. <br /> Chaque histoire a ses particularités, mais la votre semble particulièrement violente du fait que vos ressentis, forcément douloureux en pareille situation, n'aient pas été reconnus. Je crois savoir que de disqualifier l'autre est une façon de se sentir moins coupable du mal qu'on lui fait et c'est peut-être ce qui a dicté les réactions de « ce monsieur ».<br /> <br /> Montrer UNE voie laisse cependant l'autre entièrement responsable de ses actes. Le père de votre fille a suivi cette traces, mais il aurait pu en suivre bien d'autres. Alors pourquoi celle-là ? Lui seul peut le savoir...<br /> <br /> Pour ce qui est des ressemblances les coïncidences ont effectivement de quoi interpeller... surtout dans ce sens "inversé" (père prenant modèle sur sa fille !)
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J
J'ai mis plusieurs jours avant de commenter cet article, par crainte de provoquer l'effaacement de ce billet. Et puis le billet a fait son chemin et voilà ce que j'ai trouvé.<br /> <br /> Une étrange symétrie :<br /> Ma fille (notre fille) a montré la voie, elle a donné "l'autorisation" à son père de me répudier. Son père l'a imité jusque dans la situation de patron ( ma fille et lui) à collaborateur ( le compagnon et la concubine respectifs), l'âge ( la concubine de mon époux est plus jeune que le compagnon de ma fille) , le nombre et l'âge des enfants des familles ainsi recomposées.<br /> <br /> Le mimétisme est saisissant :<br /> Ma fille a choisi quasiment le même métier que son père !<br /> Même les week-ends avec enfants coincident !<br /> <br /> le clin d'oeil : le père de ma fille fut en son temps scandalisé par la conduite de celle-ci. Quant à lui, il a attendu, pour sauter le pas, que son propre père soit décédé.<br /> <br /> Par contre je n'ai pas entendu( mais suis-je capable de le percevoir si celà est)un embryon d'empathie de la part du nouveau couple. Je n'ai vu que de l'arrogance, je n'ai ressenti qu'une volonté de m'anéantir, de nier ce que je peux ressentir et une grande habileté à me couper de tous ceux qui gravitaient autour du couple que nous étions. L'isolement comme moyen de tuer l'autre.<br /> <br /> Maintenant, il me reste à réfléchir au seul commentaire de Monsieur : " C (concubine), elle, n'a pas d'interdit " !
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P
Exact Yogi: « tête, coeur, ventre » sont les trois entités qui mènent nos actes, et la dernière est loin d'être la plus maîtrisable...
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