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Alter et ego (Carnet)
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6 novembre 2008

Redevenir étrangers

Hier soir, après avoir lu chacun de notre côté le « Projet de liquidation de communauté » transmis par le notaire, Charlotte m'a téléphoné pour vérifier quelques détails. Ce soir elle m'a rappelé et nous avons finalement bavardé assez longuement. Elle m'a fait part d'une certaine amertume, à cause de la non-reconnaissance par la loi de sa situation particulière d'épouse ayant subvenu majoritairement aux besoins financiers de la famille (Charlotte gagnait davantage d'argent que moi). Héritière d'une culture qui plaçait la femme au centre des tâches domestiques elle est aujourd'hui amère d'avoir endossé ce rôle, qui n'est pas vraiment reconnu. Elle s'est faite passer après ses enfants et les projets de son mari [moi, en l'occurence...]

Tant que nous étions dans un relatif équilibre elle ne s'était pas vraiment rendue compte de l'inégalité des tâches. Elle prenait à sa charge le quotidien, "invisible", tandis que je construisais, aménageais, bricolais. Ce qui était plus gratifiant. Je ne me rendais pas vraiment compte de la disparité, quoique me sentant vaguement coupable d'avoir une place plus enviable. Quand Charlotte a réalisé qu'elle en faisait beaucoup plus que moi, qu'elle rapportait davantage de revenus, et que moi je désinvestissais mon travail pour me consacrer à... une remise en question existentielle... ben là elle a trouvé que c'était pas juste ! Je la comprends totalement. Le problème c'est que tout ça se jouait au moment ou je prenais conscience que je ne trouvais pas dans ce couple l'équilibre auquel j'aspirais.

Il n'y a donc pas vraiment eu le temps et l'espace de renégocier notre mode de vie en couple. L'heure était plutôt aux grandes questions sur sa pérénnité...

Conjointement nous avons choisi de suivre notre intuition, tout en dialoguant beaucoup. Finalement Charlotte a choisi la séparation puisque mes aspirations nouvelles n'étaient pas compatibles avec les siennes.

Bref... quatre ans plus tard, et après deux ans de "quasi-divorce" (nous sommes séparés, mais sans concrétisation légale), nous voila au pied du mur : liquidation de ce qui nous lie encore légalement.

Charlotte sait que j'ai reconnu son préjudice d'épouse lésée. Je l'ai fait aussi bien verbalement que financièrement, en ne demandant pas la somme qui m'étais "due" (pour moi ça n'aurait eu aucun sens, et surtout pas celui que j'avais envie de donner). Mais la loi ne reconnait pas l'énergie et le temps consacrés à la vie domestique d'une famille. Ça n'a aucune "valeur", et c'est ce qui frustre Charlotte. Sentiment adouci par le fait que le notaire reconnaisse lui aussi l'injustice de la loi, en retard par rapport aux évolutions de la société.

Devant mon sentiment d'impuissance Charlotte a bien précisé que ce n'était pas à moi qu'elle en voulait, mais à la loi. De mon côté je lui ai fait part de mon pincement en lisant ces quelques lignes « En ce qui concerne les donations au dernier vivant qui ont pu être consenties entre époux, ceux-ci, d'un commun accord, déclarent les révoquer purement et simplement, ainsi que tous avantages matrimoniaux... ». Elle m'a dit avoir pleuré en lisant cette phrase. Ben oui... on a beau savoir qu'on l'a choisi, c'est pas si facile de couper tout ce qui nous lie. Pas facile de nous rendre légalement étrangers l'un à l'autre. Elle a ajouté que c'est pour ça qu'elle avait mis tant de temps à partir, malgré sa décision.

À la fin de la conversation j'ai remercié Charlotte de m'avoir fait part de son émotion. Ça m'a fait du bien de constater cet attachement qui demeure, quoi qu'il ait pu se passer de difficile au plus fort de la crise.

En quelques mots elle a aussi expliqué la distance qu'elle a prise, nécessaire pour réinvestir sa place de femme trop longtemps "sacrifiée" à ses enfants et son mari. Je lui ai dit avoir accepté cette distance et nous avons conclu sur ces deuxièmes vies que nous découvrons séparément.

 

J'apprécie qu'on puisse parler aisément de cette procédure de dissolution, faire part de nos avis et ressentis. Partager. J'y vois une façon de traverser "ensemble" cette concrétisation de notre divorce et je reconnais que j'en suis plutôt fier [et hop, encore une gerbe de fleurs !]

 

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Commentaires
C
Toutes ces questions de séparation, de divorce que je n'arrive pas à résoudre.<br /> Et aussi qu'est-ce que l'amour ?
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P
Ah ? euuuuh... ah ben oui, la sexualité.<br /> <br /> Oui, ça précise tout de suite de quel amour on parle ;o)<br /> <br /> Ouais mais là ça complexifie un peu le truc. Parce que... ben justement : passé et présent (avenir ?). Tout à commencé par là... et tout s'est terminé par là. Si c'est de cet amour dont on parle, alors oui il est terminé.<br /> <br /> Quand je dis que j'aime autrement, ça veut dire qu'il n'y a plus de sexualité, plus de cohabitation, donc plus de "couple" tel qu'on le conçoit habituellement. Et pourtant, il en reste quelque chose... qui est bien de l'amour.<br /> <br /> D'ailleurs c'est vachement bon de pouvoir se dire qu'on s'aime quand il n'y a plus d'enjeux de séduction, de désir, de sexualité...<br /> <br /> Je sais pas si j'ai répondu comme tu le souhaitais Ségolène ? Tu me diras. De toutes façons il y aurait beaucoup à dire sur le sujet !<br /> Je note ça dans un coin, et je verrai si je peux y revenir.
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S
Pardonne moi Pierre, je sais que tu le feras.<br /> Faudrait mettre des mots.<br /> Et la sexualité dans tout ça ?<br /> Je le dis pas par provoc.<br /> Je le dis parce que c'est quand même pour moi essentiel pour parler d'amour. Ca situe bien les choses dans leur actualité. Passé, présent, avenir.
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P
Adolescent de l'amour ? Ah ben oui, peut-être...<br /> <br /> Je me demande un peu ce que cerait un amour adulte. Celui qui n'entame pas un nouvel amour sans avoir définitivement banni le précédent ? Hmouais... si c'est ça je pense être loin d'être adulte, parce que je ne crois pas que l'amour soit fragmentable ;o)<br /> <br /> Petits arrangements pour accompagner en douceur l'inéluctable, ouais, ça me va. J'ai un faible pour la douceur, je le reconnais (c'est un peu enfantin ça...), mais je crois savoir avancer quand même, sans être trop coupant/tranchant. J'essaie de trouver le juste équilibre entre ce qui relie et sépare, je trouve cette recherche très enrichissante.
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L
ah Pierre !! tu es resté un adolescent de l'amour et tes tentatives touchantes pour bricoler avec des "petits arrangements" autours de l'inéluctable feraient les délices d'une pièce de Marivaux..<br /> reste comme tu es Pierre c'est cette part d'enfance qui nous émeut !
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P
J'aime bien la présentation que tu en fais, Cassy :o)<br /> <br /> Juste une précision : je crois que Charlotte est dans le même genre d'amour à mon égard. C'est ce qui rend possible notre entente.<br /> <br /> C'est aussi ce qui rend exprimable mon amour. Si elle était dans le rejet et le ressentiment ça me serait bien plus difficile, parce que ma sensibilité me ferait réagir aux blessures ressenties...
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C
J'aime bien ce que dis Alainx. Mais je l'aurais formulé autrement.<br /> Je ne pense pas que parler de divorce ou separation te fasse peur.<br /> Ce que tu ne veux pas, c'est qu'on associe ces mots à fin d'un amour. <br /> Moi je ne lis dans tes entrées que de l'amour, je parle d'un amour profond qui va au delà d'une vie de couple. <br /> Tu aimes profondément ton ex compagne, ça se lit dans tes mots.<br /> Je crois même que lorsque tu feras le bilan de ta vie il restera l'amour le plus profond que tu aies pu exprimer. <br /> Et c'est sans doute pour cette raison que tu n'envisage pas une autre vie de couple.<br /> En fait la séparation n'est qu'une signature sur un papier, un changement d'adresse, un partage le plus égal possible des biens communs. <br /> L'amour ne se partage plus, mais il est ancré en toi. Un amour différent mais un amour quand même.<br /> Charlotte n'a pas accédé à cet amour là, parce qu'elle est sans doute encore fragile, parce qu'elle se bat encore elle. Toi tu acceptes, sans avoir peur, sans renoncer à un "certain amour".<br /> C'est comme ça que je te vois pierre.
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P
Ce qui m'interloque, Alainx, c'est le besoin qu'il y a chez beaucoup de personnes extérieures à un couple (de façon générale) de dire qu'un amour est "terminé". Ça veut dire quoi "terminé", quand il reste manifestement un attachement fort, une solidarité, une confiance, une bienveillance particulière ? Un amour, est-ce que ça se termine forcément ?<br /> <br /> Je le comprends d'autant moins de ta part que tu sembles aller dans le sens de l'amour durable. Est-ce à dire que seul l'amour durable EN COUPLE aurait cette valeur de durabilité ?<br /> <br /> J'accepte fort bien cette séparation, déjà ancienne, tout autant que la concrétisation prochaine du divorce. Mais ça ne m'empêche pas de ressentir des émotions par rapport aux implications que je décris. Justement, c'est le signe d'un amour d'une autre nature que l'amour "classique" au sein d'un couple cohabitant, et c'est que je me plais à tenter de préciser dans mes écrits.<br /> <br /> Combien de fois me suis-je posé, ici, cette question : « c'est quoi l'amour ? ». Je n'ai toujours pas de réponse précise, et je ne pense pas en trouver une. Je ne pourrai que préciser des contours variables, peu peu cerner ce qui en est et ce qui n'en est pas. Mais dire que l'amour entre Charlotte et moi est terminé, non, ça n'a pas de sens. Du moins au sens ou j'entends le mot "amour", bien plus vaste que le simple "amour-amoureux", ou "amour de couple cohabitant".<br /> <br /> Je crois qu'avant de parler d'amour on devrait tenter de préciser de quel amour on parle...
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A
C'est curieux de voir comment tu mets en place toute une stratégie et tout un raisonnement, plutôt bien construit intellectuellement d'ailleurs, pour éviter de rendre compte d'un amour qui s'est terminé...<br /> comme si quelque parte tu n'acceptais par la séparation et le divorce.
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P
Ah non Christine, pas d'accord ! ;o)<br /> <br /> Le terme "amour fini" ne me convient pas. Il n'est pas fini, il s'est transformé. Pour "amour passé", ça me semble plus juste : il y avait une certaine forme d'amour, autrefois, qui n'a pas pu durer de la même façon. Donc nouvelle façon d'aimer, qui ressemble beaucoup à l'amitié dans ses modalités, mais en diffère profondément à cause de ce passé, précisément. Charlotte ne sera jamais une "amie" comme une autre, pour moi.<br /> <br /> Pour le reste, je suis d'accord : actuellement, dans ma tête, Charlotte reste "unique" dans bien des domaines, et surtout pour ce qu'il y a de plus profond. Je ne pense pas me remarier un jour, ni reconstruire une vie de couple telle que ce que j'ai vécu avec elle. Je le dis sans aucune tristesse ni amertume. <br /> <br /> Je précise auand même que ce qui m'a "fermé" à l'amour-amoureux (mais pas à l'Amour) n'a aucun lien avec l'évolution de ma relation avec Charlotte.<br /> <br /> Françoise, le "projet de liquidation" dont je parle est celui qui s'effectue devant notaire. Apparemment n'est pris en compte que ce qui a une valeur monétaire. J'avais proposé qu'il soit tenu compte de l'importante participation financière de Charlotte aux frais de la famille, mais le notaire à dit que, puisque nous étions mariés, toute somme rentrait dans le "pot commun". Le reste est considéré comme des arrangements au sein du couple, acceptés comme tels. Il serait impossible de départager les contributions en nature de chacun, à moins que manifestement ce soit mesurable (p. ex. femme au foyer n'ayant jamais été rémunérée et homme n'en foutant pas une rame à la maison).<br /> <br /> Pour ce qui est du divorce, mon épouse préfère cette décision, qui nous "libère" complètement l'un de l'autre. Je pense qu'effectivement c'est assez sain. Ça nous donne une liberté de nous engager avec un/une autre, éventuellement. Et puis rien n'empêche qu'un lien particulier demeure, après divorce. <br /> <br /> Je dois dire que le fait d'avoir des enfants me soulage : si je meurs avant Charlotte ils hériteront de mes biens... et pourront ainsi en faire bénéficier Charlotte. Sinon elle n'aurait droit à rien, ou presque, de ce que nous avons construit ensemble. Même si je deviens légalement seul propriétaire de ce bien commun, je considère qu'il est, affectivement parlant, à moitié à elle.<br /> <br /> Bon... si jamais un jour j'ai une compagne avec qui j'ai envie de partager quelque chose de matériel je changerai peut-être de point de vue... mais il se trouve que je ne souhaite plus me trouver dans ce cas de figure. D'où mon célibat délibérément choisi, probablement.
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