L'esprit de couple
Quelques échanges de réflexions, ici où là, me conduisent à préciser ma façon de perçevoir le couple. Pour moi avant tout, mais que je me fais un plaisir de partager. C'est un petit état des lieux du moment, reflet de l'état d'esprit du jour, après cinq années d'évolution en marge...
Comme mon précédent texte le montre je reste, malgré les années de séparation et le divorce prochain, partiellement mais indissolublement lié à mon épouse ["Ex-épouse", pour les puristes, bien que je rechigne à employer ce terme]. Charlotte, dans mon esprit, reste "ma" femme, celle avec qui j'avais choisi de réaliser ma vie, avec qui j'ai choisi de fonder une famille. Que nous n'ayons plus de projets en commun, que nous ne vivions plus ensemble depuis plus de quatre ans, que nous n'ayons plus aucune intimité physique depuis presque autant ne change rien à l'affaire. J'ai construit, mentalement, affectivement, psychiquement, éthiquement, spirituellement ce couple comme unique et durable. Éternellement durable, « jusqu'à ce que la mort nous sépare ». C'est du moins ainsi que je ressens les choses au point où j'en suis aujourd'hui. Cela évoluera peut-être selon les circonstances, que personne ne s'inquiète !
Bien sûr la séparation a quelque peu modifié l'entièreté de cet engagement. Je ne me considère plus engagé comme si nous étions restés ensemble [ah ben ouais, quand même !]. Auparavant - et c'est d'ailleurs l'élément déclencheur de la séparation - je m'étais déjà soustrait d'un engagement fondateur : l'exclusivité sexuelle et sentimentale. J'ai très largement developpé dans mes écrits, il y a fort longtemps, ce qui m'avait mené à ce choix vital longuement réfléchi et totalement assumé. C'est notamment le résultat de cette démarche qui fait que je ne ressens pas le besoin de trancher dans le vif pour m'ouvrir à de nouvelles relations : je ne me situe plus dans l'exclusivité relationnelle.
Je constate cependant que, malgré cela, je ne fais pas grand chose pour susciter des rencontres disons... un peu poussées. Assurément je ne cherche pas à me remettre en couple ! Mais ça va plus loin puisque l'idée même de former un nouveau couple n'a pas de place dans mes pensées. Alors, pourquoi cette retenue ?
Je ne crois pas que ce soit seulement par fidélité/respect envers Charlotte, puisque je me sens libre dans mes rencontres [quoique je la préserve d'en avoir connaissance...]. C'est plutôt comme s'il n'y avait pas vraiment la place pour un investissement complet. Je le vois notamment dans le côté matériel des choses, et plus particulièrement par rapport à "notre" maison, que j'imagine mal être transformée par une nouvelle compagne qui, de toute évidence, aimerait l'aménager à son goût. Je l'ai constaté lorsque K. a eu quelques vélléités dans ce sens...
Cette maison est restée quasiment intacte depuis le départ de Charlotte. Je n'ai pas ressenti le désir de me l'approprier [sauf en y laissant s'exercer mon talent de sansougne, cher à Samantdi...]. On pourrait penser à une sorte de sanctuarisation, mais j'y vois plutôt un... respect envers l'esprit de Charlotte. Non, je ne parle pas de son fantôme, mais de ce qu'elle a apporté d'elle dans cette maison. Son empreinte. Je n'ai pas envie de la gommer, j'aurais l'impression de renier le passé. Pourtant je ne pense pas à Charlotte tous les jours, loin de là ! Je ne revisite pas non plus nos souvenirs communs. Non, elle est partie et bien partie... et je ne souhaite pas un hypothétique retour en arrière. Je vis très bien seul, bien plus tranquille que lorsqu'elle était là, même si je suis privé des moment de bonheur que je ressentais dans le partage avec elle. Pour autant, je n'ai pas envie d'effacer sa trace. Elle a sa place dans mon esprit. Je pense que cela correspond aussi à un processus de deuil paisible, voire confortable. Douillet, pourrais-je même dire. Ben oui, puisqu'il n'y a pas d'urgence... je me donne le temps de constater l'évolution naturelle des choses. Car à l'évidence le lien se transforme avec l'éloignement.
Et puis il n'y a pas que ça : c'est aussi la maison de nos enfants et je n'ai pas jugé opportun de changer les choses à une période de transition pour eux aussi. Ils n'y reviennent pas très souvent mais aiment la retrouver telle quelle. Ils n'ont pas envie, par exemple, que j'utilise "leur" chambre pour une nouvelle affectation. Donc, rien ne pressait... jusqu'à ce qu'une certaine K. vienne fort opportunément bousculer un peu cet immobilisme. Cela me pousse au moins à une remise en question de ce status quo.
Depuis quatre ans je n'ai eu que de [très] rares amies-amantes, sans que pour autant je me sente "en couple" ni n'en ressente le désir. Au contraire, cette idée, même à peine esquissée, aurait plutôt tendance à me faire fuir. La susnommée K. en sait quelque chose... Pourtant j'apprécie de partager de temps en temps mon quotidien avec elle, passer du temps à deux, nous découvrir, retrouver une présence en rentrant le soir. Et même le plaisir rare de faire les courses à deux ! Tout cela est très bon, mais c'est au jour le jour : pas question d'engagement sur la durée. Une sorte de couple temporaire, intermittent.
Cette réticence à toute forme d'engagement durable n'est pas vraiment lié à ma séparation d'avec Charlotte. Avec elle, quoique transformé, adapté, le lien parvient à demeurer dans la durée, conformément à mes désirs. Le blocage découle surtout de l'autre couple qui s'était formé en parallèle. Celui qui a enclenché la séparation conjugale. Autre couple que j'ai construit sur les mêmes principes éthiques que le premier, excepté dans la dimension familiale. Pour moi les deux relations étaient investies de façon équivalente, bien que très différemment dans leur aspect matériel. Erreur d'appréciation lourde de conséquences : l'interruption brutale et prématurée de ce nouveau couple, construit comme durable, a brisé quelque chose de très profond dans ma représentation des liens. S'y est fracturé l'élan vital qui l'avait rendu possible et en même temps, apparemment, celui qui pourrait me mener vers d'autres aventures.
Ce n'est donc pas tant ma séparation conjugale qui m'a "fermé" à l'idée du couple que sa conjonction avec l'autre séparation. Double séparation mettant en place des effets auto-protecteurs hyper performants ! J'avais donné une très grande place au couple parallèle, tout en voulant conserver "l'esprit du couple" que je formais avec Charlotte. Chargé de ces deux histoires le regard que je porte désormais sur le concept de couple ne laisse guère de place pour en créer un nouveau. Un peu surpris je me borne à le constater, sans état d'âme particulier : c'est ainsi. L'élan brisé dans la construction du couple parallèle a, semble t-il, écrasé quelque chose dans sa chute. Le désenchantement m'a fait entrer dans une sorte de piège qui tourne en circuit fermé. Aspirations fantômes qui ne m'ont pas permis, jusque-là, de retrouver l'espérance amoureuse. Force est de constater que j'y suis hermétique. Quelque chose est resté coincé quelque part, dans un autre monde.
Ça me semblerait un peu dommage si ça devait durer. Je crois qu'un élément essentiel de l'existence s'y perdrait. Une légèreté qui, en son temps, m'a porté très loin.
Assez bizarrement, c'est donc l'alliance de deux histoires de couples inconciliables qui bloquent le désir d'en construire de nouveau, tout en empêchant le retour d'une espérance amoureuse. Et puisque aucun autre n'est autorisé à les supplanter, mes liens anciens restent assez présents dans ma tête ! [ouais, ça se mord la queue tout ça...]
Bon, c'est ainsi et ça ne me dérange pas pour le moment. J'accepte fort bien ce temps de mutation, observant ce qui en découle. J'ai probablement encore besoin de temps pour redéfinir ma perception de ce que j'appelle "l'esprit de couple" et que je pourrais traduire par "mon idéal du couple". Il me faut seulement le dissocier de l'idée de durée, alors que dans mon esprit il ne l'est pas.
Vivre au présent, quoi, comme d'habitude...
Une empreinte bleue sur la maison...