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Alter et ego (Carnet)
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16 décembre 2008

Écriture publique, de l'intime au privé (1)

  • J'entame ici une série de réflexions autour de ma pratique de l'écriture publique intime et/ou privée. Le sujet m'intéresse depuis l'origine et n'a cessé d'accompagner ma démarche. Je crois savoir que cet engouement n'est pas partagé par tous les lecteurs, surtout s'ils ne sont pas blogueurs, mais bon... ce sera le menu des jours à venir. Et puis je sais qu'il y en a qui ont des réflexions du même genre...

Lorsque j'ai commencé à écrire en ligne, il y a plus de huit ans, j'ai suivi le mode d'écriture que j'avais antérieurement : celui du journal intime. J'ai donc raconté ma vie, comme d'autres le faisaient déjà à cette époque antébloguienne. Passé le paradoxe de l'intimité dévoilée en public, c'était assez simple : j'écrivais comme ça me venait, au fil du clavier. Quant aux échanges, fondements de ce mode d'écriture, ils se faisaient en privé.

Au fil du temps c'est devenu nettement plus compliqué... Le poids des mots s'est alourdi. Du coup c'est la dimension intime que j'ai allégée en ouvrant ce carnet-blog. Mais l'interaction avec les lecteurs-blogueurs y est devenue visible par tous [le genre masculin l'emporte, mais la logique proportionnelle voudrait qu'ici ce soit le féminin...]. Cette apparence de transparence a remis en question mon rapport à l'intime et à la vie privée. Je suis devenu plus discret. Et puis vous êtes devenus plus nombreux, plus diversifiés, plus présents...

Certaines lectures réciproques se sont révélées être durables, créatrices de liens, tandis que beaucoup d'autres se sont éteintes. Je passe sur les furtives traces des lecteurs de passage mais n'oublie pas ceux qui choisissent de lire en silence, fidèlement. De tout cela il résulte un lectorat pluriel, avec qui j'entretiens des rapports très variables, perturbant la représentation que je peux en avoir. Selon mon état d'esprit cela me fait orienter préférentiellement mes écrits vers ce que j'imagine des uns ou des autres. Du coup je ne me sens pas toujours cohérent et, là encore, ça me dérange un peu. Je crois que j'aimerais assez me sentir homogène, unifié. Sans failles, peut-être ?

Force est de constater que ce n'est pas le cas. Je suis, moi aussi, pluriel. Pas forcément celui que je crois être, et certainement pas celui que je tente de décrire. Le portrait n'est ni vrai, ni faux, mais toujours incomplet.

Oh la la, dans quelle gamberge il est encore parti, le Pierrot, se disent mes fidèles groupies !
Nan, vous inquiétez pas, c'est mon style d'écriture qui donne cette impression de sérieux. C'est une image faussée. En vrai je ne le suis pas autant, juré craché !

Tiens, c'est justement ce genre de trucs qui m'agacent un peu quand j'écris : l'image que mes écrits peuvent donner de moi. Toujours faussée, mais truffée de vérité. Allez faire le tri dans tout ça, après...

Mais bon, on s'en fout : j'écris parce que j'en ai envie et vous lisez parce que ça vous plaît [mes doigts se rebellent quand je veux écrire ces derniers mots...].

Cependant... ceux d'entre vous qui me lisent depuis plusieurs années auront remarqué, je suppose, que mon rythme d'écriture a notablement perdu en fréquence et en intensité. Autrefois j'écrivais quasi quotidiennement et souvent très longuement. J'étais alors dans une période de découverte, devenue recherche de sens, voire quête du Graal... L'ensemble déclencha une réflexion fébrile et persistante, de laquelle s'écoula une logorrhée qui semblait intarissable. Mais aujourd'hui je ne cherche plus ! Je trouve...

Enfin... disons plutôt que je laisse mon esprit cherchouiller sans forcer. Je me laisse porter sans me prendre la tête [héhé, ça se voit pas, hein ?]

Après m'être initialement intéressé à l'écriture de soi sur internet, puis aux relations qui pouvaient se nouer par ce biais, j'ai poursuivi mes réflexions autour de l'idée de liberté dans le couple. Finalement c'est dans tous les aspects de la séparation que se sont concentrées mes cogitations écrites. L'ensemble m'amenant à une sorte d'émancipation affective. Tout au long des différentes périodes j'ai gardé comme fil conducteur l'idée de relation, de lien, de dialogue... et les corrélations que l'on pouvait établir entre l'outil internet et la "vraie vie". Mais le véritable objectif c'est *l'être soi*. Au total voila près de dix ans que j'approfondis le sujet, dont plus de huit sont archivés en ligne.

À quoi ça sert d'avoir consigné tout ça ? Je n'en sais rien, sauf que cette expression publique aura notablement influé sur mon parcours existentiel. C'est déjà pas mal...

Pour différentes raisons que je ne saurais synthétiser je me suis progressivement trouvé contraint dans ma liberté d'expression, alors que je cherchais initialement l'inverse [tiens, tiens : chercher une chose... et en trouver une autre]. Depuis pas mal de temps il y a des sujets que je ne n'aborde plus. Parfois je tourne autour, en dessine les contours, en effleure les ombres, mais ne les attaque plus de face. Trop compliqué, trop dangereux. Terrain miné. Vie privée !

Il m'aura fallu beaucoup de temps pour que je parvienne à faire la distinction entre intimité et vie privée. Maintenant je sais...

Raconter ma vie comme je le faisait au début, dévoiler une partie de mes pensées intimes, n'a rien à voir avec la notion de "vie privée". Mon intimité m'appartient et j'en fais ce que j'en veux, alors que pour ma vie privée l'appartenance et l'usage sont nettement plus complexes à définir...

(à suivre )

Sur le même thème : "Dans les affres de l'hésitation", par Valclair

Commentaires
L
devenir "bronzé" tu veux dire ?
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~
Elle a bon dos la liqueur de vipérine ! <br /> Il ne fait tout simplement pas bon devenir vieux hihi :) !
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P
Julie, si je ne gambergeais pas personne ne me reconnaîtrait ici. La gamberge et le malaxage neuronal c'est mon identité ;o)<br /> <br /> Claire-Lise, je crois bien que ces pistes de réflexion ne sont pas un pur hasard. Il y a un peu d'expérience derrière tout ça ;o)<br /> <br /> C'est vrai, le mot "homogène" est mal choisi. J'aurais du utiliser le mot "fiable", qui correspond davantage à ce que je veux exprimer. La fiabilité n'empêche pas les failles, d'ailleurs. Ma volonté d'être fiable c'est chercher à me connaître, forces et limites, donc me considérer comme responsable de mes actes. Pour moi c'est très important...<br /> <br /> Cela correspond à cette quête du "qui je suis" dont tu parles ensuite. Cette aspiration me semble vraiment correspondre au sens de l'existence.<br /> <br /> D'accord avec le fait que je ne peux pas forcément correspondre à l'image que les autres peuvent se faire de moi. Il n'empêche que j'essaie de tendre vers cette superposition, toujours dans un souci de "fiabilité", si ce n'est d'honnêteté. L'important est de ne pas chercher à tout prix cette impossible correspondance, accepter que les autres puissent projeter sur moi ce qui leur appartient.<br /> <br /> Merci pour le terme de "profondeur", que je préfère largement à celui de "sérieux" ;o)<br /> <br /> D'accord aussi avec véritéS plutôt que vérité...<br /> <br /> J'aime bien ce que tu dis au sujet du "je suis", à la place du "j'existe" (= je voudrais exister), et la mutation que cela peut opérer dans l'écriture. Il me semble que ça aboutit à la même conclusion de mon texte d'aujourd'hui.<br /> <br /> Valclair, je me doute, je me doute... ;o)<br /> <br /> Gicerilla c'est intéressant ce que vous dites au sujet du féminin. Dans mon esprit je pensais au fait que mon lectorat est majoritairement féminin, alors que vous avez vu, il me semble, l'aspect "féminin", parce qu'intérieur, de mon écriture.<br /> <br /> C'est vrai, les hommes semblent exprimer préférentiellement leur intériorité par le biais de l'écriture. Est-ce une façon de se tenir à distance de leurs émotions ? Je ne crois pas que la crainte de la persistance des écrits soit un enjeu, précisément parce que ce qui est écrit est réfléchi. J'ai l'impression qu'un homme qui écrit ses ressentis restitue le souvenir de ceux-ci, alors qu'une femme sera davantage dans l'expression "en direct". Est-ce que cela vient de votre capacité à faire plusieurs choses simultanément, ce dont le mâle semble peu capable ?<br /> <br /> Me voila en pleine différenciation sexuée, moi qui ai horreur de ça ! D'ici à en tirer des règles comportementales immuables il y a un grand pas que je ne franchirai pas : nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Mais le constat des différence semble assez indéniable.<br /> <br /> Je suis ravi d'apprendre que mes pensées masculines vous sont utiles :o)<br /> <br /> V... je pardonne volontiers, encore faut-il que je sache ce dont il est question. Or je ne crois pas avoir l'honneur de vous connaître. Serais-je un homonyme ?<br /> <br /> Léon, il reste encore beaucoup de neige ici, mais nul risque d'avalanche.<br /> <br /> J'aime bien ce que tu dis de "l'espèce en voie d'apparition" :o)<br /> Soigne-toi bien et n'abuse pas trop des "médicaments" !
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L
uh uh c'est bien y a pas que moi qui abuse de la liqueur de vipérine... <br /> pas de blème Pierre lachons lachons ! <br /> (pfff mon état s'améliore pas je viens de mettre la moulure de café dans le réservoir d'eau de la cafetière..)
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P
Merde... j'avais longuement répondu à vos commentaires et ça a disparu ! Pff, même chez soi on est jamais à l'abri de ce genre de truc...
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L
mais l'H c'est les fondations Gicerilla...et donc..cela ne peut pas s'envoler !<br /> Mais c'est vrai Pierre nous rends un immense service ! : dire ce que nous avons en nous comme doutes et peurs..(parce que derrière les fondations tu penses bien que ça travaille la taupe...)<br /> Le problème c'est que je crois qu'il est un peu une espèce en voie d'apparition: mi Homme des bois mi Homme des âmes tourmentées et qu'en ce sens il est unique..<br /> c'est pour cela qu'on le 586 ("amicalement votre" hein Julie !)<br /> J'arrête là Pierre sinon tu vas prendre la grosse tête de bonhomme de neige ! rires (je soigne un virus transmis par mon stagiaire, trop gentil, avec une rasade de Highland Park, pour les connaisseurs, cela explique cela...)<br /> Faut me pardonner
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L
ouh là Pierre la fonte des neiges est en vue...chausse tes skis avant l'avalanche !
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V
Pierre ...<br /> Pardonne moi mes erreurs et maladresses !<br /> Sache que tu me manques !
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G
C'est vrai que le genre qui domine ici est le féminin. J'ai toujours refusé, sans rien pouvoir y faire, la présence en force d'un genre au détriment de l'autre sur mon propre blog, même si spontanément cela se fait et me parait réducteur. Le point de vue des deux genres est aussi important, et on en revient à discuter des dispositions de chaque genre de s'exprimer ou plutôt d'intérioriser... Les femmes seraient-elles plus volubiles ? C'est possible, mais les hommes parlent aussi volontiers par le biais de l'écrit. Les mots résonneraient-ils différemment sur le papier et seraient-ils à l'homme moins effrayants que ceux proférer oralement. Pourtant, ne dit-on pas encore que les paroles s'envolent et les écrits restent, en conséquence de quoi, l'homme devrait privilégier la parole dite plutôt que l'écrite car, ne laissant aucune trace, elle pourrait facilement être niée ? Bref, votre papier sur la frontière infime qui sépare l'intime du privé est fort intéressant. On pourrait penser à une distinction purement sémantique mais dans les faits, il y a en effet une différence marquante. Je ne parle jamais de ma vie privée, par contre, comme vous je parle sur du monde intime, celui qui m'appartient de plein droit et qui sert de fondations à beaucoup de notes et de réflexions. Vous êtes du genre masculin et je vous affirme qu'il est hautement instructif de lire sous votre plume les affres, les joies, les interrogations du genre masculin, trop discret parfois...
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V
Tu te doutes, Pierre, que je lis tout ça avec le plus grand intérêt et que j'attends les suites puisqu'elles sont annoncées.<br /> Je ne lance pas de discussion en ligne mais je réfléchis à ta suite et j'emmagasine en prévision d'une certaine intervention publique à venir...
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