Émotion et réflexion
Ce matin je me suis réveillé en écoutant la radio. Il y était question de rapports de force. Du pouvoir des images d'une désolation face à la force de l'armée qui la répand. Il était question de ce conflit interminable qui reste en bruit de fond depuis que je suis en âge de comprendre. Une guerre sans cesse réactualisée avec l'idée de laquelle j'ai toujours vécu. J'y suis... habitué. Je pourrais presque dire insensibilisé.
Je n'ai vu aucune image de cette énième récidive, dont j'entends cependant filtrer la violence. Je n'ai rien lu à ce sujet, sauf quelques chiffres choc. Pourtant j'écoute les infos radio, mais il semble que je mets un filtre lorsqu'il en est question, comme je le fais pour tant d'horreurs qui dépassent ma capacité à les entendre. Je me protège de ce qui dépasse mon entendement. Je m'y ferme. Parce que ça ne sert à rien de me laisser envahir par quelque chose auquel je ne peux strictement rien.
Parfois en écrivant mes petites chroniques bloguiennes je me dis que je suis en complet décalage avec ce qui se passe dans le monde. C'en est presque indécent. En même temps... que pourrais-je bien en dire, et pourquoi faire ? Ne me laissant pas envahir je ne ressens pas le besoin d'extérioriser. Et puis ça servirait à quoi ? Me donner bonne conscience en ayant l'impression d'agir ? Faire part de mon émotion, de mon indignation ? Et après ???
Quel est mon pouvoir de faire changer ces choses ? Absolument nul ! Alors je parle d'autres sujets, en me disant que là, au moins, j'agis de façon plus significative.
Serais-je insensible à la détresse, à la souffrance, à l'injustice, à la violence, à la mort ? Non, c'est précisément parce que j'y suis trop sensible que je m'en protège. Littéralement : ça me dépasse ! J'entre trop vite en résonnance avec la détresse, je suis trop compassionnel, trop touché... alors je préfère me fermer les yeux et les oreilles. Je préfère laisser le temps amortir le choc, notamment l'émotionnel quand il pourrait me percuter en direct. C'est une façon de prendre soin de moi que de me tenir à l'écart de toute cette violence que les médias nous assènent et que "nous" regardons avec une complaisance malsaine. Drôle de jouissance que de regarder le spectacle du malheur des autres...
J'ai quand même regardé les images de la tempête qui a sévi hier dans le sud-ouest (en ayant une pensée pour quelques blogueuses qui vivent dans cette région...). Je le fais souvent lorsqu'il y a une catastrophe naturelle. Ce genre d'images me fascine, parce ce qu'elles ont un rapport direct avec la puissance des éléments et montrent notre impuissance d'humains. Notre petitesse, notre insignifiance sur cette terre. Et puis personne n'est "responsable", il n'y a pas à prendre parti, à justifier l'injustifiable. La nature c'est simple à comprendre : c'est ! Aucune manif n'empêchera jamais aux éléments de se déchaîner.
En revanche je n'aime pas voir le côté émotionnel de la chose : les personnes qui ont tout perdu, exprimant leur détresse et leur sidération. Ce n'est pas ça qui m'intéresse. Je trouve ce regard malsain quand on a été épargné. Je sais aussi que les images ne sont qu'une piètre représentation de ce que vivent les gens dans de telles situations. Ayant été confronté à une catastrophe naturelle il y a quelques années, dans mon village, je me souviens à quel point les images qu'en donnaient les médias étaient incapables de rendre en quelques minutes ce que vivaient et ressentaient les habitants au quotidien. Même si notre vallée à fait la une des médias, l'info n'avait guère de représentativité du réel.
C'est aussi ce que je me dis par rapport aux guerres et autres actes d'hyperviolence : l'horreur qui y est montrée n'est qu'un agitateur émotionnel stérile, vite zappé, vite oublié, au profit d'une autre surenchère émotionnelle. Seul le temps, l'approfondissement, peuvent éventuellement faire changer les choses. Après que l'émotion brute se soit atténuée en laissant la place à la réflexion et au discernement. A l'analyse des faits et des solutions qui peuvent y être apportées.
Émotion et réflexion se nuisent quand elles sont simultanées.
Quartier pauvre dans la ville de Panama...
... juste en face de la ville riche et moderne