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Alter et ego (Carnet)
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25 janvier 2009

Émotion et réflexion

Ce matin je me suis réveillé en écoutant la radio. Il y était question de rapports de force. Du pouvoir des images d'une désolation face à la force de l'armée qui la répand. Il était question de ce conflit interminable qui reste en bruit de fond depuis que je suis en âge de comprendre. Une guerre sans cesse réactualisée avec l'idée de laquelle j'ai toujours vécu. J'y suis... habitué. Je pourrais presque dire insensibilisé.

Je n'ai vu aucune image de cette énième récidive, dont j'entends cependant filtrer la violence. Je n'ai rien lu à ce sujet, sauf quelques chiffres choc. Pourtant j'écoute les infos radio, mais il semble que je mets un filtre lorsqu'il en est question, comme je le fais pour tant d'horreurs qui dépassent ma capacité à les entendre. Je me protège de ce qui dépasse mon entendement. Je m'y ferme. Parce que ça ne sert à rien de me laisser envahir par quelque chose auquel je ne peux strictement rien.

Parfois en écrivant mes petites chroniques bloguiennes je me dis que je suis en complet décalage avec ce qui se passe dans le monde. C'en est presque indécent. En même temps... que pourrais-je bien en dire, et pourquoi faire ? Ne me laissant pas envahir je ne ressens pas le besoin d'extérioriser. Et puis ça servirait à quoi ? Me donner bonne conscience en ayant l'impression d'agir ? Faire part de mon émotion, de mon indignation ? Et après ???

Quel est mon pouvoir de faire changer ces choses ? Absolument nul ! Alors je parle d'autres sujets, en me disant que là, au moins, j'agis de façon plus significative.

Serais-je insensible à la détresse, à la souffrance, à l'injustice, à la violence, à la mort ? Non, c'est précisément parce que j'y suis trop sensible que je m'en protège. Littéralement : ça me dépasse ! J'entre trop vite en résonnance avec la détresse, je suis trop compassionnel, trop touché... alors je préfère me fermer les yeux et les oreilles. Je préfère laisser le temps amortir le choc, notamment l'émotionnel quand il pourrait me percuter en direct. C'est une façon de prendre soin de moi que de me tenir à l'écart de toute cette violence que les médias nous assènent et que "nous" regardons avec une complaisance malsaine. Drôle de jouissance que de regarder le spectacle du malheur des autres...

J'ai quand même regardé les images de la tempête qui a sévi hier dans le sud-ouest (en ayant une pensée pour quelques blogueuses qui vivent dans cette région...). Je le fais souvent lorsqu'il y a une catastrophe naturelle. Ce genre d'images me fascine, parce ce qu'elles ont un rapport direct avec la puissance des éléments et montrent notre impuissance d'humains. Notre petitesse, notre insignifiance sur cette terre. Et puis personne n'est "responsable", il n'y a pas à prendre parti, à justifier l'injustifiable. La nature c'est simple à comprendre : c'est ! Aucune manif n'empêchera jamais aux éléments de se déchaîner.

En revanche je n'aime pas voir le côté émotionnel de la chose : les personnes qui ont tout perdu, exprimant leur détresse et leur sidération. Ce n'est pas ça qui m'intéresse. Je trouve ce regard malsain quand on a été épargné. Je sais aussi que les images ne sont qu'une piètre représentation de ce que vivent les gens dans de telles situations. Ayant été confronté à une catastrophe naturelle il y a quelques années, dans mon village, je me souviens à quel point les images qu'en donnaient les médias étaient incapables de rendre en quelques minutes ce que vivaient et ressentaient les habitants au quotidien. Même si notre vallée à fait la une des médias, l'info n'avait guère de représentativité du réel.

C'est aussi ce que je me dis par rapport aux guerres et autres actes d'hyperviolence : l'horreur qui y est montrée n'est qu'un agitateur émotionnel stérile, vite zappé, vite oublié, au profit d'une autre surenchère émotionnelle. Seul le temps, l'approfondissement, peuvent éventuellement faire changer les choses. Après que l'émotion brute se soit atténuée en laissant la place à la réflexion et au discernement. A l'analyse des faits et des solutions qui peuvent y être apportées.

Émotion et réflexion se nuisent quand elles sont simultanées.

225_2594

Quartier pauvre dans la ville de Panama...

225_2593

... juste en face de la ville riche et moderne

Commentaires
P
J'aime bien cette notion de "zone proximale de développement", Nicole. je crois qu'elle opère pour toute personne qui fait preuve de curiosité, qui cherche à aller plus loin, et ce quel que soit le domaine.<br /> <br /> La question de la complicité, Charlotte, est bien ce qui est dérangeant : complices sans l'avoir choisi, complices acculés par l'information... mais complices quand-même.<br /> <br /> Lyjazz, je souris toujours un peu (jaune !) quand je vois que quelque chose est qualifié de "pas humain". Et bien si, au contraire, c'est terriblement humain ! Exclusivement humain ! Il y a la tentation de rejeter cette part de nous, mais elle nous appartient bel et bien.<br /> Oui, aider à comprendre, amener des éléments, c'est le vrai travail journalistique. Mais l'information n'est est que le parent pauvre. C'est vers une autre presse que celle des infos rapides que l'on peut trouver quelque chose de plus analysé. Mais ça demande davantage de temps...<br /> <br /> Remarque tout à fait juste, Unevilleunpoeme, en particulier lorsque la pauvreté est trop omnipérente pour être cachée.<br /> <br /> Filo filo, je crois que tu as compris qu'il y avait une certaine sagesse à se préserver de ce qui nous atteint "inutilement" parce que nous mettant face à des éléments sur lesquels nous n'avons pas de pouvoir. Il y a un matraquage par l'image, par l'info "en temps réel", qui deviendrait presque un mode de vie. Une consommation d'infos et d'image qui nous gave en nous coupant de notre être.<br /> Je crois comme toi qu'il y a davantage à gagner en s'intéressant au côté positif plutôt qu'à s'apesantir sur les aspects négatifs de l'existence. Sans être aveugle pour autant, bien sûr...
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F
L'impuissance face aux guerres, cataclysmes ou autres calamités m'a souvent posé des crises de conscience dès l'adolescence (née en Afrique, vécu là 23 ans). Que faire ? Et moi, pourquoi suis-je épargnée ? Et puis, je me suis dit, après lecture d'un texte (je ne me rappelle plus où je l'ai trouvé) : "Accomplis ce que tu peux faire, essaie de t'améliorer pour élargir tes aptitudes et accepte ce que tu ne sais pas ou ne peux pas faire, accepte tes limitations".<br /> Depuis lors, je n'écoute que les infos radio le matin. Je lis rarement une revue. Pas de télé sauf pour une émission ciblée, positive, humoristique et/ou enrichissante.<br /> Et depuis une paire d'année, oui, j'y reviens (et surtout, n'y vois aucun prosélytisme de ma part), la pratique de la méditation zen soto(zazen). Elle est positive pour le pratiquant et comme corollaire, elle est bénéfique pour les autres.<br /> La communion avec la Nature m'aide beaucoup. Le fait de m'isoler me rend plus forte et disponible aux autres en cas de besoin. Voilà Pierre, une réponse que je me suis donnée, qui me convient aujourd'hui mais qui me posera peut-être problème plus tard, je ne saisu pas.
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U
Les contrastes au sein même des villes sont hyper violents...
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L
dans ton analyse de ton hypersensibilité face à ces événements. <br /> Cela me touche toujours aussi, et il y a même des conflits auxquels je ne comprends rien, intellectuellement, parce que la dose de violence et la récurrence des attaques me met toujours très mal à l'aise : je ne comprends pas, ce n'est pas humain !<br /> Je suis aussi d'accord avec Nicole : les journalistes devraient dire les faits, et aussi nous aider à les comprendre. La difficulté étant qu'ils s'adressent parfois à des grands naïfs et parfois à des historiens spécialistes... l'enseignant connait son élève, il peut au moins savoir d'où il part pour l'aider à connaître plus loin....
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C
"Drôle de jouissance que de regarder le spectacle du malheur des autres..." En effet...<br /> Regarder le spectacle du malheur des autres , bien assis dans un fauteuil devant la télé, ne nous fait même pas remuer nos fesses... seulement mouiller un peu les yeux ... de quoi un peu jouir tout en se disant que c'est ,une honte un scandale etc. <br /> Oui nous savons et nous ne bougeons pas. Et comment faire bouger les choses? Finalement ne sommes-nous pas tous, complices?
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N
Je vais réfléchir à l'analogie avec le cheminement psychologique : maintenant cela me semble évident !<br /> Pour rebondir dans mon domaine professionnel, Vigotsky a décrit ce qu'il appelle "la zone proximale de développement", c'est ce qu'un élève peut faire s'il est accompagné , guidé et qu'il ne sait pas ( encore) faire tout seul. Bien sur, la zone se déplace au fur et à mesure et les savoirs autonomes se construisent. Je crois que le rôle des médias serait d'être cet accompagnant. Tout comme la vulgarisation scientifique, cela suppose professionnalisme, humilité et éthique.<br /> <br /> Quant à ta dernière question, je n'ai pas de réponse ... sauf mon bulletin de vote. Réponse incomplète mais nécessaire.
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P
Bonsoir Nicole. Il s'agissait bien de l'émission dont tu parles. J'ai bien aimé l'approche de l'historienne, appuyée sur des faits vérifiés, face à celle du journaliste qui se fiait à son impression personnelle (erreur professionnelle de sa part, d'ailleurs...). Je partage plutôt l'avis de l'historienne, bien qu'il faille aussi que les images ouvrent la voie... En fait il s'agit un peu des deux. Pour faire un rapprochement avec la psychologie, dont cet exemple n'est pas exempt, on n'accepte de voir certaines choses en soi que lorsqu'on y est prêt. Tenter de forcer les choses est souvent voué à l'échec. Mais "déranger" est positif.<br /> <br /> Beaucoup de questions se posent en effet sur notre passivité face à ce qui aurait de quoi nous révolter au delà des mots.<br /> <br /> Nous disposons, si nous le voulons, si nous le cherchons, d'une quantité énorme d'informations et de données, mais le travail de décryptage est tout aussi conséquent et hors de portée pour la plupart d'entre nous. Les problématiques sont souvent extrêmement complexes, imbriquées, et toute opinion peut être contrecarrée par des arguments valables.<br /> <br /> Comme toi je ne suis pas très fier de ma non-implication, ayant à l'esprit les conséquences de certains immobilismes historiques... Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas, mais que pouvons nous faire avec ce que nous savons ?
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N
Bonsoir Pierre,<br /> je ne sais pas s'il s'agit de l'émission que j'ai partiellement entendue ce matin sur France Inter. Quant à moi, j'ai surtout retenue l'échange vif entre le journaliste et l'historienne : l'un ( en se référant à son souvenir personnel)disant que l'image avait modifié l'opinion publique au sujet de la guerre du Vietnam et l'autre affirmant ( en citant une source universitaire) que l'image n'a été publiée que lorsque l'opinion publique était <br /> prête à la voir.<br /> <br /> De quoi nous faire réfléchir sur les images et les écrits que, collectivement et (ou)individuellement, nous sommes capables de voir, de retenir, de lire et d'assimiler. Quelle est l'épaisseur de notre cuirasse ? quelle est notre capacité d'engagement ? quel est notre sens de la solidarité ? <br /> Mes " petits gestes " quotidiens sont-ils suffisants pour remplir ma condition d'humain ? Sinon, que puis-je faire ?<br /> <br /> Je précise que je n'ai pas de télé, et que lorsque j'ai l'occasion de voir les journaux télévisés, je suis souvent agressée par les images et génée par l'impression d'être voyeuse.<br /> La réflexion prend du temps, suppose le recul et des références historiques, géopolitiques, géographiques, économiques, sociologiques ... mises à la portée du citoyen supposé éclairé. Est ce que beaucoup de médias peuvent offrir cela ? Est ce les citoyens le souhaitent et sont prêts à fournir les efforts en temps et en coût ?<br /> Il me vient l'idée que nous n'avons que ce que nous méritons et je me réfugie dans le sentiment de faire partie des Happy few ... dont je ne suis pas fière.
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