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Alter et ego (Carnet)
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24 février 2009

Dormir ou coucher ?

«Coucher avec une femme et dormir avec elle, voilà deux passions non seulement différentes mais presque contradictoires. L'amour ne se manifeste pas par le désir de faire l'amour (ce désir s'applique à un nombre incalculable de femmes) mais par le désir du sommeil partagé (ce désir-là ne concerne qu'une seule femme).»

C'est sur Blog de psy que j'ai trouvé cet extrait d'un texte de Milan Kundera. Il a inspiré moult réflexions à l'auteur dudit blog et j'ai eu envie de reprendre le flambeau en me référant à mon expérience...

Durant le quart de siècle qu'aura duré ma vie conjugale ces deux « passions » (?!) dont parle Kundera étaient confondues en une : je dormais avec l'unique femme avec qui je partageais ma sexualité [vous remarquez qu'en affirmant cela j'élude la question du désir... Or là était bien la question principale !]

J'ai beaucoup aimé dormir avec elle et ne m'en suis jamais lassé. J'ai aussi aimé partager sensualité et sexualité... bien qu'à la longue il y ait eu une insatisfaction liée au désir sexuel. D'ailleurs, ce qui m'a le plus manqué lorsque nous avons décidé de nous séparer ce n'est pas de ne plus "faire l'amour", mais de renoncer à dormir avec elle et à la tendresse que cela permettait. Je me souviens très précisément de ce matin où je me suis levé de notre lit commun en sachant que je n'y reviendrais plus. Charlotte dormait encore et, si elle savait que ma décision était imminente (pour répondre à sa demande), en revanche elle ignorait le jour exact où je me déciderais.

Le choix de la séparation a été fait parce que j'avais (re)trouvé ailleurs, dans d'autres bras, d'autres yeux, d'autres pensées, ce fameux désir de sexualité. Je crois fermement que c'est l'irruption du désir qui a causé notre séparation. Ce n'est pas le manque d'amour...

L'extrait de Kundera paraît donc corroborer, en quelque sorte, ce que j'ai vécu. Sauf que pour ma part « le désir du sommeil partagé » n'était pas focalisé sur « une seule femme ». Pas davantage que l'amour puisque j'en vivais deux. Cependant mon désir de partage sexuel se portait préférentiellement sur l'une d'entre elles. Quant à distinguer ce qui, dans ces deux amours, tenait de l'amour-amoureux, de l'amour-amitié, de l'amour-désirant et de l'Amour majuscule, ça n'aurait rien de simple ! Même après quelques années de recul...

Depuis cette époque pas si lointaine où je vivais en couple j'ai eu le plaisir de partager les nuits de quelques femmes. Oh, pas tant que ça, mais quelques unes quand même. J'ai toujours beaucoup apprécié ces moments d'intimité corporelle qui, finalement, avaient peu de rapport avec la sexualité telle qu'on l'entend. Bien évidemment il y avait dans cete sensualité quelque chose de l'ordre du sexué [ce n'étaient pas des hommes !], mais il y avait aussi autre chose. Une présence, une forme de partage : l'étreinte des corps, sans qu'il y ait cette fameuse pénétration d'une partie d'un corps dans un autre, sous quelque forme que ce soit.

Je distingue sensualité et sexualité, bien que les deux puissent s'allier, et ce n'est pas par hasard. Je me demande, si j'avais à choisir, si je n'opterai pas pour "dormir avec" plutôt que "coucher avec". Se lover l'un contre l'autre, peau à peau, s'emmêler les membres, sentir la chaleur de l'autre, son souffle, les battements de son coeur. Sa vie. À condition, bien sûr, qu'il y ait suffisamment d'entente, d'attirance et de confiance pour que ce soit possible. Mais il ne m'est pas besoin d'aimer, amoureusement parlant. Il est cependant primordial pour moi, je l'ai compris, que les choses soient claires dans la tête de chacun des partenaires. Que chacun sache à peu près dans quel champ sentimental et relationnel il se situe. Sinon il y a des craintes vis à vis de la liberté... Ce n'est pas toujours simple : la première fois que j'ai franchi le passage, symboliquement fort, du lit partagé, j'étais en limite de ce qui m'était admissible. Je n'avais pourtant que "dormi avec". D'autres fois, lorsque j'ai "couché avec", il m'est arrivé de ressentir un certain malaise, principalement parce qu'il n'y avait alors pas de sentiment amoureux de ma part. J'ai "fait l'amour" [devrais-je dire "baisé" ?] avec une femme dont je n'étais pas amoureux, même si je partageais avec elle suffisamment d'affinités, d'intimité, et de confidences pour que ce soit possible sans être glauque. Nous avons partagé une sexualité parce qu'un désir réciproque était là, probablement plus animal que sentimental. L'amour en tant que tel était absent, du moins au sens commun du mot "amour".

Avec le recul je me rends compte qu'il m'est probablement plus simple de ne pas suivre un simple désir physique. "Coucher avec" fait entrer dans une dimension bien particulière, qui peut entraîner des conséquences psychiques indésirables. Car il ne s'agit pas seulement de partager une intimité sexuelle : c'est aussi toucher quelque chose de profond en soi. C'est toucher à ma propre intimité, et au regard que je porte sur moi. J'ai besoin d'être très au clair au niveau des sentiments et des représentations que j'ai de la sexualité. Il y a une question de respect. Par expérience j'ai constaté que quelque chose pouvait se transformer au niveau des sentiments et/ou du désir dès que le "passage à l'acte" était consommé. A contrario que je ne crois pas que "dormir avec" produise le même genre de chambardement. Mais mon expérience reste modeste...

En fait... je me sens écartelé entre des aspirations mal définies. Quelque chose qui hésiterait entre la liberté du plaisir et une certaine exigence du désir. Depuis que j'ai entrevu des sommets que je ne connaissais pas dans l'étreinte amoureuse, sensuelle et sexuelle, je reste comme bloqué sur cette vision élevée. Comme si j'avais été happé par quelque chose qui, faute de l'avoir vu se renouveller, reste assez mystérieux. J'ai clairement senti que je touchais quelque chose d'ineffable, sensible, ténu, qui confinait à l'absolu [mais non, ce n'est pas un gros mot...]. Était-ce dû à l'intensité du désir et des sentiments, longtemps privés d'expression corporelle ? Peut-être...

Je n'ai pas la réponse puisque les circonstances ont fait que ça n'a pas pu se prolonger. Mais peu importe : je sais que ça peut se (re)vivre... Sauf que je me demande si, d'une certaine façon, je ne m'y serais pas fermé en m'extrayant de toute recherche sentimentale.

Me voila bien loin du "dormir avec" de Kundera... et pourtant, je crois que, dans une moindre mesure, il y a dans le sommeil partagé quelque chose qui se rapproche de ce que j'ai vécu si fort : une forme d'alliance, de confiance, d'abandon. Ce que je n'ai pas retrouvé dans une sexualité plus conquérante, de l'ordre de l'assouvissement...

Commentaires
P
Ah, merci pour votre commentaire Françoise :o)<br /> <br /> Je peux utiliser aussi le terme "baiser" avec celle avec qui je partage, du moment qu'il n'y a pas d'équivoque. C'est une sorte de langage commun, un tantinet vulgaire, ce qui n'a rien de dérangeant (au contraire). Mais je n'aime pas dire "baiser" en parlant d'une autre. POur moi ce serait manquer de respect à l'égard de ce partage. Bon, tout cela est assez subtil, j'en conviens, mais c'est parfois des détails qui font la différence.<br /> <br /> Quant au « qu'est-ce que je fous au lit avec lui/elle », ouais, pas folichon.<br /> <br /> A propos d'acte intime (dormir ou coucher), ça me fait penser que je trouve plus intime LE baiser ("rouler une pelle") que baiser. J'ai constaté ça non sans surprise...
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F
Je détestais le terme "baiser" étant jeune fille. A présent, je l'utilise, mais aime l'habiller d'un vous. Chuchoter:"Baisez-moi, cher amour" c'est assez troublant...Mais dormir est infiniment plus intime (bien que je l'ai fait avec quelques hommes, et non juste un seul) et le plus étonnant est de se réveiller en étant heureuse de découvrir le visage de l'autre au réveil, avec son regard du matin. Le pire doit être de se dire: "mais qu'est-ce que je fais dans ce lit avec ce type?" Heureusement, ça ne m'est jamais arrivée :)
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P
Avec le temps je crois avoir compris, SolAnge, que tout comportement excluant trouve son origine dans une peur (parfois déniée). Une fois qu'on sait que cette "mise à distance" n'est qu'un moyen de protection, ça permet d'accepter pas mal de choses...<br /> <br /> Christine, je pense comme toi que "l'après-sexe" est une sorte de langage relationnel. Plus encore que ce qui se passe avant... Avant ce peut être un peu plus "intéressé", après c'est "cadeau".<br /> En fait la tendresse échangée en dit probablement long sur l'attention portée à l'autre et au respect qui lui est accordé.<br /> <br /> Emmi, ça doit faire bien bien longtemps que tu n'étais pas venue, ou alors je perds la mémoire des pseudos ;o) En revanche ton adresse mail me disait quelque chose.<br /> <br /> C'est amusant de lire ce qui serait le plus intime pour chacun, entre sexe et dodo :o)<br /> Dans le même genre j'ai remarqué que pour moi embrasser était plus intime que le partage de sexe !
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E
sexer /sɛk.se/ transitif ou intransitif 1er groupe (conjugaison)<br /> <br /> (Agriculture) Déterminer le sexe d'un animal d'élevage. <br /> (Familier) Pratiquer une activité sexuelle.<br /> <br /> effectivement, ce n'est pas dans mon R*bert, je ne pensais pas que ça existait... mais je n'avais pas encore eu la curiosité de chercher!!<br /> <br /> <br /> merci pierre pour ta bienvenue, même si je ne suis pas exactement une nouvelle venue - mais il y a bien longtemps que je ne m'étais plus manifestée il est vrai. c'est l'occasion de renouer contact!<br /> <br /> sensuel le tango, je ne sais pas... en tout cas, même si cela ne fait que quelques mois, je constate que finalement il n'y a eu que très peu de moments où quelque chose de plus sensuel est passé lors d'une danse. et que c'est magnifique de voir comment deux corps peuvent communiquer ou non, sans parfois avoir jamais parlé avec la personne en question.<br /> <br /> mais je dérive...<br /> <br /> moi ça me fait tout drôle cette idée que dormir serait plus intime, nécessiterait un plus grand lâcher prise que sexer. pour moi ce serait plutôt l'inverse, ou peut-être même l'un ne va pas sans l'autre. j'adore dormir, seule ou accompagnée, j'adore être au lit, y passer la journée et y faire toute sorte de choses (sauf manger!). j'aime m'endormir dans la chaleur d'un corps. et particulièrement j'adore me réveiller, être réveillée, ou réveiller l'autre en tendresse et en sexe.<br /> je vois le lit comme une grande île accueillante - et avec mes filles on passe parfois l'après-midi comme des baleines sur cette île... (ça me rappelle quand j'étais petite, c'était un jeu avec mon frère, le lit c'était l'île ou le bateau, autour il y avait la mer, et selon les histoires, les requins, les pirates, ou les jolis poissons colorés et les sirènes...).<br /> <br /> quand j'y repense, j'ai tout de suite dormi avec mes quelques "amoureux". et avec celui avec qui j'ai passé de longues années et j'ai eu des enfants, notre toute première nuit a été éveillée, et s'est finie enchevêtrés de partout au point du jour. si mon souvenir est bon, ce n'est que dans l'après-midi que nous avons fini par sexer!<br /> <br /> ouf tous ces souvenirs...
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C
Je partage tout à fait ce que dit Julie sur le "dormir avec". D'ailleurs ces mots me rappelle tout à fait une nuit pas très ancienne où j'ai dormi avec un amant. Ma nuit a été des plus agitée et je me suis levée à l'aube pendant qu'il dormait encore avec le besoin de respirer. Peut-être attendais-je plus que ce qu'il m'a donné avant ? Peut-être attendais-je une nuit tendre et caline ? Je crois que l'après sexe, en matière d'amour, est bien plus important que l'acte lui-même... il dessine ce que sera l'avenir avec cette personne.
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S
...certains la prisent cette autosuffisance... Tu en as bien connu une, n'est-ce pas?...<br /> <br /> Cela va souvent de pair avec une certaine misanthropie... due au fait que pour ces personnes là...tout le monde est con/mauvais inintéressant, sauf quelques élus et surtout...sauf eux... et aussi sauf quelques animaux dévoués ou qui ne risquent pas de leur tenir tête...lol
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P
La distinction entre les deux termes est de taille, SolAnge, si elle fait passer d'un comportement plutôt accueillant à un comportement plutôt excluant. Lorsqu'il est question de mots au sens proche je me réfère au dico :<br /> <br /> - Autosuffisance : capacité de quelqu'un à subvenir seul à ses besoins.<br /> <br /> - Autonomie : indépendance d'un individu; capacité qu'il à de disposer librement de soi.<br /> <br /> Alors oui, c'est plutôt le terme d'autonomie qui me convient. L'autosuffisance ne peut être que partielle puisque personne ne peut subvenir seul à ses besoins. Sauf à vivre en ermite ;o)
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S
Mon cher Pierre...<br /> <br /> J'aurais tendance à croire, te connaissant relativement bien, que davantage qu'à l'autosuffisance,c'est à l'autonomie que tu aspires et que tu vis déjà largement...<br /> <br /> Pour moi, la première acception est excessive, "excluante" de l'Autre et de ses apports... la seconde est équilibrante et accueillante envers son alter ego, sans en être "accro"...<br /> <br /> Les "autosuffisants" n'ont besoin de *personne* pour vivre et cultivent souvent une certaine solitude (à moins qu'elle ne soit le résultat de leur comportement avec autrui)ou un élitisme certain dans leurs choix de fréquentations... les autonomes n'ont besoin de personne... *en particulier* mais sont ouverts à tout le monde (ou presque) et sont souvent très entourés grâce à cette ouverture et curiosité relationnelle, sans être 'pesants' pour leur entourage...<br /> <br /> Qu'en penses-tu, Pierre?
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P
« Avoir du sexe » ? Oui, ça a le mérite de la clarté, SolAnge. On pourrait dire aussi « partager du sexe ».<br /> <br /> Mais pas vraiment d'accord avec ton impression que « l'autosuffisance affective » serait en corrélation avec les réticences à partager le sommeil. Pour ma part je tends de plus en plus vers cette autosuffisance (= non-dépendance) tout en appréciant le sommeil partagé. En revanche il me semble que, comme tu le soulignes, ce pourrait être lié à une difficulté à renoncer au contrôle de la situation, à l'abandon de soi, à faire confiance.<br /> <br /> Psyblog, merci pour la précision du sens de "sexer", et ravi que ma réflexion puisse éclairer la votre :o)
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P
Beau texte, très beau... Belle réflexion sur le coucher/dormir avec... En tout cas, elle m'aide à comprendre la belle phrase de Kundera...<br /> <br /> <br /> (sauf que "sexer" est déjà employé pour déterminer les sexe, en particulier des poussins à leur naissance... les mâles, à droite, les femelles, à gauche... ou inversement...)
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