Il y a huit ans j'ai créé une boite mail à l'usage exclusif des lecteurs de mon journal en ligne. Du simple message qui, en quelques lignes, me fait part du plaisir d'un inconnu à m'avoir lu aux longs échanges épistolaires maintenus dans le temps, cette boite contient la plupart les correspondances que j'ai pu avoir.  Deux mille trois cent messages qui ont donné lieu à peu près au même nombre de réponses. C'est dire la somme de mots échangés...

[Ça donne aussi une idée du temps consacré...]

Il me faut ajouter à ce nombre les échanges de plusieurs relations au long cours qui passent directement par ma boite personnelle. Et aussi, depuis que je tiens ce blog, tout ce qui s'échange par les commentaires...

[Ouais... ça fait vraiment beaucoup !]

Je serais bien incapable de dire avec combien de personnes j'ai eu des correspondances privées. Certaines durent toujours tandis que d'autres n'ont donné lieu qu'à quelques jours ou semaines d'échange, le temps que chacun dise ce qu'il avait à dire. Ce qui est certain c'est que cette somme de confidences, d'idée, d'émotions, de ressentis, est considérable. C'est un vrai trésor d'humanité partagée. Trésor dont je ne fais pratiquement rien après puisqu'il est bien rare que je retourne lire ces échanges, sauf si je recherche quelque chose de particulier. Je me dis bien qu'un jour je pourrais exploiter ce corpus, compiler certains extraits, tirer quelque chose de cette ressource de vécus et sentiments, mais le travail me semble colossal. Je suis certain qu'il y aurait quelque chose à faire, mais je ne sais pas trop quoi. Je pense régulièrement à un bouquin, mais je n'ai pas encore cerné de thème qui me satisfasse. C'est que voila neuf ans que j'écris en ligne et que par ce biais je correspond avec les lecteurs ! Il s'en est dit des choses, il s'en est créé des liens ! Vous m'avez apporté énormément, par votre présence. Vous avez nourri mon foisonnement de mots. Vous avez été "l'oreille" qui m'a permis de me dire. Et inversement, je suppose. Ensemble nous avons avancé.

Est-ce que je me souviens de tout ce que nous nous sommes dit ? Assurément non ! Je suis certain que ces échanges nourriciers m'ont construit mais j'ai oublié les millions de détails qui les ont constitué. Ils sont pourtant là, accessibles par simples clics... mais à quoi bon y retourner au hasard ?

Est-ce que je me souviens de chacun de celles et ceux qui m'ont écrit (vos prédécesseurs) ? Et bien non. Avec le temps je finis par oublier vos particularités. Forcément. Et ce d'autant plus que je n'ai pas de support visuel, ce qui est le cas pour la plupart des lecteurs non blogueurs. Or ma mémoire fonctionne beaucoup sur le visuel... Ne serait-ce que sur la graphie d'un pseudonyme, d'un prénom, ou la mise en page de vos missives. Mais parfois ça ne suffit pas pour que je mémorise durablement. Je finis par confondre vos singularités dans le magma de l'altérité que vous constituez pour moi.

J'en ai eu la désagréable confirmation hier quand une des commentatrices à qui j'avais souhaité la bienvenue m'a dit ne pas être nouvelle ici. Bigre ! Ai-je pu à ce point oublier un pseudo ? Il me faut dire que si j'avais bien reconnu ce nom, je l'avais associé immédiatement à un autre espace d'expression en ligne : un forum que j'ai déserté depuis plusieurs années. Or il se trouve que c'est bien là-bas que nous avions fait connaissance, avant que ladite lectrice ne découvre mon journal en ligne et qu'en découle une correspondance... sous sa véritable identité.

Sur ses indications je suis allé farfouiller dans les archives de ma boite au deux mille trois cent messages et j'ai retrouvé notre correspondance. Un an d'échanges qui, quoique relativement espacés, étaient constitués de longues missives dans lesquelles chacun faisait part de son cheminement. Nous étions tous les deux en période de questionnement autour de nos couples en séparation, il y a quatre ans...

Et bien j'avais "oublié" tout cela ! Tout m'est revenu en mémoire au fil de la relecture. Bon sang... mais c'est bien sûr !

Surprenant d'avoir pu "oublier" ainsi... Je crois que le média internet y est pour beaucoup. Je pense notamment à cette absence de support visuel. De cette lectrice je n'avais eu que les mots. Nous ne nous sommes jamais rencontré, ni n'avons échangé de photos. Rien que des suites de mots. Aussi imprégnés soient-ils de sa personnalité, ils s'étaient dissous dans le vaste paysage des correspondances éteintes [éteintes, mais pas mortes !]. Et elles sont nombreuses, je vous l'assure ! Dans la vie courante je ne me rends pas compte du nombre de personnes avec qui je discute, au hasard des rencontres, mais dans les archives de ma boite mail c'est inscrit et comptabilisable, autant en quantité qu'en contenu et en durée.

Je vous rassure : je ne me lancerai pas dans ce genre de comptabilité !

[Quoique... ça pourrait être intéressant...]