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Alter et ego (Carnet)
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19 mars 2009

À la manif'

C'est avec trois quarts d'heure d'avance que je suis arrivé sur le point de rendez-vous pour la manif', devant la gare. Il devait y avoir deux cent personnes, guère plus. Une dizaine de minutes plus tard c'était pas loin d'un millier qui étaient là. Et puis ça a enflé comme ça, de minutes en minutes. Trois, cinq, six mille personnes... Après je n'ai plus pu estimer. Il en arrivait de toute part. Leur convergence était à elle seule semblable à un cortège.

Avec un peu de retard cette marée humaine bigarrée s'est lentement mise en mouvement, comme un fluide aspiré dans l'avenue. Au loin ce qui avait semblé être la tête du cortège arborait d'immenses ballons estampillés aux couleurs des syndicats. Avec mes deux collègues, seuls représentants de notre toute petite structure, nous avons suivi le mouvement.

Au début l'étirement du cortège laissait un large espace et la progression était aisée. Dès que l'agglutinement est apparu mes deux acolytes se sont glissés sur le côté pour dépasser la masse dense. Fasciné, je regardais l'incroyable diversité des participants. Vieux militants à l'allure typique des habitués de longue date, jeunes artistes aux accoutrements pour le moins originaux, tempes grisonnantes ou coiffures rasta, cheveux courts ou colorations vertes, bleues... Un joyeux mélange qui m'a ravi.

Parvenant sur une nouvelle avenue perpendiculaire, beaucoup plus large, quelle ne fût pas ma surprise de découvrir que d'autres points de rassemblement avaient entièrement empli l'espace, plaçant la tête de cortège infiniment plus loin que ce que j'avais cru. La foule était considérable, se comptant en dizaines de milliers de personnes. Des slogans s'égosillaient dans des micros hurlants, se couvrant mutuellement à quelques dizaines de mètres d'écart. Les drapeaux et les banderolles, des plus classiques aux plus artistiques, présentaient les revendications de chaque groupe, chaque syndicat, chaque entreprise ou corporation. Voyant un groupe portant la tenue typique du service public dans lequel officie mon épouse, je l'ai cherchée du regard, à tout hasard. Elle était là, rayonnante, en tête de sa délégation, portant une partie d'une grande banderolle. Un rapide coucou, le temps de lui glisser à l'oreille que je la trouvais belle dans cette situation insolite, et je suis retourné voir mes collègues qui avaient déjà poursuivi leur avance.

Tout le long du cortège nous avons eu ce pas légèrement accéléré qui nous a permis de voir le paysage mouvant de la foule. De temps en temps je m'arrêtais pour me jucher sur un quelconque piédestal, afin d'observer cette marée qui serpentait à perte de vue. Une tape sur l'épaule m'a permis de retrouver une amie de longue date, un peu perdue de vue. Mais mes collègues filaient devant et je les ai prestement rejoins.

Postiers, défenseurs des sans-papiers, retraités floués, employés d'entreprises en difficulté, maires en écharpe tricolore, clowns et joueurs de tambour, masse innombrable des gens sans étiquette... et vieilles rangaines hors d'âge, totalement dépassées, décibêlant de haut-parleurs tonitruants. Moi, toujours réjoui au milieu de cette foule solidaire, si loin de mes préférences solitaires.

À force de dépasser des gens, nous avons fini par arriver en première ligne... puis à la dépasser. Je ne sais pas pourquoi mes deux coéquipiers ont gardé ce rythme, mais finalement ça me donnait l'occasion de voir plusieurs aspects de la manif. Devant la banderolle de tête, unissant tous les syndicats, derrière la police qui coupait la circulation automobile. Le service de sécurité des syndicats demandait de ne pas se placer devant la banderolle de tête, mais ma collègue Artémis n'admettait pas qu'on lui impose quelque chose. Finalement je suis resté à côté d'elle, filant loin devant, profitant de l'espace vide des rues pour marcher en plein milieu. Plaisir de gamins...

Arrivant devant la préfécture, point de ralliement prévu, j'ai envoyé un texto à mon plus jeune fils avec qui nous communiquions nos points de situation. Lui, parmi les étudiants, était encore à quelques kilomètres avec une bonne heure de décalage. Là où j'étais une sono ahurissante déversait les décibels assourdissants d'un olibrius qui voulait que « Sarkozy nous entende ». Énumérant chaque corporation il déclenchait une clameur bon enfant à chaque fois, comme si effectivement ce genre de cris allaient changer quelque chose à la situation sociale...

Lassés nous sommes partis. Mais bon, nous y étions, manifestant un mécontentement généralisé ! Et j'y étais aussi. C'était ma première manif...

Sans vergogne j'ai profité du déplacement à la grande ville pour user de mon pouvoir d'achat. Il venait d'être défendu par tant de gens ! Je me suis acheté un appareil photo, remplaçant l'ancien qui ne fonctionnait plus que de façon très aléatoire. La prochaine fois je pourrai photographier la manif'...

Commentaires
C
On aurait pu se rencontrer Pierre mais malheureusement même si je pense qu'il faut montrer notre colère, je n'ai pas pu assister à ce rassemblement. Dommage...j'ai eu des échos un peu dans le sens des tiens. C'est beau l'humanité lorsqu'elle s'unit pour défendre ses idéaux.
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P
Je suis enchanté de lire les appréciations de nouveaux noms ici, helen et jipé.<br /> <br /> Julie M, je suis content que tu aies perçu cette "transformation", qui n'est probablement pas temporaire : vient un jour où le besoin décortiquer s'atténue et laisse la place à l'être. Je crois que j'ai (très) longtemps cherché à comprendre certaines choses, jusqu'à comprendre (accepter) que comprendre ne répondrait jamais à tout.<br /> <br /> Bifane, à Grenoble il a été annoncé entre 35.000 et 60.000 personnes, selon les sources, soit 10 à 20% de la population de l'agglomération ! Je n'avais jamais fait partie d'un rassemblement d'une telle ampleur et, comme toi, j'ai eu un sourire un peu béat scotché sur les lèvres en sentant cette "force vive".<br /> <br /> Alainx, merci de rappeller l'engagement de Ferrat :o)<br /> <br /> Pour ce qui est de « mon épouse », j'ai effectivement laissé tomber le « future-ex » qui n'a guère de sens à mes yeux puisque, sauf changement notable dans mes convictions, il n'est pas prévu que j'aie un jour une autre épouse. Elle garde donc cette dénomination qui a l'avantage de préciser la nature du lien particulier qui existe encore entre nous. Et puis j'aime bien brouiller un peu les pistes ;o)
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A
héhé ! j'sais pas pq, mais en te lisant c'est la chanson de Ferrat qui m'est revenue !<br /> <br /> "En groupe en ligue en procession<br /> En bannière en slip en veston<br /> Il est temps que je le confesse<br /> A pied à cheval et en voiture<br /> Avec des gros des p'tits des durs<br /> Je suis de ceux qui manifestent"<br /> <br /> Et sinon.... c'est un détail qui m'a frappé, celui de lire :"...mon épouse"... Me souvient plus de t'avoir vu écrire cette formulation pour parler de.... "future-ex", comme tu disant dans le temps...
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B
Bravo ! Très sympa, ton récit de la manif'. Je ne sais pas où se tenait la tienne, quant à moi, c'était à Pau, et si nous étions dans les 25000 la dernière fois, on nous en annonçait 10000 de plus cette fois-ci. Et c'était comme tu le racontes (avec talent !), avec cette bonne humeur, cette solidarité entendue entre tous, à laquelle j'étais également très sensible, n'étant pas non plus moi-même un adepte des foules ou des groupes en général, leur préférant une paisible solitude. Mais là, cette entente de milliers de personnes, tous réunis pour une même cause, dans une même humeur et un engagement solidaire, c'est une expression d'humanité qui me chamboule et me ravit. J'en suis revenu un grand sourire indécrochable aux lèvres, dont il me reste encore la trace ce matin. <br /> Merci pour ce petit moment à le lire, qui me fait d'autant plus plaisir qu'il m'a fidèlement dépeint l'événement.
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J
J'aime beaucoup la transformation (temporaire?) qui nait ici depuis quelques temps... On passe de l'explication (de la recherche) à la description (à l'action vivante) c'est chouette de découvrir cet aspect de toi... :-)
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J
Je viens de chez Alainx... très intéressant ton blog !!
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H
A la lecture de ton article, j'ai totalement ressenti ce que j'avais vécu lors de ma première manif à moi aussi(la précédente)... il n'est jamais trop tard pour expérimenter !! et cet élan de solidarité entre des gens multicolores, m'a presque émue.
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