Le temps de la liberté
A chaque fois que j'ai rencontré le désir de rapprochement d'une femme cela m'a permis de prendre conscience de mécanismes relationnels que j'ignorais. J'aime cette découverte et, pour tout dire, elle motive ma curiosité. J'explore. J'expérimente. J'apprends. Je pourrais garder cela pour moi mais, parce que j'en garde encore l'habitude, je partage ici, de temps en temps, ce que cela m'inspire. J'ose espèrer votre indulgence pour l'égocentrage éhonté de ces interventions, portées ici à titre de témoignage. Un cheminement personnel comme un autre...
[hop, me voila débarassé de l'autojustification]
Aujourd'hui : le besoin de liberté.
Le besoin de me sentir libre, que j'appelle improprement "liberté", est devenu prépondérant depuis que j'ai découvert les plaisirs de la vie en solo. Je n'imagine plus de renoncer à cette précieuse conquête et c'est un des premiers éléments que je pose dès que j'entre dans une dimension relationnelle qui pourrait, à plus ou moins long terme, mettre en péril cette prérogative. C'est un peu : « Touche pas à ma liberté ! »
Je n'envisage désormais une relation que pour ce qu'elles devraient toutes rester : libres !
Autant vous dire que si le principe en est aisément accepté la réalité se montre fort différente. Essayez de vous lier sentimentalement avec quelqu'un en lui exprimant un désir de liberté et vous verrez le résultat : inquiétude garantie, si ce n'est incompréhension ! Avec risque notable de rejet et/ou éloignement. Je peux comprendre ces réactions...
Mais en quoi consiste cette liberté, me demandent en choeur celles qui aimeraient bien, si ce n'est mon coeur, du moins me voir passer davantage de temps avec elles ?
Jusqu'à récemment je n'avais pas de réponse bien claire. Je pensais surtout à mon besoin de me sentir libre de rencontrer qui je voulais et de continuer à pouvoir faire des rencontres. Mais je sentais que c'était un peu court. J'ai laissé infuser l'idée afin de préciser ce que je plaçais derrière ce terme. C'est longtemps resté flou jusqu'à ce que se fasse un lien avec à la notion de temps. En effet j'ai remarqué que, dans la plupart des rencontres que j'ai faites, si ce n'est toutes, je me suis trouvé confronté à une demande pressante d'aller rapidement vers un assouvissement du désir de présence. Je ne sais pas si c'est parce que la frustration était pénible ou s'il y avait crainte que le désir de partage s'estompe avec le temps, mais il est certain que j'ai senti une pression. Je l'ai attribuée à un besoin de réassurance, mais il peut s'agir d'autres raisons. Par exemple ce peut être un désir de "vivre vite" ou, autrement dit, un désir de jouissance [par crainte de la mort ?]. Quelles qu'en soient les raisons ce genre de pression est inadapté. Par excès d'inquiétude j'ai moi-même procédé ainsi avec une précieuse amie, autrefois, et je sais maintenant que ça n'a contribué qu'à précipiter ce que je redoutais : l'éloignement. De fait personne ne pouvait calmer des angoisses qui m'étaient propres : c'était à moi de faire un travail sur moi-même. C'est ce que je me dis vis à vis des personnes pressées par le temps...
Cela m'a amené à répondre à une question que je ne m'étais même pas posée : quand j'entre en relation est-ce pour vivre au plus vite ce qu'il y a à vivre, quitte à me brûler les ailes, ou bien pour élaborer *quelque chose* ensemble, dans la confiance et le respect [concepts hautement subjectifs !], pour s'enrichir et s'épanouir mutuellement ? Clairement, pour moi, peu m'importe que les choses aillent vite ou pas... du moment qu'on s'en laisse le temps !
Mon besoin de me sentir libre est donc très lié à la dimension temporelle : j'ai besoin de temps. Temps pour construire la relation, d'une part, mais aussi temps pour continuer à vivre hors de celle-ci. Je me sais être plutôt contemplatif, j'aime observer, expérimenter, et en toute chose je souhaiterais prendre le temps qui m'est nécessaire. Je me sais être adepte d'une certaine lenteur, celle qui permet de ressentir l'instant présent sans systématiquement me projeter dans le moment qui va suivre. Être là au présent. Certes je pense à l'avenir lorsque ça me permet de faire des projets, d'envisager des bonheurs prévus et commencer à les vivre par anticipation... mais je me méfie des pensées lancées vers l'inconnu quand elles peuvent nourrir des craintes. Je me méfie du registre des peurs. Il m'arrive toutefois de me heurter à cet écueil projectif... notamment quand j'anticipe sur les complications relationnelles à venir du fait de mon besoin de liberté !
En fait, dans mon idée de liberté, tout est question de reliance : être relié aux autres, dans toute leur diversité, mais aussi être relié à moi-même et relié au temps. Mes relations aux autres sont professionnelles et familiales, amicales, internautiques... Presque toujours émotionnelles et parfois intimistes, désirantes, spirituelles. J'ai besoin de temps pour chacune de ces relations. J'ai aussi besoin de temps pour être en relation avec moi-même. Ce blog y contribue notablement, quoique de moins en moins proportionnellement. J'ai enfin besoin de temps pour... prendre le temps ! Prendre le temps de penser, de ressentir, d'analyser, d'observer mille choses. Prendre le temps de me promener, de photographier, de jardiner, de faire la sieste, de regarder dans le vague. Prendre le temps de me former, de m'informer, d'agir. Prendre le temps de lire, d'écouter, de humer, de goûter. Prendre le temps de le prendre ! Bref, j'ai besoin de beaaauucoup de temps pour me sentir vivre et ne peux envisager de le sacrifier pour le plaisir de partager une seule relation, aussi épanouissante et réjouissante soit-elle.
Puisque j'aime observer et expérimenter, que j'ai une certaine curiosité personnelle et relationnelle... j'aime rencontrer des personnalités diverses et entrer dans différents registres ce qui peut être partagé. Aimant les échanges approfondis et ne leur mettant pas de limites conventionnelles, peu m'importe de situer cela sur le continuum qui relie amitié et amour, sympathie et attirance. Et pas question d'exclure du champ du désir éventuel la sexualité ! Là encore j'ai besoin de me sentir libre de partager jusque là où peut exister un désir conjoint. Il ne m'est donc pas envisageable de me sentir coincé dans une relation exclusive. Je ne suis pas sorti de la conjugalité pour retrouver quoi que ce soit qui puisse y ressembler ! Ma partenaire la plus exigeante est probablement ma solitude.
Ce besoin farouche de liberté relationnelle allié au besoin de liberté temporelle fait que... ce peut être difficile à vivre pour celles qui voudraient partager davantage avec moi. Et ça me fait souci, parce que je n'aime pas induire de la souffrance [qui, certes, leur appartient...]. Entièrement présent à elles dans les moments de partage, je suis "absent" quand je suis occupé dans d'autres quartiers de mon existence, d'autres temps nécessaires. Je compartimente assez nettement mes vies, spontanément, sans pour autant les dissocier. Ma disponibilité dépend largement du présent que je vis. C'est le fameux "ici et maintenant"...
A moins que, de nouveau, j'aie à vivre une relation essentielle et "vitale", révolutionnaire parce que structurante et constructive au point de devenir prioritaire ? Mais j'en doute fort maintenant, au point où j'en suis parvenu...