Six ans et dix minutes. C'est le temps qu'il aura fallu, entre le premier jour ou l'idée à été lancée, inimaginable, effrayante, inacceptable, et ce matin, quand Mme la juge a prononcé le divorce. Six ans pour passer de la révolte au deuil, puis à l'acceptation, l'apaisement et enfin la sérénité. Une dizaine de minutes pour la procédure, efficace et sans fioritures : elle consiste à vérifier que chacun des époux est bien consentant et d'accord pour le partage des biens, établi antérieurement. Oui. Même pas le temps de laisser place à un frisson d'émotion.
Ensuite c'est allé tellement vite qu'après avoir demandé « vous n'avez pas de questions ? » la juge lançait déjà « je prononce donc le div... ». Non ! coupa Charlotte en répondant à la... première question. Deux secondes d'hésitation de la juge, le temps de comprendre le quiproquo, quelques sourires et c'était terminé. Couple suivant ! Il y en avait quatre autres ce matin, convoqués au tribunal à la même heure que nous. Apparemment tous en bonne entente, parlant entre eux ou consultant leur agenda pour les prochaines gardes d'enfants. Oui, le divorce est un acte devenu tellement banalisé...
Nous sommes sortis légalement étrangers l'un pour l'autre, après 27 ans de mariage dont quelques années d'une séparation progressive. Nous avons pris le temps nécessaire.
Je n'avais pas trop pensé à ça ces derniers jours, voyant cet aboutissement comme une ultime formalité. Mais hier soir, et surtout ce matin en me levant, j'ai senti une légère tonalité sombre. Un voile de mélancolie. Il y avait quand même la fin de quelque chose. Je repensais à notre oui commun... Autre époque, autres individualités, autres conceptions. C'est de ce temps d'avant que je divorce. Les mouvements induits par la vie ont fait bouger des choses. Davantage que celles qui sont demeurées dans une continuité. Même si à mes yeux l'essentiel est intact.
Au sortir du tribunal, en discutant dans la rue à côté de Charlotte, j'ai eu envie de lui prendre le bras. Sans le faire. Nous nous sommes assis au soleil à la terrasse d'un café, prenant le temps de bavarder un peu. Finalement ça ne change pas grand chose d'être divorcés...
Lorsque j'ai dit à Charlotte que je la trouvais jolie et paraissant plus jeune que son âge elle a joué les effarouchées : « ah ben tu ne vas pas te mettre à me draguer maintenant ! ». Ben quoi, je suis libre maintenant, non ?
Libre ? Ouais... pas si sûr...
Mais c'est un autre sujet.