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Alter et ego (Carnet)
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31 mai 2009

Mots vivants

Écrire, toujours. Poser des mots, même pour dire qu'ils ne viennent pas.
Laisser dépasser un fil et voir ce qui se passe...

« Je n'ai pas envie d'écrire », ai-je écrit ce matin. Mais s'agissait-il bien de cela ?

Non. J'ai envie d'écrire. En vie, décrire.
Vivre et l'écrire. Vivre de l'écrire.

Simplement je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas quoi dire choisir de dire. Car j'aurais trop à écrire pour avoir le temps de vivre simultanément. Écrire ce n'est pas vivre... enfin si, mais autrement. C'est imaginer la vie.

« C'est par incapacité de vivre que l'on écrit » dit Christian Bobin (aimablement cité par Pralinette). Oui, il y a de ça dans ce que je ressens : la vie et les mots parfois s'associent, parfois s'excluent et s'opposent. Vivre ou écrire, il faut parfois choisir. Est-ce parce que je vis davantage que j'écris moins ? A moins que ce ne soit l'inverse...

L'écriture et la vie entretiennent des rapports complexes.

Alors je pourrais écrire... « je n'ai pas envie de (re)tomber dans le gouffre de l'écriture ».
Oh non... ce n'est pas si sombre.

« Pas envie de me laisser emporter sur l'océan infini des mots ».
Euh... non... ce n'est pas ça non plus.

« Pas envie de me laisser chahuter dans l'impétueux torrent des idées qui se cognent aux mots ».
Ça approche, mais c'est toujours pas ça.

En fait j'aurais envie d'écrire mais je ressens le besoin de m'en tenir à distance. Parce que les mots qui se lient dans l'écriture sont des pièges autant qu'ils sont libérateurs. Outre le fait qu'ils tiennent à l'écart de la vie en même temps qu'ils peuvent l'intensifier, les mots fixés trompent autant qu'ils mènent vers une vérité. Écrire une pensée c'est simultanément la tuer en l'immobilisant et la faire vivre en la déposant. À travers l'écriture les mots s'assemblent, prennent une vie propre et leur destin se fige. Libérés ils ne sauraient être maîtrisés. Ils s'échappent. Et quand ils s'ancrent, sur écran ou sur papier, ce n'est que pour mieux retrouver leur liberté à la lecture.

Peut-être est-ce la conscience nouvelle de cette paradoxale liberté qui m'effraie, me fige, me retient. Alors j'observe cette matière lexicale en suspension que je découvre plus vivante que je n'imaginais. Malléable et rigide, elle réagit selon la façon dont elle est travaillée et agit sur celui qui la travaille. Elle agite aussi ceux qui regardent l'ouvrage achevé. Émancipée, elle vit ainsi du sens que chacun donne aux mots et à leur assemblage.

Visions discordantes parfois. Interprétations erronnées, éloignées du sens initial.

Mais est-ce vraiment important ? L'auteur d'un texte n'est-il pas, finalement, son lecteur ? J'ai à comprendre que mes mots ne m'appartiennent pas au delà du sens que je leur donne.

* * *

Et pendant ce temps...

IMGP1368

... le cycle des saisons...

IMGP1419

... porte les herbes folles...

scabieuse

... vers la maturité.

Commentaires
P
Oui Julie, c'est bien le temps qui pose problème. En ce moment, par exemple, je vis des tas de choses. Du coup je n'écris pas ! Même si écrire c'est vivre une nouvelle fois, encore faut-il dispose du temps pour revivre...<br /> Mes idées je les note, mais les notes s'accumulent et deviennent dépassées par des évènements plus récents. Alors je me dis qu'il restera bien quelque part une trace de ce que je vis, et que si c'est suffisamment important ça réaparaitra un jour :o)
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J
Vivre c'est ressentir, éprouver, faire, donner, vibrer, offrir, recevoir, comprendre...sourire...l'écriture c'est aussi cela non? Le plus difficile ce n'est pas tant de vivre, mais de trouver assez de temps pour tout vivre, rire!<br /> Quand à tes idées de la semaine rien ne t'empêche de les noter rapidement sur un carnet pour ne pas en perdre la trace consciente, non?! ;-) biz. :-)
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P
Emmi, c'est bien vu cette correspondance entre guérir et aguerrir ;o)<br /> <br /> Camille, je me demande si on doit "faire la guerre" contre ce d'où l'on vient, ou faire la paix entre soi et ce passé ?<br /> <br /> Ah Julie, tu me ramènes vers cette interrogation récurrente : écrire est-ce moins vivre ou vivre d'avantage ? Je ne sais toujours pas...<br /> <br /> Je crois qu'il faut se demander ce qu'on appelle "vivre", et quelle importance on accorde à ces différentes façons de vivre sa vie. Sans oublier qu'on est toujours seul à la vivre, et que les solutions des autres ne nous conviennent pas forcément.<br /> <br /> Ce que je sais c'est que depuis que je suis devenu salarié, donc avec des obligations, j'écris moins. Je ressens souvent cette frustration de ne pouvoir écrire dans l'instant les pensées qui me traversent. J'ai l'impression de "perdre" ainsi beaucoup de choses importantes. Par contre, lorsque je m'adonne à l'écriture (généralement le week-end), non seulement c'est un peu laborieux pour tenter de faire revenir quelques idées de la semaine, mais en plus je me dis que je "perds mon temps" à écrire plutôt qu'à... "vivre". Mais c'est quoi, vivre ?
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J
écrire serait une incapacité à vivre?? Bizarre de la part de Bobin, écrivain passionné et si prolixe dans ses mots... <br /> Très interessant ce billet Pierre... je me disais justement il y a peu comment : avoir le temps de vivre le quotidien avec le temps que me prends l'ecriture? Je pensais aux écrivains : ont-ils des personnes qui s'occupe pour eux de ces tâches, de ces contraintes, de ces obligations du quotidien? Du point de vue matériel, il y a de s"passions" qui bouffent le temps... Du point de vue de la vie, vivre, incapacité de vivre, parce que cet écrit nous submerge et qu'il faut prendre le temps de poser les mots au détriment, d'une tâche à faire, d'un moment à passer avec quelqu'un, que sais-je? Oui j'ai déjà ressenti ça et je me suis dis : tu écris, mais tu ne vis pas, ton envie d'écrire, t'empêche d'être là, au présent, à des activités autres ou à des moments avec tes proches! En même temps ce problème se retrouve pour tout passionné!! Dans mon cas, cette passion me demande une certaine exigence en terme de temps et d'organisation... Parfois je suis avec une ou des personnes, ou seule, loin de mon clavier ou sans feuille ni stylo (rare!) et des mots, des phrases envahissent mon esprit et construise un texte de ce moment et me vient l'envie ultra forte presque incontrôlable, obsédante en tout cas, de les poser, de les écrire, vite avant qu'ils ne s'enfuient, alors même que je sais bien que d'autres viendront les remplacer... sourire... Mais jamais je n'ai eu vraiment le sentiment que ce besoin, cette passion d'écrire, cette nécessité me venait d'une incapacité à vivre! Bien au contraire j'ai le sentiment de vivre deux fois : le ressenti et l'écriture de ce ressenti qui me le fait revivre. Sans compter toute la dimension qui s'ajoute, l'étoffe des mots qui magnifie, enrobe, souligne, intensifie...dans ce sens alors peut-être l'écrivain devient incapable de vivre la vie "simplement" il lui est nécessaire de la transformer, de la sublimer..sourire, de la coucher sur papier comme pour lui donner sens ou réalité...cette sublimation est l'oeuvre de chaque artiste, à mon sens le cri d'une vie qui vibre au-delà du tempo... ;-)
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C
suite à tes mots, je suis retournée voir les miens....et ai découvert mon lapsus ;-)<br /> pour moi, *l'art guérit* et j'ai utilisé la racine 'guerre'....il existe certes un 'art de la guerre' mais ce je ne voulais pas évoquer cet art-là ;-)<br /> <br /> aussi, je suis réceptive à ton terme: 'aguerrir'....je ne choisis pas mes mots 'au hasard' (comme tu le sais ;-)) et ce lapsus m'oblige à réfléchir sur la façon dont l'art guérit....il se trouve que j'utilise *la danse* (tout comme j'ai utilisé le tir à l'arc) pour ME guérir car les 'mots' (les psy) n'y suffisaient pas: il fallait que le corps 'parle' aussi<br /> <br /> or, la danse fait aussi partie des rituels de 'guerre': pour dépasser la peur, pour être prêt à accueillir la mort, pour vaincre *l'ennemi*.....pour se concilier dieu ou les dieux....<br /> <br /> d'où cette question: pour 'faire oeuvre de sa vie', fait-on la guerre à ce qu'on nous a inculqué, à ce qu'on a vécu, afin d'être *soi* ds toute sa plénitude, sans entrave? et est-ce que l'Art (les arts sous toutes leurs formes) nous en donne la possibilité?<br /> <br /> alchimie....<br /> <br /> bisou emmi et merci pour ton com' ;-)
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E
l'art qui "guéri"... ou qui aguerrit (à soi, aux autres)?<br /> <br /> (je pensais ça et en allant voir au dictionnaire, je vois qu'aguerrir, ça vient de guerre - s'habituer aux fatigues de la guerre, et par extension à ce qui parait pénible... )<br /> <br /> mmm...
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P
Nicole, ma réflexion autour du désir d'écrire est venue suite à "l'attente" de certaines de mes correspondantes. Parce que je ne répondais pas assez rapidement, ou pas suffisamment en quantité... alors que je n'ai aucune envie de me "forcer" à donner quelque chose quand ça ne vient pas.<br /> <br /> Pour ce qui est de l'interprétation des mots nous le faisons tous, et ça fait partie de ce qui "travaille" une relation, quelle qu'elle soit. Parce qu'en fait on se retrouve face à soi dans les mots de l'autre. Il est important de bien garder cela à l'esprit.<br /> <br /> C'est très juste Nadine : un échange de mots c'est en fait un renvoi de projections. Ce qu'on me renvoie de mes mots est transformé. Pas étonnant qu'on puisse en arriver rapidement à des "dialogues de sourds".<br /> <br /> Oui Camille, perpétuellement aboutir... pour aller plus loin. N'avoir de certitudes qu'au présent.<br /> J'aime bien ce que tu dis de la responsabilité de chacun à faire *oeuvre de sa vie* en se nourissant de ce qui émane des autres. J'aime aussi que tu parles d'art, qui était bien dans mon idée lorsque j'ai écrit ce texte. L'art, qui crée, invente, magnifie ce qui veut être signifié.<br /> <br /> Charlotte, en lisant ton commentaire je me demande si aujourd'hui j'ouvrirais le même type de blog... Ai-je encore des "histoires" à raconter ? J'ai certainement des choses à dire, mais peut-être d'une autre teneur.<br /> <br /> Oui Pralinette, je vis et ne ressens pas le besoin de raconter ce qui se passe. Ce n'est pas une envie de cacher, mais je ne trouverais pas de satisfaction à raconter parce que ça ne me pose pas de question. Je vis les choses beaucoup plus simplement, avec une certaine évidence. C'est très apaisant :o)<br /> <br /> Ouais, tu es ma muse qui m'amuse ;o)
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P
Je suis d'accord avec le commentaire de Charlotte, quand on est dans une période heureuse, on n'a pas forcément envie de dévoiler ce que l'on vit, et d'autre part on a moins de temps à consacrer à l'écriture. Pour moi dans ces moments de bonheur, c'est vivre, vivre à fond ce qu'il m'est donné de vivre, le partage de tout cela se fait autour de moi, en famille, entre amis, et de coeur à coeur bien sûr ;)<br /> Sinon, Pierre, comme je suis heureuse de t'inspirer, wééé je suis ta muse du moment ! mdr !
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C
Peut-être aussi que les gens heureux( ou quand ils sont dans une période heureuse)ont moins d'histoires à raconter , à écrire...
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C
aboutir tout en continuant de chercher....voilà qui me semble l'ultime paradoxe ;-)<br /> <br /> il me semble que tes mots disent *cela*: l'aboutissement jamais abouti 'pour tjs' mais abouti *ds l'instant*<br /> <br /> comme je te l'ai déjà écrit, tes photos me parlent plus encore que tes mots car je ne suis pas 'perturbée' par le sens que tu y mets....je suis uniquement ds *mon* ressenti ;-)<br /> <br /> mais sans ces *morceaux* de toi que tu donnes à voir, à *lire*, je n'aurais pas ces réflexions sur moi, ma vie.....chacun fait *oeuvre* de la sienne *grâce* aux *échanges* (de mots, de musiques, de peintures, photos, de mises en scène....)<br /> <br /> que serait l'humanité sans *l'art* pour s'exprimer........l'art qui guerrit<br /> <br /> bisous, pierre et merci
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