Célibat... à taire ?
Parmi ce qui contribue à me réinterroger sur la signification subjective des mots (indispensable quand on s'intéresse à la communication interpersonnelle...), il y a la notion de célibat. Je me suis rendu compte que ce terme, apparemment simple et propre sur lui, pouvait porter à confusion. Le Larousse le définit ainsi : « état d'une personne non mariée ». Ouais... ben au sens littéral ça fait beaucoup de célibataires !
Très longtemps j'ai été marié, ce qui présentait l'avantage de m'octroyer un statut relationnel relativement précis. Les circonstances et les hasards de la vie m'ont cependant fait lentement et inéluctablement glisser vers des vocables beaucoup plus flous. D'abord, en partageant une amitié amoureuse, j'ai vécu une double relation. Mais ce genre de choses ne se dit pas... Ce n'est que la conséquence qui a pu être nommée : je suis devenu "séparé". Terme qui laisse pas mal de lattitudes intérprétatives quant à la disponibilité relationnelle... Mais ça me convenait bien puisque dans ma tête j'étais encore très relié... euh... aux deux femmes. Enfin... surtout à l'une. Au fil du temps, puisque la séparation conjugale a duré quelques années avant que je devienne officiellement divorcé, je me suis progressivement délié, me présentant comme « vivant seul ». Dans l'absolu c'était juste. Dans la réalité ça l'était moins : mes pensées restaient encore largement occupées par des espérances un peu folles. Il aura fallu une rupture bien nette et sans bavures pour me rentrer dans le crâne que j'étais désormais sentimentalement "seul". Je crois que c'est à partir de ce moment-là que je me suis peu à peu présenté comme célibataire [lorsque nécessaire, hein ! C'était quand même pas ma carte de visite !] Et si je n'employais pas forcément ce mot, au moins le laissais-je comprendre. En même temps, pas fou, cela montrait ma disponibilité envers toute éventualité. Et plus si affinités...
Au début je n'aimais pas trop l'idée du célibat qui me rappellait le "vieux garçon", dont je ne me sens pas particulièrement proche. Je n'ai rien contre ce style de vie, mais bon... il ne me sied guère. Il n'aura échappé a aucun de mes lecteurs de longue date que je suis plutôt orienté vers les relations, de préférences féminines, systématiquement intimistes, forcément plurielles, et éventuellement sexuelles.
Mais justement, c'est là que se situe la problématique : si je me dis célibataire, il semble entendu que non seulement je vis seul, mais qu'en outre je suis seul. Affectivement seul. Or ça je ne le dit jamais, ni même ne le sous-entend. Mais allez savoir ce que les autres ont envie d'entendre...
Ça peut devenir compliqué quand une femme avec qui j'ai entamé une relation courtoise, devenant plus intime, a pris pour acquis que célibat = coeur à prendre et réalise subitement que... ben non, pas forcément. Quand la relation prend une tournure... disons... intimo-désirante, je me vois obligé de préciser mon style de vie : non-exclusif. Là, en général, sa secoue un peu. En quelques jours la femme désirante susmentionnée, déjà plus ou moins sentimentalement investie, s'immobilise, puis marque un mouvement de recul. Dépitée je la sens encaisser le coup, puis le contrecoup, me lancer quelques remarques acides, prendre de la distance... avant de revenir avec une certaine prudence. La relation, forcément, tangue avec la houle générée. Et moi je m'accroche au bastingage...
J'en suis donc venu à me dire que je ne devais plus me présenter comme célibataire, et ne surtout pas laisser croire que je le suis selon le sens courant !
Le problème c'est qu'il n'existe pas vraiment de mot pour définir ce que je me sens être actuellement. Je passe sur les "coureur de jupons" et autres sobriquets péjoratifs ou machistes, ne me retrouvant pas du tout dans une stratégie de conquètes multiples et éphémères. J'éviterai le terme de "libertin" : « qui est de moeurs très libres; qui mène une vie dissolue » (Larousse). Je n'emploierai pas celui de polyamoureux puisque l'état amoureux n'est ni nécessaire ni suffisant. Françoise Simpère propose bien le terme de lutinage (et lutin, lutine)... C'est mignon mais je ne m'y retrouve pas. D'autant moins que selon la définition du Larousse, lutiner consiste à « harceler une femme de taquineries galantes ». Reste un des termes qui m'a longtemps paru le plus adéquat et conforme à ce que je me sentais être : polyfidèle, inventé (?) par la même Françoise Simpère. J'aime bien l'idée de fidélités plurielles. Sauf que... la vie semble me prouver qu'en matière de fidélité (au sens de confiance, pas celui d'exclusivité sexuelle), rien n'implique que cela garantisse une relation durable. N'attendant plus cette fidélité relationnelle de l'autre, qui était autrefois un préalable indispensable, je préfère ne plus utiliser ce mot. Ça n'aurait pas de sens. Pour ma part je pense encore pouvoir rester fidèle à un lien même sans que la relation ne soit active, faute de partenariat...
Solitaire me semble trop austère, tandis que sa version light "solo" n'est guère employée. Et puis de toutes façons je ne me sens pas solitaire, bien que j'affectionne souvent une certaine solitude.
Certes, pour simplifier mon dilemme je pourrais tout simplement dire que « je vis seul mais ne suis pas seul ». Sauf que cela sous-entend que je ne serais pas disponible... Or les circonstances me portent, depuis quelques années, vers cette liberté de vivre des relations diversement impliquées, de l'amitié à l'intimité, dans des registres sentimentaux variables et aléatoires. Je ne suis donc pas seul... mais libre ! Libre de me lier. Comme tout le monde, quoi ! Alors bon, est-ce vraiment important de s'arrêter sur la nature exacte de ces relations ? Faut-il vraiment préciser à quel degré les sentiments sont présents et si oui ou non il y a partage d'intimité sexuelle ? Ouais, je sais : exclusivité de rigueur. Pffff...
J'ai gardé pour la fin le joli terme de "libraimant", pour qui j'ai une affection particulière. Il me semble suffisamment éloquent pour donner à la fois une idée de son sens et susciter une demande de précision. J'aime l'association légèrement contradictoire de libre et d'aimant, qui ressemble à amant tout en contenant aimer... sans pour autant rester contraint dans le cadre à la fois étroit et immense de ce mot hypersacralisé. Malheureusement le mot libraimance ne s'est jamais vraiment répandu...
Je ne suis pas certain d'être impartial en persistant à l'utiliser puisque j'ai été très lié à son inventeuse, participante active de ma conversion... mais tant pis : le mot me plaît et je l'adopte !
[Du moins tant que je suis dans cette logique de pluralité, dont rien ne me dit qu'elle est définitive.]
« Bonjour vous... moi c'est Pierre, libraimant... Vous habitez chez votre mari vos parents ? »
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Drôle de zèbre que cet insecte
qui se prend pour une coccinelle !