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Alter et ego (Carnet)
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19 juillet 2009

Chiffonnier d'idées

« Je te lis mais franchement à la fin c'est lassant cette introspection toujours sur le même sujet à savoir l'exprimable ou le non exprimable sur un blog. »

En lisant ce bref commentaire j'ai respiré un grand coup... pour ne pas proposer aimablement à cette lectrice d'aller voir ailleurs dans le vaste blogomonde s'il n'y avait pas mieux à lire.

Aaah, l'exigence du lecteur ! Comme s'il était attendu de moi des sujets diversifiés, plaisants, et pourquoi pas drôles tant qu'on y est ? Ben tiens, je suis payé pour ça !

Hé oh, c'est encore moi qui choisis de quoi je parle ! Je comprends qu'en tant que lectrice, la question de l'exprimable ne se pose pas, mais pour moi elle est cruciale.

Bon, mais cette remarque, ainsi que d'autres de ces derniers jours, ont eu le mérite de me faire réfléchir [encoooooore ?] sur l'intérêt de ces interactions entre l'écrivant (moi, en l'occurence) et les lecteurs. C'est parti d'un constat : d'après les commentaires je me voyais renvoyer une image contradictoire. On me trouve trop froid et détaché et, en même temps, trop sensible. Pas assez d'émotions d'un côté et trop de l'autre. Bigre ! Comment diantre cela est-il possible ?

À l'évidence, pour ceux à qui ça aurait échappé, ma froideur toute chirurgicale, mes décortications austères et sans affects, mon observation glaciale de la mécanique humaine, sont des moyens de vivre avec ma sensibilité émotionnelle exacerbée. Ma distance apparente est protectrice. C'est, pour le moment, le moyen que j'ai trouvé pour bien vivre : j'intellectualise les émotions. Je dois, pour donner un sens à mes émotions, les faire transiter par la raison. La pensée rationnelle. Du genre : « je ressens cela parce que... ». Il faut que mes émotions soient justifiées pour avoir le droit d'exister.

Compliqué, hein ?

Mais allons, va t-on me rétorquer, les émotions c'est spontané, c'est naturel, il n'y a qu'à s'y laisser aller ! Ben oui... mais non. Pas si, comme je l'ai fait, j'ai intégré que mes émotions n'étaient pas les bonnes. Pas si je me suis construit sous le fameux principe cartésien : « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». Ce qui a impliqué, dans ma p'tite tête, que ce qui s'exprimait difficilement était infondé. Or exprimer des émotions n'est pas la chose la plus simple... quand il s'agit d'être rationnel.

Le travail que je fais par écrit consiste donc, depuis des années, à donner parole à mes ressentis. Il s'agit d'une reconstruction narcissique en même temps que d'une prise de conscience de ce qui m'abime anime [je laisse le lapsus]. C'est donc trèèèèès égocentré. Répétitif et tourne en rond. Donc... potentiellement lassant. Mais je ne suis pas là pour plaire ! [enfin si, ça compte quand même aussi...]

Ce que je donne de moi, ici, c'est de la matière à penser. Oh, ne nous emballons pas : toute cette matière n'est ni précieuse ni essentielle. Il y a un peu de tout, en vrac. Beaucoup de rabachage remâché, parfois un peu d'idées nouvelles et, peut-être, de temps en temps une idée intéressante. Chacun fait son tri. Vous comme moi. C'est le but de ce partage d'idées. Et chacun peut faire part de son avis, montrant ses trouvailles ou critiquant la piètre qualité des idées, ou estimer qu'elles sont erronnées.

Je vide mon tas et ceux qui veulent viennent picorer ou se nourrir, comme des mendiants sur un tas d'immondices. Je pourrais aussi comparer ça avec une nourriture que je vous sers, mais j'aime assez l'idée d'un recyclage d'objets hétéroclites venus d'on ne sait où.

Et là... là... il y a transformation. Certains d'entre vous se saisissent d'une idée, la colorent de leur subjectivité, l'assemblent avec leurs propres idées et présentent leur trouvaille aux convives. IL peut en sortir des trésors. D'autres observent sans rien dire et repartent avec leur petit butin, ou frustrés de n'avoir rien trouvé de valable. D'autres encore rouspètent parce que c'est toujours le même genre de choses qui leur est présenté.

Je me verrais bien en chiffonnier d'idées.

« Chaque fois que j'écris je me découvre en rassemblant toutes les parties morcellées de mon être; je me construis. J'accomplis ainsi un acte d'unification qui me rend plus cohérente, plus solide, plus novatrice. Par conséquent l'écriture a, au sens large du terme, un effet thérapeutique incontesté. Elle est un des principaux facteurs de connaissance de soi et de libération de la personne humaine »

Colette Portelance dans "La liberté dans les relations affectives"

Commentaires
A
Julie M : BRAVO !<br /> Excellente définition du ressenti, de sa mise en mots, et de l'analyse qui peut en découler... mais bien après....<br /> Faut d'abord savourer le gout du dessert jusqu'au bout !<br /> <br /> Pierre, faut que tu apprennes à savourer !!<br /> Mais à mon avis, ce serait pour toi une révolution copernicienne !! :-)
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P
Ben, euh... Julie, comme pour toi le ressenti il est intérieur, physique. Donc traduire en mots une sensation, sans passer par l'intellect, je ne sais pas faire. Par contre je peux me contenter de dire sans analyser, ça oui.<br /> Donc avoir une écriture "brute" (pas brutale, hein !), "automatique" (sans réfléchir), peut donner un matériau écrit... inspiré par un ressenti. Mais pas le ressenti lui-même.<br /> <br /> Est-ce que c'est plus clair ?<br /> <br /> Et puis enlève tes lunettes de soleil : c'est pas rose, d'abord, c'est fuschia !<br /> <br /> Fact O'post, moi je suis en région Rhône-Alpes. (C'est pour ça qu'on se voit pas souvent avec Julie).
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J
Et Pierre...? c'est parce qu'on a dit que tu n'étais pas sensible, que tu nous mets du rose??!! ;-)))))
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J
FACT O' POST : moi je suis du 11 (aude)! :-)
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J
Alors PIERRE explique moi alors ce que tu entends par "ressenti" pour voir si nous parlons de la même chose :-)) après, euh...je n'ai pas la prétention d'avoir "l'expression parfaite du ressenti", hein?, mais personnellement par "ressenti" j'entends simplement "ce que je ressens, éprouve", physiquement surtout et mon "ressenti pensé" qui nait principalement et essentiellement, directement du ressenti physique! Le "ressenti", pour moi, passe principalemnt par mon corps et chemine plus ou moins violement au cerveau qui le met en mots. Ensuite j'ai des "ressentis" qui viennent de ma tête et qui me donnent des émotions physiques.<br /> Du coup : intellectualiser mon ressenti (le mettre en mots précis, l'analyser, en comprendre la source quand il est fort, destabilisant etc) etc) me mets un peu à distance de lui, m' en enlève plus rapidement le goût, un peu comme quand on se lave trop vite les dents après mangé et que l'on regrette le goût du dessert qui perdurait sur la langue!! ;-)
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F
Histoire de vous situer géographiquement afin de voir s'il est envisageable d'intellectualiser en chair et en os de vives voix.<br /> <br /> Dans quel coin habitez-vous ?<br /> <br /> <br /> Mais pour être honnête il y a derrière cette proposition une grande part de curiosité.
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P
Au sujet de l'expression des ressentis, soit on ne parle pas vraiment de la même chose, soit j'y suis tellement hermétique que je ne comprend même pas de quoi il est question !<br /> <br /> J'ai lu des écritures "instinctives", "impulsives", "spontanées", "sans contrôle", mais je ne sais pas ce que pourrait être une écriture des ressentis au sens où je l'entends. Ou alors ça me fait penser à une forme d'écriture "libre", à laquelle chacun donne un sens, auteur et lecteurs, sans souci de concordance entre les divers ressentis.<br /> <br /> Bon, je vais essayer de faire plus attention à la façon d'écrire de Julie-lâche-ses-mots ;o)<br /> <br /> Alainx, je ne sais pas si je "devrais" recourir à des thérapies, mais je pourrais, c'est vrai. Cependant je ne crois pas que ne pas le faire *retarde* mon parcours puisque mon parcours se fait à son rythme, en fonction des prises de consciences qui l'orientent. Ce que tu me dis éveille ma curiosité, et je t'en remercie, mais n'est pas suffisant pour que je me précipite sur une de ces thérapies pour ne pas perdre du temps sur... sur quoi, au fait ? ;o)<br /> <br /> Jeff, merci pour le compliment :o)<br /> <br /> Et merci à Jane et Lukéria
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J
PS: je ne l'ai pas encore dit, mais les photos de ce blog sont superbes !
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J
Le problème, c'est bien ce qu'on entends par intellectualisation des émotions: <br /> <br /> si on les juge d'emblée bonne ou mauvaise, ou si on les ne fait que les ressasser de façon obsessionnelle, on devient "passionné" - au sens ou on subit ses affects, au lieu d'agir grâce à eux - ; c'est pourquoi je disais qu'il fallait parfois opter pour un pilotage de la sensibilité ou de la volonté plutôt que de l'intellect pour leur gestion. <br /> <br /> Mais écrire ses ressentis comme dit Lukeria, cela doit pas être seulement intellectualiser - pour ceux qui "savent" écrire dans la spontanéité: moi, j'en suis encore loin... -. Qu'est-ce qu'on recherche quand on écrit ses sentiments ? Peut-être justement transformer ses passions en actions.
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L
Moi, je n'écris que dans le ressenti, en écriture spontanée, c'est ça le moteur de mon écriture. Et après, j'analyse et je suis souvent très étonnée de ce qui est sorti... C'est une bonne méthode d'introspection !
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