Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
24 octobre 2009

De la pureté de l'amour

Régulièrement je me sens tressaillir lorsque est fait un usage aussi large qu'imprécis de mots censés être compris par tous de la même façon. Or des mots fort importants sont subjectivés, teintés d'une coloration toute personnelle sans que celle-ci soit consciente. Un peu comme s'il allait de soit que tout le monde avait les mêmes représentation que celui ou celle qui s'exprime.

Quand il s'agit de mots tels que aimer, amour, amitié, fidélité, je sais qu'il me faut faire abstraction de mes conceptions personnelles pour tenter de les entendre selon le sens commun. Mais ça me dérange toujours. J'ai l'impression de me nier pour entrer dans une interprétation faussement consensuelle, sans relief et trop restrictive. Alors l'envie me vient parfois de préciser ma vision des choses, en sachant bien que souvent on tentera de me faire comprendre que ma vision est un peu particulière, voire carrément absurde, donc pas vraiment recevable.

Pourtant c'est important de s'entendre sur le sens des mots ! Surtout quand leur polysémie les rend vagues. Et moi, parce que je navigue souvent dans des entre-deux, je ressens d'autant plus le besoin que les choses soient claires. Le flou n'a d'intérêt que par les mises au point sur différents plans qu'il permet.

Je reviens donc régulièrement sur ce que signifie pour moi "aimer" et pourquoi je n'emploie ce terme que dans un sens très précis, refusant obstinément de le galvauder. Quand ce mot s'applique aussi bien à des objets, de l'alimentation, des actions, des attitudes, des lieux, des animaux, des personnes... et à l'état éphémère de la béatitude amoureuse, je m'y perds ! Tant de registres différents pour un même mot ! Alors peu à peu j'en suis venu à n'utiliser ce terme que dans un sens très pointu : celui de l'Amour "pur", ou absolu. Aimer l'autre entièrement, sans aucune condition, malgré tout ce qui en lui pourrait me déranger. Autrement dit l'Amour inconditionnel... celui-là même que je crois inatteignable à l'humain. En tout cas moi je ne suis pas capable de l'atteindre actuellement ! J'essaie cependant de m'en approcher. Je dirais presque de m'y élever... Pourtant je sens bien qu'il y a une part de cet amour dans mon rapport aux autres, en doses infiniment variables. Il y a aussi d'autres parts, parfois nettement moins nobles...

Je vois donc l'amour "pur" comme un constituant qui, mélangé à d'autres, donne ce qu'on appelle communément "aimer". Et c'est ce second sens qui me dérange, parce qu'il entretient une confusion. C'est comme si on utilisait le même mot pour désigner le vulgaire charbon et le diamant, carbone pur...

Alors quand on me dit « est-ce que tu m'aimes ? » ou « dis-moi que tu m'aimes », je suis bien embêté pour répondre. J'ai besoin de préciser... et parfois ça déçoit. Et si on insiste, je peux très bien me mettre en colère. Pourtant j'aime... mais pas de façon absolue.

Évidence ? Peut-être, mais je préfère quand c'est dit.

Même en l'utilisant dans le sens commun, est-ce qu'aimer est un mouvement vers l'extérieur... ou la satisfaction d'être comblé par cet extérieur ? Quand j'aime, est-ce que c'est un objet d'amour que j'aime... ou ce qu'il me renvoie de bienfaisant ? N'est-ce pas aussi moi que j'aime en aimant autrui, puisque cela me fait du bien de me sentir aimant et aimé ? Pas simple...

Et je ne parle même pas de l'illusion que constitue l'état amoureux !

Par contre l'amitié m'intéresse beaucoup, parce que fondamentalement elle est constituée avec les mêmes ingrédients que ce qu'on appelle communément "amour". Théoriquement sans le désir. Et la plupart du temps sans exclusivité. Je dirais même que l'amitié n'est généralement pas pervertie par les attentes que génère bien souvent "l'amour". En ce sens elle serait plus proche de l'Amour pur.

Je considère aussi, peut-être à tort (?) que ce qu'on appelle "amour" se transforme au fil du temps en une relation qui tient beaucoup plus du registre de l'amitié que de l'état amoureux. C'est en tout cas l'expérience que j'en ai. Je sais bien qu'il existerait, paraît-il, des couples qui restent "amoureux" après des décennies de vie de commune. Encore faudrait-il préciser ce qu'on entend par "amoureux" et si tout le monde s'accorde sur le sens de ce terme. Pour ma part je ne me souviens pas d'avoir rencontré un jour ce genre de couple. Par contre je connais une pléthore d'amis, souvent mariés, qui vivent en couple, partagent une sexualité (pour ce que j'en sais...) et appellent ça "amour". Quelle est la nature de leur désir réciproque ? Hum, je l'ignore puisque cela ne fait pas partie des sujets habituels de conversation. Cependant les quelques confidences que j'ai pu entendre ne faisaient que très rarement état d'un débordement de désir. Or qu'est l'amour sans le désir ?

Quant à l'amitié, selon l'expérience que j'en ai, c'est un lien qui s'installe doucement, prend sa place, se tisse et se renforce au fil du temps. Parfois il s'étiole ou se distend, mais sans les fracas d'une rupture. Mes amitiés je les constate : elles sont issues d'une confiance et d'un respect réciproques. Elles sont une présence fiable. Elles n'ont pas d'exigences, pas de conditions, pas d'interdictions ni d'obligations. Peu m'importe l'intensité de ces amitiés et la fréquence des contacts : ce sont des relations dans lesquelles je me sens libre. Accepté pour ce que je suis.

Voila pourquoi je préfère l'amitié à ce qu'on appelle "amour", encombré de beaucoup trop d'attentes. D'ailleurs il me plaît assez de croire que l'amitié puisse tendre vers de l'Amour authentique.

IMGP5340

Averse sur le fjord du Saguenay - Québec

Commentaires
P
Merci d'avoir fait part de vos impressions, Prose, je suis content de voir que d'autres partagent ce regard qui ne sépare pas amour et amitié. J'ai lu quelques pages de votre blog et les ai trouvé fort intéressantes. J'y ai d'ailleurs découvert un terme que j'ignorais mais qui a retenu mon attention : l'altersexualité...
Répondre
P
Il m'arrive rarement de me reconnaître à ce point dans les propos de quelqu'un d'autre ! En fait j'aurais pu écrire ce billet de la première à la dernière ligne.<br /> Je ne vois pas l'amour et l'amitié comme deux réalités strictement séparées. Je pense qu'une relation """amoureuse""" idéale pour moi... ressemblerait beaucoup à ce qu'on appelle usuellement l'amitié !<br /> J'ai rarement dit "je t'aime", et je l'ai toujours dit à des amies pour lesquelles je n'avais pas de désir sexuel particulier. C'était juste la seule expression qui collait avec ce que j'éprouvais à leur égard : du respect, une forte complicité affective, intellectuelle et morale, une acceptation entière de leur identité...<br /> <br /> Et je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Claire-Lise. A mon sens l'amour repose nécessairement sur des conceptions communes (ou très proches, le cas échant).
Répondre
L
Après bien des années ensemble, j'ai écrit un jour à l'homme avec qui je vis : "tu es mon amoureux, mon amant et mon ami". Car c'est ainsi que je le ressens. Et je dirais que le désir est aujourd'hui plus intense et profond qu'il ne le fut autrefois, parce qu'il est d'un autre ordre, fruit de l'évolution personnelle de chacun et d'un long cheminement qui nous a rendus plus reliés et nous a permis de vivre cet amour de manière consciente. Dans l'amour conscient, il n'y a ni panne, ni perte de désir. Il suffit de se regarder - par un vrai regard se fait la connexion des âmes - pour que monte le désir. Mails il est vrai que peu de couples le vivent sans doute ainsi.
Répondre
P
Merci pour ta contribution, Calamityjane. Je ne doute pas que des couples comme celui de tes parents existent, fort heureusement, mais s'ils contribuent bien à entretenir le mythe de l'amour-désir éternel... je crois qu'ils sont rares.<br /> <br /> Pour ce qui est de l'intensité des sentiments d'amitié, par rapport à ceux de l'amour, je me demande si les blessures en amitié ne sont pas encore plus douloureuses. Mais cela dépend probablement du vécu de chacun et de l'investissement dans les différents registres.<br /> <br /> Prune, je laisse Calamityjane te répondre :o)<br /> <br /> Kyrann, comme je l'ai dit l'amitié se constate pour moi au fil du temps, sur un long parcours commun de confiance réciproque. Nous sommes sur ce chemin :o)
Répondre
C
pourquoi mais c'est bien simple, car peu de personnes sont capable d'accepter les autres sans juger...sans blesser, oui c'est la réalité et il ne s'agit nullement de se cacher à soi-même...du tout! car s'il y a bien quelqu'un qui s'observe comme un insecte sous le microscope c'est moi...c'est pesant oui mais indispensable, qui donc oserait dire qu'il n'a jamais enfilé le costume de la représentation ? je voudrais bien le savoir...je parle de réalité evidemmment, pas de ce qu'on peut raconter sur la toile où chacun y va de son petit couplet sur la sincérité, la vérité sur soi ou les autres...
Répondre
K
Alors je ne suis même pas une amie ?
Répondre
P
Pourquoi enfiler le masque de la représentation, calamityjane ?... pour tromper les autres ou se tromper soi même ??<br /> Je ne sais pas si on peut "fonctionner" longtemps en se jouant "la comedia del arte"....le bénéfice que l'on en retire me semble plutôt être de l'ordre de la frustration : "intermitent du spectacle"... tout est toujours à refaire sans résoudre le problème de fond.<br /> Toute cette énergie gaspillée à faire semblant, me semble dommageable.<br /> Peur d'affronter la réalité?
Répondre
C
Je n'ai pas lu les coms associés a ce billet...mais j'ai connu un couple qui vibrait de cet amour dont tu parles, amour pour l'autre et désir associé, c'était mes parents après 50 ans de mariage, apres bien des hauts et des bas, la maladie, la passion était intacte. Aveu de mon père sur la fin, qui m'a laissé les larmes aux yeux car je ne crois pas connaître non plus cet état malgré mon âge...et je doute que je le trouverai un jour. L'amitié est, je trouve, tout aussi difficile à entretenir, des desillustions aussi peuvent apparaître et les blessures sont toutes aussi profondes et douloureuses hélas...j'en ai fait les frais récemment et du coup, je m'isole encore un peu plus intèrieurement...ou j'enfile à nouveau le masque de la représentation, la comedia del arte...toujours.
Répondre
P
Grand sourire, Kyrann :o)))<br /> <br /> Tu t'inscris exactement dans ce dont je parlais à la fin de mon précédent billet : « quelque chose de fondé sur l'authenticité de chacun, qui pourrait mener vers... l'amitié. Une confiance réciproque et un respect des désirs de l'autre, ajustés à ce que chacun peut offrir ».
Répondre
K
Et moi, je suis quoi ?
Répondre