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Alter et ego (Carnet)
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14 novembre 2009

L'éloquence du silence

Le silence, dans mon existence, est un vieux compagnon de route. Je suis entré en silence à l'adolescence, période de souffrance et de solitude. Je suis revenu à la vie lorsque j'ai rencontré celle avec qui j'allais sceller une alliance de couple. La parole et l'écoute allaient installer une communication libératrice et épanouissante pour chacun, autour d'un dialogue fécond. De mutique et solitaire je suis devenu, avec elle et seulement elle, disert, parfois bavard, au sein du pacte de confiance qui s'était installé. J'ai d'ailleurs cessé d'écrire quelques mois plus tard...

Quand le flux des mots entre nous se bloquait, tarissant la source de l'échange, je souffrais profondément du silence qui prenait place. C'était toujours parce qu'il y avait incompréhension. L'apport des confidences cessait, me renvoyant à un sentiment de solitude et d'impuissance. Quand je me sens proche de quelqu'un les silences lourds, ceux qui ne sont pas de simples moments de paix intérieure, me perturbent beaucoup. Ils m'inquiètent.

J'ai plusieurs fois écrit sur le silence, quand je l'ai vécu comme une déficit de paroles. J'y voyais une absence de sens. « Le sens du silence » titre d'un de mes textes, est une des requêtes les plus fréquentes pour les internautes que Google convie ici.

Et puis la vie et ses aléas m'ont poussé vers une existence assez solitaire. Le silence y prend une grande place : il est des jours où je ne prononce pas un mot, parce que je ne rencontre personne. Mon récent voyage au Québec à été très silencieux, hormis quelques discussions au hasard des rencontres et une soirée de jasette passée avec une amie de longue date.

J'apprécie le silence. Je m'y laisse souvent aller et le recherche fréquemment. Il me permet de me retrouver ou de rester dans une vie intérieure active lorsque la présence des autres me distrait, est pesante, ou trop en décalage avec ce que je me sens être. Je pense, je ressens, j'observe. Mais je parle peu.

Dans mes relations affectives et amicales je passe aisément de la parole au silence, selon que l'autre soit là ou pas. En présence je parle, parfois longuement mais, lorsque la distance géographique nous sépare, je me satisfais très bien de l'étirement des périodes de silence. Je vais peu vers les autres, même quand j'apprécie ces personnes. Peut-être parce que je suis "bien avec moi-même" et que la solitude permet à ma pensée en mouvement d'évoluer librement. En apparence, du moins, parce que je sais bien que cette liberté ressemble à celle du bocal de poisson rouge : un circuit fermé. Je sais bien que c'est la rencontre de l'autre qui m'ouvre l'esprit, fait surgir des pensées insoupçonnées, m'apporte des éclairages nouveaux, me permet de valider mes pensées ou de les mettre à l'épreuve d'une autre réalité. L'autre élargit mon horizon, me déstabilise, m'enrichit.

Aller peu vers l'autre, rester silencieux dans la distance, inquiète parfois les personnes avec qui je suis en lien. Je ne m'en rends pas toujours compte et suis désolé si je sens que cela pèse. Je tente alors de répondre au plus vite, montrant que je suis toujours accessible. Du moment qu'il ne m'est pas fait reproche de ce silence, ou que je ne sens pas d'attentes auxquelles je sais ne pas être en capacité de répondre...

Aujourd'hui je réalise que mes silence, parce qu'ils ne donnent aucun sens à l'autre de ce qui se passe en moi, laissent place à son imaginaire. Comme les silences de l'autre ont pu favoriser mon imaginaire, pour le meilleur parfois  et souvent pour le pire. Les inquiétudes et le silence ne font pas bon ménage. Les questions qui restent sans réponse, en ne donnant pas de sens, prennent une forme d'éloquence.

L'éloquence des silences est pourtant délicate à interpréter. Un silence peut être refus de communication, indifférence, colère, mal-être... ou simple repli intérieur. Temps de conscientisation ou de repos. Le dialogue de soi à soi demande que le silence se fasse avec l'extérieur. La recherche personnelle, la quête de sens, l'appel aux ressources profondes ne se fait pas en communiquant avec l'autre. Il en est de même lorsqu'on soigne ses blessures.

Ce que le silence exprime c'est que le dialogue, à ce moment, n'est pas. Mais il peut reprendre dans l'instant qui suit, pour peu que l'autre exprime son besoin de communication. Ou du moins il peut être rompu pour dire qu'il correspond à un besoin d'isolement temporaire.

Silence et relation ont quelque chose d'antinomique...

IMGP5225

Rencontre silencieuse de deux solitaires : un rorqual et un photographe émerveillé par cette présence, un soir de pluie, sur une côte déserte aux environs de Tadoussac (Québec)

Commentaires
D
Se pourrait-il qu’en cette aire de babillage à tous vents, tout venant, l’absence, la distance et le silence vaillent autant sinon plus peut-être que l’omniprésence ou que l’éloquence même? T K, il peut valoir la peine d’en vérifier la plausibilité...
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P
Je compléterais mon propre commentaire par ceci :<br /> <br /> Pour que le dialogue entre mutique et non mutique puisse s'ouvrir sur la question du SENS, encore peut-il être nécessaire au non mutique d'exprimer en quoi personnellement il se sent blessé par la survenance de ce mutisme, pour donner au mutique un sens, à cette recherche de SENS MINIMUM ADMISSIBLE
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P
"Le silence n'a pas de sens parce qu'il peut en avoir plusieurs, c'est cette incertitude qui est inconfortable.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à le rompre... c'est prendre le risque d'aller à l'encontre d'un souhait de l'autre non exprimé. <br /> <br /> <br /> <br /> .... qui ne veut pas se faire aider (sous divers prétextes) renvoie à une question évidente : qu'est-ce qui lui fait peur ? A quoi s'accroche t-il dans ses habitudes de fonctionnement ? Lui seul peut choisir d'y répondre... ou pas. Et toi tu ne peux que l'aider à prendre conscience de son enfermement, s'il veut bien l'entendre."<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Tout cela aujourd'hui m'interpelle plus que jamais :<br /> <br /> 1) Oui le silence peut avoir plusieurs sens<br /> <br /> 2) Dans une relation saine, il importe que celui qui reste ouvert ,comme celui qui décide de se fermer pour un temps qui lui est propre, puissent mettre UN MEME SENS au moins provisoire à cette période de suspension du 'dit'<br /> <br /> 3) Pour ce faire il est au moins au départ nécessaire de pouvoir 'le rompre' pour poser cette interrogation, voire pour suggérer, mais suggérer seulement l'hypothèse que l'on formule en tant que telle d'un SENS PARTICULIER, pour parvenir ensuite au consensus minimum du un SENS admissible<br /> <br /> 4) Après, effectivement l'aide est limitée au bon vouloir du mutique....., et dans cette attente 'le silence est d'or'
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C
"le silence est d'or"....parfois.... ;)
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P
Je te souhaite, Annick, d'accéder à ce silence du bien-être avec toi-même. Peut-être te faudra t-il aussi accepter de n'être pas reconnue par tous ? La peur du rejet conduit à se rejeter soi-même en voulant plaire... sans être sûr d'y parvenir. Et au prix de quels reniements ?<br /> <br /> Josiane, ce que tu dis de cet homme qui ne veut pas se faire aider (sous divers prétextes) renvoie à une question évidente : qu'est-ce qui lui fait peur ? A quoi s'accroche t-il dans ses habitudes de fonctionnement ? Lui seul peut choisir d'y répondre... ou pas. Et toi tu ne peux que l'aider à prendre conscience de son enfermement, s'il veut bien l'entendre.
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J
Oui, c'est vrai que le silence est difficile à définir! Je peux toutefois dire que d'une certaine manière, quand je "rentre dans le silence", c'est qu'il s'impose à moi, qu'il me fait du bien, pas envie de parler, pas envie de commenter, juste un moment de paix. A ce moment là je communique avec ceux que je vois à travers des regards, des gestes, ma présence, avec ceux que je ne vois pas,...c'est effectivement plus difficile. Cependant, ce silence là, qui est mon silence ne m'inquiète pas, je m'y suis accoutumée, il fait partie intégrante de mon être, mais je suis consciente qu'il peut perturber l'autre, les autres. Car par contre, le silence de l'autre ou des autres peut encore aujourd'hui me mettre mal à l'aise. Pourquoi se tait-il? N'a-t-il pas envie de parler ou ne peut-il pas parler? Est-ce qu'il se tait parce qu'il est très mal et qu'il veut faire le point ou bien est-il dans un état de mustisme qu'il ne maîtrise pas? Voilà ce que je vis aujourd'hui avec un homme qui est pourtant très proche de moi, qui n'arrive pas à se décider à se faire aider, qui s'enlise dans le silence, qui ne sait pas comment s'en sortir, qui est dans la culpabilité, qui est sous l'emprise de sa mère (tout en étant père lui-même), qui n'arrive plus à réagir, qui dit qu'il a fait trop de mal à ses proches....Alors oui, ce silence là, dans la "non réaction", dans la "non action", m'inquiète, me met mal à l'aise... mais comme tu le dis si bien, Pierre, "Quand à le rompre...c'est prendre le risque d'aller à l'encontre d'un souhait de l'autre non exprimé." J'ai cependant la conviction (et même davantage puisqu'il arrive tout de même à me le dire) qu'il va très mal et que ce silence,(et la stagnation qui va avec) devrait être rompu au plus vite sous peine de s'enfoncer chaque jour un peu plus...<br /> <br /> <br /> et j
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A
Je trouve très intéressante ta réflexion sur le silence.<br /> <br /> J'ai fait l'expérience, à la fin de l'été, d'un silence qui s'est imposé à moi comme une nécessité.<br /> "L'imaginaire de l'autre" s'est mis en place.<br /> Mon silence a été mal vécu et mal interprété.<br /> Mais il était ma vérité du moment et je me devais de respecter cette vérité.<br /> <br /> Je suis aussi quelqu'un de très silencieux, une "taiseuse" comme dit ma Maman. <br /> <br /> Silencieuse parce que :<br /> - peur de dire<br /> - peur d'être rejetée<br /> - peur d'être incomprise<br /> - avoir du mal à rencontrer des personnes qui ont les mêmes sujets d'intérêt que moi<br /> <br /> Un jour peut-être, mon silence naîtra du bien-être que j'ai d'être avec moi-même et non plus de la peur.
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P
Tu as raison Claire-Lise, le corporel a une autre éloquence et peut constituer une forme de "dialogue" : neutre ("absent"), encourageant à l'ouverture (croisement de regards, recherche de ce support) ou manifestant une fuite (regards fuyants, impossibles à croiser sans insister). Les attitudes du corps peuvent aussi avoir cette éloquence.<br /> <br /> Dans mon billet je faisais allusion à des situations de silence en l'absence de l'autre, avec une distance géographique plus ou moins importante. Quand, précisément, il n'y a aucun autre moyen de communiquer que par les mots (écrits ou parlés au téléphone).<br /> <br /> Pourquoi le silence met mal à l'aise ? Bonne question :o) Je pense qu'il met mal à l'aise à partir du moment où on s'en inquiète. Tant qu'aucune réponse ne vient apaiser cette inquiétude le silence "fait du bruit" et occupe l'espace. De façon croissante si ce silence dure.<br /> <br /> Le silence n'a pas de sens parce qu'il peut en avoir plusieurs, c'est cette incertitude qui est inconfortable.<br /> <br /> Quant à le rompre... c'est prendre le risque d'aller à l'encontre d'un souhait de l'autre non exprimé.<br /> <br /> Pour toutes ces raisons je trouve le silence assez fascinant :o)<br /> <br /> Ça me rappelle qu'un de mes premiers pseudo, sur le net, il y a une dizaine d'années, était... "Silence". Tout un programme ;o)
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C
Autant je suis d'accord avec toi pour dire que l'éloquence des silences est délicate (voire parfois très difficile) à interpréter, autant je ne suis pas d'accord pour dire que ce que le silence exprime c'est que le dialogue, à ce moment, n'est pas.<br /> En effet, c'est faire fi de tous les autres moyens d'expression notamment tout le langage corporel. Il peut par exemple y avoir un dialogue dans les regards. <br /> Il est des situations où les mots ne sont pas assez forts pour traduire l'indicible ou alors, à l'inverse, il est des situations où mettre des mots sur une attitude revient à réduire, à borner, à minimiser le ressenti.<br /> Le silence peut aussi vouloir dire qu'on n'a rien à dire sur la question car on on ne sait pas trop quoi en penser, ou alors qu'on est dans l'acceptation totale (ne dit-on pas "qui ne dit mot consent"). <br /> Comme toi, il y a des moments où j'ai besoin de silence car il est nécessaire pour que je me ressource, et à d'autres moments, je suis mal dans ce silence soit parce que je n'arrive pas (ou je ne souhaite pas) mettre des mots sur mon ressenti, soit parce qu'effectivement je ressens le silence de l'autre comme une mise à distance.<br /> Toute la question est alors de savoir pourquoi le silence (le mien ou celui de l'autre) me met mal à l'aise.
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