Je n'en ai pas parlé depuis longtemps mais je continue ma formation à l'accompagnement des personnes en difficulté relationnelle et affective. Bon, ça n'étonnera pas outre mesure vu autour de quoi se focalisent nombre de mes billets...
Il se trouve donc que, cette semaine, nous avons abordé pendant une journée « L'évolution de la notion de couple et de la famille ». Davantage qu'un apprentissage de savoirs théoriques il s'agissait d'un travail personnel et en groupe sur nos représentations, avec confontations de nos différents points de vue et interrogations sur le regard porté par la société. Je ne ferai pas ici un exposé de ce captivant sujet mais vais approfondir quelques pensées annexes qui me sont venues.
Il est apparu, ça ne surprendra personne, que le paysage familial français s'est considérablement diversifié en quelques décennies. De la famille traditionnelle (couple marié monogame avec enfants sous régime patriarcal) on en est arrivé aujourd'hui aux cellules complexes enfants-parents sous divers régimes de recomposition du couple (devenu polygame par succession de relations). Enfin... quand je dis qu'on en est arrivé là je devrais dire que ces formes de familles pluristructurelles et à géométrie variable sont devenues suffisamment fréquentes pour faire partie du paysage. Ce qui n'empêche pas à la famille "traditionnelle" d'exister encore sans être anachronique ni ringarde.
Dans notre groupe de formation coexistent les deux types de familles et j'ai constaté que cela influait sur nos représentations profondes de la "normalité" (avec tous les guillemets d'usage !). À l'évidence nos préoccupations et interrogations différaient selon que l'on fasse partie de familles "traditionnelles" ou "recomposées". Il a aussi été question de la pression sociétale normative, du regard culturel et de la rapidité à laquelle ceux-ci évoluent. Évolution jugée "rapide" pour certains, "lente" pour d'autres.
C'est là que je me suis rendu compte que, bien qu'ayant quitté le modèle traditionnel j'en étais encore nettement imprégné. Je veux dire par là que, même si je me sens ouvert à la diversité des recompositions, cela reste une posture intellectuelle. Dans le fond de mon être le modèle traditionnel reste une référence forte. Un ancrage. Or il se trouve que j'ai été le premier de ma famille élargie à m'être séparé et à avoir divorcé. C'est pas rien comme transgression ! Même si "la société" avait ouvert la voie depuis longtemps, faire entrer cette évolution dans la famille n'a pas été évident à assumer. Mes parents se sont même demandés ce qu'ils avaient raté (!!) pour que ça arrive. Quant à moi... il m'a fallu beaucoup de temps pour "intégrer" la réalité de mon désengagement du couple. Viscéralement la démarche n'est pas vraiment achevée, je le constate fréquemment par des attitudes et réflexes conscients ou pas.
Mes nombreuses cogitations autour du couple, il y a quelques années, et sur les relations sentimentales, depuis pas mal de temps, sur ce blog, découlent de cette difficile "transgression" : j'ai été propulsé dans des situations qui n'étaient pas du tout dans la culture familiale, et pas du tout dans mes représentations personnelles. Parfois cela allait totalement à l'encontre de mes convictions profondes et de la valeur que j'accorde à l'engagement. Voila pourquoi, depuis plus de six ans je fais un important travail de déconstruction-reconstruction pour m'affranchir de certaines loyautés familiales et me sentir à l'aise dans mes choix et leurs conséquence.
Je pense que nombre de personnes qui me lisent n'imaginent pas à quel point il est difficile à un gars comme moi de changer de regard sur des valeurs personnelles investies d'une telle importance...
Cela dit l'évolution en profondeur opère lentement et j'intègre progressivement la réalité du divorce. Le mode d'emploi est assez simple : il suffit d'accepter que quelque chose ne soit plus.
En revanche le travail consistant à changer ma façon de me lier est beaucoup plus lent puisqu'il nécessite que je trouve une nouvelle voie. Il me faut découvrir ce qui me convient et que j'ignore encore. C'est cette exploration que je rapporte fréquemment sur ce blog, déclenchant parfois quelques réactions d'une part d'entre vous, visiblement consternés par les chemins que je prends.
En revenant de ma formation, hier, tandis que, comme à l'accoutumée, je laissais mes pensées librement errer, un lien s'est subitement établi entre les sujets de société de la journée et certaines des réactions suscitées par mon dernier billet. Mais oui bon sang, c'est évident ! La pression sociétale est à l'oeuvre ici-même ! Alors que j'essaie "d'inventer" ma façon de vivre les relations (= trouver ce qui me convient), il apparaît nettement des tentatives visant à me faire revenir vers attitudes plus conventionnelles. Non pas vis à vis du couple ou de la famille, mais par rapport à "la relation". Ce qu'est censé être une relation quand elles n'est pas, précisément, "de couple".
Ma façon de vivre mes relations, le "détachement" et la "distance" que je revendique, dérangent et font réagir. Comme si j'étais dans l'erreur, avec mes idées farfelues. Alors que je fais un état des lieux personnel, afin de faire le point sur mes représentations, je me vois rappellé à l'ordre : « une relation ce n'est pas ça, t'es rien qu'un égoïste qui ne pense qu'à toi, qui veut tout et qu'en a rien à foutre de la sensibilité des autres et en plus tu t'empêches de vivre vraiment et c'est triste ». Je caricature, mais ça ressemble à ça. Pourtant je ne parle que de ce que j'observe en moi, des choix que je fais en fonction de ce que je sens être porteur d'un bien-être personnel. Rien de très subversif, somme toute. Je ne menace pas la société, ni la famille, ni le couple, ni les relations. Je n'oblige pas davantage quiconque à me suivre. Je cherche seulement à me sentir libre et bien dans ma vie.
En fait ces réactions indiquent que mes mots et idées touchent à des représentations différentes des miennes. Je sens bien qu'il y a projection et qu'à travers mes mots c'est autre chose qui est lu, et surtout ressenti. Quelque chose qui concerne la personne qui réagit. D'autant plus que l'amour, l'amitié, les liens, sont des sujets sensibles....
Bon... le souci c'est que j'ai déjà des difficultés à m'émanciper de mes valeurs culturo-familiales et que ces remarques viennent de nouveau questionner les idées un peu atypiques que je reprécise régulièrement par écrit pour mieux les capter... Mais tant mieux : je crois que je cherchais un peu la controverse fertile en publiant mon billet dont je n'ignorais pas qu'il avait un petit côté "provocateur". J'aime bien ce qui génère de l'échange de points de vue...
Merci à ceux et celles qui se sont exprimés, parfois dans le désaccord mais toujours dans le respect et la courtoisie :o)
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Moi aussi j'ai vécu un divorce douloureux (et pourtant à l'amiable) en 1989. Ma première grande désillusion! J'avais commencé à écrire en 87...et puis trop douloureux, peut-être trop jeune. Je préfère fuir...vers d'autres relations...et puis ça recommence...re-échec...et je continue. "Le travail" que tu as entrepris en suivant, moi je le commence 20 ans après. Mais j'y retrouve exactement les mêmes "conclusions". Plusieurs étapes s'imposent d'elles-même: accepter, sortir des conditionnements, changer de regard, essayer de mettre en accord ce que l'on dit et ce que l'on fait..etc. Tout ça ce sont des mots et le plus important c'est de vivre cela dans la sérénité...et ça met du temps à se mettre en place, le chemin de l'accomplissement est long et semé d'embûches, de tentations de repartir en arrière en se réimpliquant dans une autre relation sans être guérie de la précédente ou de fuir dans autre chose, se réfugier dans les plaisirs ou dans le travail, ou vers une passion quelconque...mais c'est toujours fuir! Alors que si on s'arrête, si on se sent la capacité de vivre seul (au moins un certain temps)on arrive à accepter, à voir plus clair au fond de nous. Mais ce n'est pas toujours très confortable, c'est souvent bien plus facile de repartir dans le tourbillon superficiel de la vie! Pourtant quand on a pris réellement conscience que la souffrance sera plus importante en continuant pareil au risque de commettre les mêmes erreurs, on se dirige vers quelque chose d'inconnu en ressentant que quelque chose de plus grand, de meilleur s'y trouve! Et là, on ne peut plus, on ne veut plus retourner en arrière. Alors on avance seul! (un peu contre tous) Au passage je continue à penser contrairement à Nadine (voir précédent billet) que la faiblesse de l'homme est un handicap et non son essence. Je pense que l'essence de l'homme est l'amour sous toutes ses formes. La faiblesse fait naturellement partie de notre être mais essayer de trouver la force en soi de ne pas se laisser submerger par les émotions, les préjugés, les contionnements, les points de vue des autres, les dogmes, enfin tout ce qui peut nous emprisonner dans une certaine manière de vivre, est selon moi une grande étape à franchir mais indispensable. Mais ce n'est pas parce qu'on a trouvé et donné un autre sens à sa vie, qui semble c'est vrai, assez éloigné du shéma de base(mariage, enfants, belle situation...) qu'on devient un être égoïste et insensible. Oh! non pas du tout mais pour le comprendre il faut le vivre! Tout simplement! Facile à dire mais pas tous les jours facile à vivre! Et pourtant aujourd'hui, j'ai comme l'impression que je dirige ma vie, j'ai l'impression de contrôler une grande partie de ce que je vis quotiennement, même si je me sens impuissante dans certaines situations et que je pleure encore bien souvent! Ce sont des situations mais ce n'est pas ma vie. Je n'arrive pas à mettre en mots ce que je veux dire, ce que je ressens. J'en suis désolée mais c'est comme ça! J'arrête là "ce charabia" car je suis retard...à plus