Réellement imaginaire
Je pensais que me confronter au regard d'autrui par le biais de l'écriture publique m'éloignerait d'une propension à croire en mes rêves et la réalité de mes représentations. Objectif en partie atteint puisque la rencontre de l'altérité m'a fait prendre conscience d'autres représentations, donc d'une pluralité de réalités. Aujourd'hui, devenu plus lucide, je dois cependant constater que c'est une autre forme d'imaginaire qui a pris place, sans totalement anéantir la précédente. Non seulement j'écris bien souvent en imaginant ce que certains lecteurs pourront penser, mais je réalise aussi à quel point ce que j'écris engendre comme imaginaire. Toute forme de relation, et l'écrit-lecture en est une, se bâtit sur de l'imaginaire. La communication elle-même est affaire d'imaginaire. En portant attention à l'expression des autres, notamment par écrit, j'ai bénéficié de regards croisés qui m'ont beaucoup appris à ce sujet et permis d'extrapoler.
D'où, aujourd'hui, une certaine perplexité. Entre un imaginaire qui, sans confrontation à l'autre, fonctionnerait sans limites, et la rencontre parfois fort complexe des imaginaires dans les relations humaines, j'en viens à réévaluer une de mes croyances : communiquer n'est pas forcément un chemin de reliance. Lorsque les imaginaires ne correspondent pas, ne s'entendent pas, communiquer peut aussi séparer, éloigner.
Il semble que j'aie à accepter que, quoi que nous fassions pour nous "comprendre", nous restons tous dans une large part d'imaginaire et de fantasmes. La pensée elle-même, pure abstraction, est l'imaginaire absolu. Dès lors, tenter d'exprimer ses pensées ne fait qu'ouvrir un imaginaire à d'autres imaginaires. Avec d'infinies possibilités de divergence...
Seul serait reflet du réel le rapport de faits, sans interprétation ni aucune trace d'affects.
Mais peut-on être en relation sans affect ?