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Alter et ego (Carnet)
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13 février 2010

Chanson logique

La nuit tombe et tu conduis sur la route enneigée. Plus qu'une dizaine de kilomètres sur cet axe à grande circulation et tu seras dans la maison maternelle. Tu te prépares à entrer dans le sinueux défilé, aux falaises toutes englacées par le froid de cet hiver qui n'en finit pas.

Musique de Supertramp à fond, tu roules tranquillement. Tu n'imagines pas ce qui va t'arriver dans quelques secondes...

« When I was young, it seemed that life was so wonderful,
a miracle, oh it was beautiful, magical. »

La route et ses abords sont raccourcis à la portée de tes phares. Tu suis les virages mais ne vois l'ornière dissimulée par le bourrelet de neige qu'au dernier moment. Tu veux l'éviter mais elle guide ta roue. Tu fais une embardée qui te ramène vers le centre de la voie. Une voiture arrive en face. Coup de volant dans l'autre sens. La route est glissante alors tout va très vite. Ta roue mord le talus très raide et l'escalade. Tu ne maîtrises plus rien. Dans l'épaisse couche de neige que tu laboures et qui t'aveugle tu sens ta voiture s'incliner, puis basculer sur le côté. Elle se couche, reprenant contact avec la route. Les vitres latérales explosent. Tête à l'envers tu vois le toit s'enfoncer sous le choc, le pare-brise se fissurer en rapant le bitume qui défile si près de ta tête.

« There are times when all the world's asleep,
the questions run too deep
for such a simple man.»

La voiture continue son mouvement de rotation glissée, se couche sur l'autre côté et finalement retombe sur ses roues. Tu es au milieu de la chaussée. Musique toujours à fond. Moteur arrêté.

« Won't you please, please tell me what we've learned
I know it sounds absurd
but please tell me who I am. »

Par chance aucun camion n'est venu en face à ce moment-là. Par chance aucune voiture ne te suivait. Par chance tu étais seule sur la route à cet instant.

Après avoir vu l'état de la voiture et que je me sois rendu sur le lieu de l'accident, hier soir, pour chercher des objets qui seraient tombés dans le choc, en voyant la balafre sur le talus, les morceaux de verre et les éléments de carrosserie sur la route, tu m'as fait rétrospectivement très peur, ma fille.
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IMGP6379

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Commentaires
M
point trop n'en faut oui et non...<br /> tout dépend à qui tu l'adresses ...<br /> il ne s'agit pas de le dire à tous et à toutes auquel cas je te l'accorde il perdrait toute sa valeur ...<br /> mais je pense qu'un enfant peut et doit être cette exception qui confirme cette règle ...
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P
Alainx, c'est ce qu'on appelle le langage du corps (vivant!) :o)<br /> <br /> Martine, point trop n'en faut ! Il me semble important que ces mots gardent leur préciosité en n'étant pas employés à tout bout de champ. Mais je pense aussi que c'est une question de culture familiale.<br /> <br /> Lukéria, ce réveil n'est pas exclu. Elle m'a dit avoir très bien dormi cette nuit mais ce n'est pas forcément signe que l'accident est bien intégré.<br /> <br /> Merci à vous :o)
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L
Pour ta fille, ne pas négliger qu'elle puisse en garder une peur rétrospective, qui peut se manifester très longtemps après, par exemple sous forme d'insomnies ou de cauchemars. Je te parle en connaissance de cause parce que j'ai eu un accident il y a quelques années et c'est ce qui m'est arrivé. Le traumatisme reste enfoui dans l'inconscient et resurgit où et quand on ne l'attend pas. Il faut alors y penser et se faire aider. S'il n'y a pas de traumatisme physique, il peut y en avoir au plan psychologique. Je te souhaite une très belle soirée apaisée après de telles émotions.
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M
cette lettre j'en suis certaine pèsera lourd et beau dans son cœur de fille ...<br /> <br /> Je dis à la mienne 50 fois par jour combien je l'aime ...<br /> parfois ça l'agace elle me dit <br /> "pourquoi tu me répètes toujours que tu m'aimes maman, je le sais "<br /> <br /> Alors je lui réponds <br /> <br /> "c'est pour que jamais, quoi qu'il arrive, tu ne l'oublies ...<br /> et parce que même, si moi aussi je sais que tu m'aimes, lorsque malgré tout, tu ressens ce besoin de me le dire, c'est comme si mille rayons de soleil rentraient dans mon cœur pour l'éclairer .."
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A
Content de voir que ce ne sera que tôle froissée...<br /> <br /> A propos de réaction rétrospective, ma fille m'avait raconté la 1° autospie humaine à laquelle elle assista. Elle eut quand mm qq nausées...<br /> Sa copine se vanta que "à elle, ça ne lui avait rien fait du tout"....<br /> 3 jours plus tard la copine fut couverte de boutons et de plaques rouges...<br /> Même pas mal !
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P
Merci à vous toutes (aucun homme...) pour votre attention. Vous m'avez aidé à prendre conscience que je n'avais pas vraiment dit ma peur, signe de mon attachement, à ma fille. Je lui ai donc écrit, faute de pouvoir la serrer dans mes bras...
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C
Elle va bien.Quel bonheur.Embrasse la beaucoup beaucoup...
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J
ouf !
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P
Pati, le "syndrôme de l'après" correspond, il me semble, à l'intensité de la peur ressentie. OR la mienne a été rétrospective, donc en grande partie privée de ce qui la rend palpable : l'émotion viscérale. Il n'empêche que si j'ai ressenti le besoin de l'écrire c'est que j'avais celui "d'évacuer" cette charge émotionnelle.<br /> <br /> Josiane, curieusement ma fille a eu le temps de penser pendant que sa voiture se retournait. Nombre des détails que je cite viennent de sa bouche, et j'ai été étonné de cette pleine conscience. Tout ce qui avait du sens et lui était compréhensible n'empêchait pas son cerveau de fonctionner. En revanche ce qui n'avait pas de sens ( "je n'ai pas compris ce qui s'est passé") quant aux raisons de ce retournement, c'est moi qui l'ai déduit des observations faites sur le terrain. Cette faculté que l'on a d'être pleinement conscient dans des moments qui peuvent mener à la mort sans pouvoir agir me fascine. J'en ai moi-même fait l'expérience...<br /> <br /> Pour ce qui est d'évoquer ici un évènement réellement tragique, je crois que cela me serait impossible. D'une part parce que ce ne serait pas le lieu approprié, mais surtout parce que ce genre d'évènement est "indicible". Aucun mot ne peut être représentatif d'une telle douleur. Peut-être aussi parce que c'est "incompréhensible" : impossible d'être saisi par autrui.<br /> <br /> « Quant au bonheur de serrer dans mes bras une miraculée », il se trouve que j'ai été rassuré avant d'avoir peur : ma femme (ex-femme pour les puristes) m'a présenté les choses d'une façon telle que je n'ai même pas eu accès à la peur, ni à la réelle conscience de ce qui s'était passé. Elle s'est voulue tellement rassurante en me parlant d'assistance, de « elle va bien, elle n'a rien », que la peur n'a pas eu place d'apparaître. Ce n'est qu'au fil du temps que j'ai réalisé, en voyant la voiture, ma fille, puis les traces de l'accident. D'où cette « peur rétrospective ».
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J
Ouf!Quel soulagement après avoir cotoyé la peur, même si celle-ci était rétrospective par rapport à celle que ta fille a du vivre en direct...bien que dans ces moments là, tout va très vite, pas le temps de penser, pas le temps d'avoir peur!<br /> C'est plutôt après qu'on réalise!<br /> "S'il lui était arrivé le pire je ne crois pas que j'aurais pu en parler ici."<br /> C'est je l'avoue une pensée qui m'a effleuré l'esprit. En relisant je vois bien que tu as employé plus de phrases pour décrire l'accident, l'état de la voiture...et peu de mots pour décrire le bonheur de pouvoir serrer dans tes bras une miraculée...c'est peut-être parce que c'est aussi difficile de décrire un moment de bonheur intense et personnel qu'un chagrin intense et personnel...surtout en direct! Avec un peu de recul, peut-être...oui...peut-être. Ceci dit, je suis heureuse pour vous que cette péripétie dont ta fille rit aujourd'hui, se termine ainsi.
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