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Alter et ego (Carnet)
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23 février 2010

Présence permanente

La sortie de l'hiver, particulièrement marqué cette année [les dernières plaques de neige n'ont encore pas toutes disparues], est une période durant laquelle j'ai beaucoup à faire dans mon coin de nature. Couper, dégager, aménager... Le printemps n'est pas loin et je dois me hâter de faire ces travaux saisonniers avant la grande poussée verte. Du coup je m'accorde beaucoup moins de temps pour réfléchir... et c'est tant mieux !

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Par un drôle de hasard qui n'en est pas, ce moment coïncide avec le recul pris par rapport à ce "blog", suite logique du constat de ma trop grande implication dans la vie dite "virtuelle". J'y passais davantage de temps que je le souhaitais et cela avait des conséquences sur mon sentiment de liberté : je me sentais devenir aliéné à ce moyen d'interaction sociale. Autrement dit : en état de dépendance. Or j'ai une profonde aversion à l'égard de la dépendance relationnelle...

J'appelle dépendance le besoin de satisfaire un désir pour en être libéré.

Le recul m'a permis de mieux discerner les composantes interactives de ma pratique de l'internet social, et de voir celles qui allaient plutôt du côté de la liberté (de la libération) et celles qui conduisaient plutôt vers une dépendance. Les premières étant plutôt à maintenir, les secondes à éradiquer autant que faire se peut.

Dans mon rapport à l'internet social je distingue trois entités :

  • le lecteur
  • l'écrivant
  • le commentateur

Je constate que cet ordonnancement par ordre d'apparition historique (j'ai d'abord été l'un pour passer à l'étape suivante) correspond aussi à un mouvement vers une extériorisation croissante :

  • la lecture est une action intérieure, invisible par quiconque
  • l'écriture est une expression de l'intérieur vers l'extérieur, destinée à être lue
  • le commentaire initie une extériorisation à visée interactive, visible par un ou plusieurs destinataires

Je note que pour interagir il faut nécessairement passer par la lecture et l'écriture, alors qu'on peut être lecteur sans écrire et inversement. Sans nécessairement interagir...

Le lecteur que je suis s'enrichit des écrits des autres. La lecture capte mon intérêt, attise ma curiosité, m'apprend quelque chose de l'Autre. Parfois elle me fait rire, m'irrite, m'émeut. La lecture m'est donc une source d'émotion et de connaissance. Je ne m'en sens aucunement dépendant, sachant que je peux venir à ma guise puiser dans un réservoir infini et en perpétuelle croissance. En outre je ne m'expose pas, en tant que lecteur.

Du statut de lecteur, réceptif et passif, j'ai très vite été tenté par l'autre côté : l'expression. Le désir d'extérioriser, sans vraiment penser à l'interaction, a pour moi été premier. Mais je sais que d'autres, initialement lecteurs, sont devenus commentateurs avant d'ouvrir leur propre espace d'écriture. Pour ma part, ce n'est qu'à partir du moment où j'ai commencé à interagir avec ceux que je lisais, et qui me lisaient, que les pistes se sont subdivisées entre libération et aliénation. Je devrais même dire que c'est à mon besoin de libération que je me suis aliéné...

Essayons d'y voir clair :

L'écrivant est celui qui exprime son intériorité, ou au minimum propose son avis. Ce qui m'intéresse ici est l'écriture personnelle, à tonalité intimiste. Il y a toujours un destinataire à ce genre d'écrit, que ce soit soi-même ou un autre... et il n'est pas toujours simple de savoir qui est la cible inconsciemment visée.

  • J'écris "pour moi-même" quand je m'exprime librement, offrant mon regard, ma vision du monde, à quiconque trouvera une satisfaction à me lire. Désintéressée, c'est l'écriture la plus "libre", la plus bienfaisante. Elle n'entraîne aucune attente de retour. Elle trouve satisfaction en elle-même de la simple liberté de pouvoir se dire.

  • J'écris "pour autrui" quand je le fais avec un objectif : toucher l'autre, de quelque façon que ce soit. Il y a là une attente de "contact", l'autrui en question étant considéré comme un point d'appui. Il y a un désir de sentir quelque chose en réaction. Et plus que le seul désir... parfois un besoin. Or, qui dit besoin dit dépendance de son assouvissement. C'est cette composante que je n'aime pas sentir en moi. Il apparaît clairement qu'à travers autrui... c'est ma propre satisfaction que je vise !
    Dans ce type d'expression il y a donc, plus ou moins conscientisée, une attente d'interaction. C'est là que ça se complique.

L'interaction se formalise dès que le lecteur entre en contact avec l'écrivant. Quittant la passivité du lecteur, le commentateur a suffisamment envie de réagir pour s'exposer à son tour. Si j'observe ce qui me pousse à faire part de mes impressions il peut y avoir :

  1. une satisfaction à avoir lu quelque chose qui me touche, de quelque façon que ce soit, et l'envie d'en faire simplement part à l'auteur du texte.
  2. un désaccord avec ce qui est exprimé, ou une envie de compléter, d'apporter des précisions ou un autre point de vue
  3. un désir de convivialité, à coup de clins d'oeil avec l'écrivant, avec qui j'ai envie d'établir ou de perpétuer une connivence.

Dans tous les cas il y a un désir de contact relationnel. Ce contact je peux l'avoir de façon privée, à l'insu des autres lecteurs... ou au vu de tous. Si je le fais de façon publique ce peut-être pour établir un échange profitable à tous. Mais ce peut aussi être pour afficher mon interaction avec l'écrivant... ou encore pour être "vu" par les autres lecteurs. Il en va évidemment de même pour les commentaires que je reçois. Discrétion des messages privés ou échanges publics, je peux me demander quelles motivations inconscientes se manifestent dans ces démonstrations...

En tant qu'écrivant je reçois diversement les commentaires. Sensible à ceux de la première catégorie, je les prends comme un témoignage spontané. Ils sont ma "récompense", ma satisfaction, le carburant indispensable à un certain type d'écriture : celle qui n'attend aucun retour. Celle qui est "offerte".

Tout aussi importants sont les commentaires de la seconde catégorie : ils suscitent et enrichissent l'échange, le débat, la controverse. Ils nourrissent les réflexions, apportent quelque chose de plus. Eux aussi sont un carburant puissant, dont il dépend en partie de la qualité de mes écrits qu'ils me soient fournis. Ces commentaires sont stimulants.

Le troisième type apporte de la fluidité, de la détente [y'en a besoin ici !], de l'humour, de la sympathie. Ils contribuent à rendre plus agréables, plus personnalisés les échanges.

Alors, de quoi me suis-je senti dépendant ? Et bien de l'ensemble de ces interactions. Parce qu'elles m'apportent souvent beaucoup... mais au détriment de la vie réelle, moins "riche" sur ce plan. Parce que ces échanges multiples demandent du temps, beaucoup de temps, pour lire, écrire, commenter... et commenter les commentaires. Et comme la vie des blogueurs se raconte en temps réel, que les commentaires se font en quasi direct, laisser passer des jours sans lire, écrire ou commenter, c'est se déconnecter un peu de cette autre vie qu'est celle de l'internet social. L'échelle de temps n'étant pas la même que dans le monde réel, une absence de quelques semaines équivaut presque à une disparition.

C'est de cette tyrannie de la présence permanente que j'ai envie de m'extraire.
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Avis de grand vent sur les sommets, avec nuages de neige soufflée

Commentaires
P
Bonjour rcd. Il me semble que votre commentaire donne déjà pas mal d'éléments de réponse à la question qui le termine...<br /> <br /> Vous exprimez le désir d'avancer et le « besoin de parler à quelqu'un ». Vous parlez aussi de ce qu'on appelle le "syndrôme du nid vide", d'une nouvelle place que vous ne trouvez pas. Vous dites aussi avoir « déjà tellement surmonté d'épreuves » et que vos « cuves sont vides »...<br /> <br /> Déçue par la vie, vous exprimez aussi votre lassitude.<br /> <br /> Je crois que votre psy à raison de vous aider à vous poser des questions : les réponses sont en vous. Le moment est venu de vous écouter, de prendre soin de vous (d'être "égoïste"). Qu'est-ce qui vous retient ? Qui vous empêche d'aller vers vos aspirations ?<br /> <br /> La vie n'est un cactus que si vous le croyez. Mais votre regard peut changer...
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R
ce commentaire m'interpelle.<br /> Je suis suivie actuellement par un psy et une psychothérapeute. Autant j'accroche avec la psychologue que je ne comprends pas ce que le psy attend de moi... Je me trouve dans un état de stress permanent quand je dois le voir. A une question il me répond par une autre et j'ai l'impresssion de ne pas avancer et pourtant il est devenu une drogue car j'ai besoin de parler à quelqu'un.<br /> Pourquoi - parcequ'à 51 ans après avoir consacré ma vie à mes enfants (2) et mon mari, les oiseaux ont quitté le nid et même si j'entretiens toujours de bonnes relations et nous voyons souvent j'ai ressenti un immense vide dans mon être tout entier :<br /> quelle est ma place dans cette vie et j'ai eu envie d'en finir estimant que mon rôle était rempli - mes enfants ont réussi leurs études, vivent en couple heureux et moi je ne trouve pas ma place en tant que femme et épouse - trop longtemps oubliée au profit de mon rôle de mère.<br /> Aujourd'hui nous avons réajuster notre couple mais la dépression est une épreuve difficile à surmonter pourtant j'ai de la volonté et j'ai déjà tellement surmonté d'épreuves...<br /> La vie est un cactus... Et vivre demande un effort de chaque instant - désolée pour celui qui lutte pourtant je travaille dans un hopital mais parfois je donnerai ma vie pour ceux qui luttent pour vivre et moi en terminer avec la mienne...<br /> J'ignore pourquoi ce vide aujourd'hui... et pas avant... Une remise en question et des discussion avec une psychothérapeute m'ont apporté quelques réponse à ce pourquoi... Pourquoi, si je continue de vivre, je veux que ma vie change... Je voudrai me transformer en "égoiste" hermétique aux malheurs des autres et à leur souffrance... Ne plus répondre oui pour faire plaisir alors que mon coeur dit non... Faire des projets mes lesquels ? J'ai créé un blog où finalement j'étale mes état d'âme et vous invite à le consulter... à travers des textes, de la peinture, des photos... Mais je crois que j'attends trop de la vie et la vie ne me rend pas ce que je pensais : elle me déçoit... Je suis une idéaliste et voudrai vivre dans une bulle pour ne plus voir au dehors et ne faire entrer que le positif. Mes cuves sont vides et je ne peux plus rien apporter... Pourtant je suis d'une nature généreuse, toujours un mot de réconfort pour chacun, un sourire pour ceux qui en manque, une conversation pour amorcer un dialogue... ALORS que se passe-t-il aujourd'hui pour que je sois ainsi...
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P
« le blog demanderait donc une présence permanente pour exister ? » [Carole]<br /> <br /> Je crois en effet que toute relation (et le blog en est une, entre écrivant et lecteur) nécessite une "présence". Un blog qui deviendrait trop délaissé par son auteur amoindrirait cette connivence qui se développe dans une relative régularité de publication. Bien sûr, un blog peut exister avec des interventions très espacées, mais il ne se produit alors pas cette forme de "dialogue" qui, à mon avis, apporte une dimension supplémentaire aux échanges. Ce qui, justement, fait que ce n'est pas qu'un miroir narcissique...<br /> <br /> C'est bien tout l'enjeu de cette écriture : ni trop proche, ni trop distante. Ne pas s'y perdre ni ne perdre une certaine qualité d'échange. Et la question, au final, se résume bien à « cela me rend-il plus humain ou moins humain ? ».<br /> <br /> Alain... ton commentaire de la catégorie un me touche, venant de ta part, lecteur de longue date.<br /> <br /> J'aime bien cette distinction que tu fais entre différentes formes de dépendance. Je me faisais la réflexion, aujourd'hui-même, que le terme "dépendance" était trop fort : je ne me sens pas dépendant au point de m'y perdre et de souffrir si je n'obtiens pas ma dose :o)<br /> Le plus souvent c'est simplement que je trouve une satisfaction dans des échanges... et que j'aime ce qui me fait du bien :o) C'est pourquoi le terme de « dépendance consentie » me plaît. Le développement que tu en fais, élargi à la relation à autrui en général, me semble particulièrement juste.<br /> <br /> Je crois que j'ai développé une aversion de la "dépendance" en rapport avec certains épisodes de mon existence. Il serait peut-être temps que je cherche à me réconcilier avec cette composante inhérente à toute relation.<br /> <br /> Beaucoup de mots importants dans ce que tu m'écris...
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A
Commentaire de la catégorie deux, tendance précision.<br /> <br /> Commençons cependant par la catégorie un ;)) : <br /> j'apprécie beaucoup tes développements à propos du rapport écriture/lecture/commentaire. C'est bien dit et éclairant. (Propos sincères et non flatteurs...)<br /> <br /> Passons à la catégorie deux ;)) :<br /> il me semble qu'il serait intéressant de regarder de plus près ce que tu nommes souvent « état de dépendance ».<br /> Peut-être faudrait-il distinguer la dépendance aliénante et la dépendance consentie. (Pour garder le mot de dépendance...)<br /> L'être humain est fondamentalement relationnel.<br /> Nous ne pouvons vivre les uns sans les autres.<br /> Ce que tu dis à propos de la relation blog/lectorat le démontre d'ailleurs dans ce domaine de la blogosphère.<br /> Autrement dit il existe une forme de dépendance relationnelle inhérente à la nature humaine, et qui comporte une dynamique de réussite, à la fois soi-même et à la fois l'autre.<br /> Vouloir y renoncer serait courir à sa propre perte.<br /> <br /> Ce qui est aliénant, c'est l'incapacité de vivre À LA FOIS libre face à l'autre, et À LA FOIS proche de lui concrètement. Les deux sont irrémédiablement cumulatifs.<br /> On peut se sentir totalement libre intérieurement dans une relation, ce qui comportera le choix positif de renoncer à certains possibles, parce qu'on s'y trouvera plus soi-même et accompli que l'inverse.<br /> On peut évidemment aussi se sentir totalement aliéné à l'autre. La prise de distance, parfois nécessaire, ne fera que donner l'impression d'être plus libre... Sans qu'on le soit pour autant.<br /> Comme dit l'autre : je n'ai aucun problème relationnel... Je ne rencontre jamais personne...<br /> <br /> Le signe de la sortie de l'aliénation c'est la capacité de redevenir libre et proche face à la personne dite aliénante.
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C
« Si l’on commençait par se demander : qu’est-ce que l’homme ? Quels sont ses besoins ? Comment peut-il le mieux s’exprimer ? (..) L’homme a besoin de chaleur, de vie sociale, de confort, et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et de sens du merveilleux. S’il en prenait conscience, il pourrait utiliser avec discernement les produits de la science et de l’industrie, en leur appliqant à tous le même critère : cela me rend-il plus humain ou moins humain ? » Georges Orwell
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C
ben dis donc, c'est drôlement fouillé cette réflexion, très intéressant, le blog demanderait donc une présence permanente pour exister ? on a besoin de se sentir exister aux yeux des autres. c'est une réalité humaine, il faut sans doute composer avec cette exigence, elle fait parti de nous comme l'exigence de solitude et d'isolement. Composer ? <br /> Mais les liens du net, sont quand même particuliers, à nous d'en faire quelque chose de positif. Quelques fidélités se créent qui empêchent le blog de n'être qu'un miroir narcissique ? I don't know.
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P
Telle... j't'adore :o)<br /> <br /> Tina, je cherche effectivement l'équilibre dont tu parles. Globalement j'en suis satisfait, bien que je me laisse parfois aller à une "facilité" qui, tôt ou tard, me pousse à y remédier.<br /> <br /> Filo filo, c'est un Hamamélis, un des tout premiers à fleurir, bien avant les sempiternels Forsythias :o)
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F
Dis, c'est quoi l'arbuste photographié en haut, sous le titre du billet ? Il est ravissant !<br /> Oui, tu as raison, et c'est ce que j'aime dans la toile, les échanges enrichissants et aisés. Passe une toute belle soirée : ça sent le printemps chez nous aussi !
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T
Tu as bien raison de délaisser un peu l'écran pour regarder les montagnes lointaines, nos yeux sont plus adaptés, je crois, pour observer l'horizon plutôt que pour lire longtemps sur écran. L'idéal étant de trouver le bon équilibre et l'apaisement entre l'écriture,l'observation du monde, la lecture,la communicaton ,etc...<br /> En attendant les futurs posts, nous avons de quoi lire et relire dans tout ce que tu as déjà écrit...
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T
Pourquoi avec toi et sous ta plume, tout semble si limpide et si clair ?<br /> <br /> (commentaire à classer dans la catégorie 1)<br /> <br /> ;-)<br /> <br /> (et même dans la 3 désormais)<br /> <br /> ...
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