Des liens et du détachement
« Je réalise plus clairement que mon écriture intime, ici, c'est-à-dire publique, nécessite cette sorte de « présence de ces blogs-là ». [...] Jusque-là je n'avais pas réalisé l'ampleur du phénomène en moi. |
Voila une réflexion qui rencontre fort à propos la mienne, au moment où je prends un recul notable avec cette "blogosphère" en constante régénération. En effet j'ai souvent pensé que si les écrivants intimistes que je côtoie depuis mes débuts disparaissaient... je cesserai d'écrire ! Faute de sentir ces présences confidentielles il me semble que je perdrais une sorte de... connivence. Je me demande si je ne garde pas le courage d'écrire parce que ces personnes ont pu suivre mon parcours depuis que je le raconte [du moins est-ce ainsi que je l'imagine...].
Mais je dois bien reconnaître qu'ils sont devenus rares, aujourd'hui, ces prédécesseurs ou contemporains. Très peu de ceux qui ont commencé avant moi sont encore "actifs" et leurs écrits s'espacent toujours davantage ou ont considérablement changé de tonalité. Il y a aussi les mises en sommeil très prolongé... Quant à ceux qui ont commencé en même temps que moi, ou peu après, ils ne sont guère plus nombreux. L'inexorable hécatombe des blogs défunts ne cesse de croître, alors qu'il en naît de nouveaux chaque jour.
Comme Alainx je suis "attaché" aux auteurs qui se sont ouverts depuis très longtemps à leurs interrogations existentielles. Et davantage lorsque je les ai rencontrés dans le monde réel, ce qui est le cas pour la plupart. Ces personnes constituent à mes yeux une sorte de... tribu (?). Disons un "groupe", aussi hétérogène qu'il puisse être, principalement relié par la pratique prolongée de l'écriture publique de soi. Le paradoxe durable du dévoilement intime.
Il se peut qu'il existe, ailleurs que dans ce cercle que je fréquente, d'autres sphères similaires. Mais je n'en suis pas sûr... Peut-être fais-je partie de ces quelques derniers dinosaures encore vivants qui ont commencé à écrire au siècle dernier ? De cette époque lointaine je garde, il me semble, une certaine approche de l'interlecture en comité restreint...
Avec l'avènement des blogs, est venu celui de la multiplication infinie des interactions et de la dispersion des liens. Dans ce nouveau monde qu'on appelle "blogosphère" je me suis attaché à de nouveaux talents, mais d'une façon différente. Probablement parce que les échanges y ont d'emblée été publics. Donc avec une approche moins personnelle, moins intimiste. À moins que ce soit moi qui suis devenu moins sensible ? Un peu blasé ? Ou simplement plus "détaché" de toute forme de relation...
C'est dans la discrétion en "tête à tête" des échanges de mails privés que se disent des confidences. Mais bizarrement je constate que j'y réponds souvent très tardivement, préférant pour d'obscures raisons répondre d'abord aux commentaires publics ! Peut-être parce qu'ainsi je m'adresse à plusieurs personnes à la fois ? Les correspondances privées demandent du temps, surtout quand je prévois de faire de longs développements...
J'aime aussi beaucoup ce qui s'échange grâce aux commentaires publics, dont je reconnais éprouver de la satisfaction devant la qualité de ce qu'ils apportent. C'est une vraie richesse, qui fréquemment nourrit ma réflexion et me fait "avancer" sur mon parcours tout en offrant à tous cette possibilité. En même temps il y a un aspect "détaché", sans implication vraiment marquée, qui me convient bien. D'ailleurs je sais, par expérience, que nombre d'intervenants ne participent que durant quelques mois puis disparaissent. Souvent les contacts ne durent pas très longtemps, les liens ne se tissent pas. Il faudrait du temps mais c'est l'éphémère qui domine. Du moins en ce qui concerne les interactions publiques puisque certaines personnes me lisent en silence depuis des années et ne m'en informent qu'exceptionnellement.
Je ne le répèterai jamais assez : les manifestations des lecteurs [mais non, pas les manifs !] sont mon carburant. J'ai besoin de sentir votre présence pour ne pas écrire dans le vide. Si "dépendance" il y a, c'est bien de celle-ci dont il est question. Et elle est réelle : sans vos retours j'écrirai différemment. De façon plus... détachée.
Alors peut-être que, dans le même ordre d'idée que ce qu'écrit Alainx, ce qui fait évoluer mon rapport à l'écriture publique en ce moment est cette "disparition" progressive de ceux avec qui s'était établi une connivence. Échanger ne suffit pas, il est important aussi de créer des liens [ce n'est pas le renard qui me contredira...]
Sauf que... je ne cherche plus à créer des liens sur internet ! Ou du moins... pas le même type de liens que ceux auxquels j'aspirais auparavant.
Ouais... c'est peut-être ça qui me questionne : je ne sais pas trop de quels liens j'ai envie.
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